Le mot "boycott" retentit à la veille de l'élection présidentielle

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par Marina CHAKINA,

commentatrice de RIA-Novosti..

Les deux principaux partis démocratiques russes - l'Union des forces de droite (SPS) et "Iabloko" - ont annoncé qu'ils refusaient de se porter candidat à la présidentielle du 14 mars 2004. Pour l'instant, on ne sait pas à quoi ils inviteront leurs partisans: à boycotter le vote, ou bien à voter "contre tous". Le Parti communiste de la Fédération de Russie (KPRF) en fera probablement de même. La tournure que prend les événements peut changer substantiellement la situation politique en Russie.

La situation actuelle découle des législatives du 7 décembre, dont l'une des sensations fut l'échec essuyé par le SPS et "Iabloko" qui ne font plus partie de la Douma (chambre basse du parlement russe) et la grave déconfiture des communistes qui ont perdu la moitié de leurs sièges à la Douma. Les informations diffusées par les principales chaînes de télévision russes appartenant à l'Etat ont été favorables au parti pro-présidentiel "Russie unie", expliquent les perdants.

D'après les estimations des communistes qui avaient leurs observateurs dans tous les bureaux de vote de Russie, les résultats des élections ne correspondent pas à ceux annoncés par la Commission électorale centrale (CEC). Le SPS et "Iabloko", affirment-ils, ont recueilli plus de 5 % des voix et devraient donc siéger au parlement.

Après le 7 décembre, les deux partis de droite ont fait connaître leur intention de désigner un candidat unique pour la présidentielle du 14 mars et se sont donc mis à sa recherche. Selon l'opinion qui prédominait dans les milieux démocratiques, la droite se devait de participer à la présidentielle pour des considérations de principe, même si son candidat n'avait aucune chance de l'emporter. Il s'agissait alors de montrer au monde entier que l'idée libérale était bien vivante en Russie! Par ailleurs, les politologues préconisaient aux partis de droite qu'ils sombreraient purement et simplement dans l'oubli s'ils cessaient de participer aux grands événements politiques.

Mais les recherches en matière de candidat démocratique unique n'ont rien donné, et les intentions du SPS et de "Iabloko" ont imperceptiblement glissé vers la non-participation à la course présidentielle. La raison principale peut être purement technique. Ne faisant pas partie de la Douma, le SPS et "Iabloko" ne peuvent désigner automatiquement leur candidat. Ils doivent recueillir 2 millions de signatures en faveur de leur candidat. Compte tenu du manque de temps (les signatures doivent être présentées début janvier), du nombre de jours fériés en cette période de l'année, de la complexité de la procédure et de l'absence de résultat garanti, les libéraux en sont venus à la conclusion que le jeu n'en valait pas la chandelle.

Cette tournure des événements n'est pas très avantageuse pour les dirigeants du pays bien que l'absence de la droite à la Douma n'afflige pas particulièrement le Kremlin qui a accordé ses sympathies au parti "Russie unie" et qui a contribué pour beaucoup à son net succès aux élections législatives (ce parti a recueilli 37,5 % des voix d'électeurs). Cependant le 18 décembre, en s'entretenant avec la population du pays au cours d'une séance retransmise en direct par la télévision, Vladimir Poutine a exprimé son regret au sujet de l'échec de la droite ... Mais l'absence de libéraux parmi les candidats à la présidence est une autre chose.

Aussitôt après le 7 décembre, aussi bien en Russie qu'à l'étranger, on a parlé de régression de la démocratie dans le pays. Ce n'est pas un hasard si les propos sur le boycott de la présidentielle ont suscité une réaction nerveuse du chef de l'Etat et de son administration. Vladimir Poutine a qualifié cette positon de "lâche". Selon la presse, le Kremlin a invité le leader du parti "Iabloko" Grigori Iavlinski pour le persuader de participer à l'élection. Mais Grigori Iavlinski est resté fidèle à sa réputation qui lui vaut le surnom de "Monsieur Non": il est aujourd'hui l'un des hommes politiques les plus intransigeants du pays ...

Si Vladimir Poutine n'a pour rival à l'élection du 14 mars que Vladimir Jirinovski qui a une réputation exécrable en Occident, ce duel ne sera pas très honorable. Mais Vladimir Jirinovski peut aussi boycotter le scrutin présidentiel. Le leader du LDPR (Parti libéral-démocrate de Russie) n'a pas pris de décision définitive, mais il a déjà déclaré qu'il aurait voulu avoir pour concurrent le communiste Guennadi Ziouganov. Si ce dernier ne participe pas à la course présidentielle, Vladimir Jirinovski peut lui aussi rester en marge. Certains laissent entendre qu'en réalité Jirinovski marchande avec le Kremlin au sujet de sa candidature et espère ainsi en retirer des privilèges non négligeables.

La Commission électorale centrale de Russie est certaine qu'au moins cinq candidats participeront à l'élection présidentielle. Vladimir Poutine ne sera pas le seul candidat. Mais qui donc prétendra au poste de président outre Vladimir Poutine?

Si tous les candidats sont fortuits ou tout simplement parachutés, s'ils sont inconnus et ne peuvent pas rivaliser réellement avec le favori, aux yeux de nombreux citoyens en Russie comme à l'étranger, l'élection sera considérée comme un scrutin sans alternatives, ce qui pourrait causer préjudice à la réputation internationale de Vladimir Poutine.

De plus, la présidentielle peut également échouer si le taux de participation est inférieur à 50%. Le taux officiel de participation aux élections législatives du 7 décembre était très faible d'après les critères russes: 55 %. Si le KPRF, le SPS et "Iabloko" invitent leurs électeurs à boycotter le vote du 14 mars, le taux de participation peut se réduire encore. Qui plus est, certains électeurs tout à fait loyaux envers Vladimir Poutine pourraient ne pas se rendre aux urnes car une élection sans intrigue risque de "ramollir" la population.

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