Nouvelles expérimentations sur la scène du Bolchoï

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MOSCOU, 7 septembre - par Olga SOBOLEVSKAIA, commentatrice de RIA Novosti. Depuis le début du XXIe siècle, la vieille citadelle de l'art classique du centre de Moscou se rend progressivement à la merci des temps contemporains. En effet, le Bolchoï désigné "académique" dans son nom officiel évoque de moins en moins souvent son académisme devant un public qu'il préfère stupéfier et épater par ses expérimentations.

Spécialement pour le Bolchoï, le compositeur Leonid Dessiatnikov et l'écrivain Vladimir Sorokine viennent de créer un opéra, "Les Enfants de Rosenthal", histoire des clones de cinq compositeurs: Tchaïkovski, Moussorgski, Mozart, Verdi et Wagner. Pour le Bolchoï, ou du moins pour ces vieux principes, c'est plus qu'avant-gardiste. Dessiatnikov et Sorokine, chacun dans son domaine, n'ont pas d'égal dans le jeu des styles. Les deux sont à la mode et dans toutes les bouches. Les deux traitent librement et sans cérémonie les acquis de nos ancêtres. Mais, contrairement à Leonid Dessiatnikov dont certaines œuvres figurent dans le répertoire de grands festivals de musique classique, Vladimir Sorokine a connu une gloire à demi scandaleuse.

S'opposant à l'humanisme dans la littérature, l'écrivain a mêlé dans ses livres violences sexuelles, humour noire et perversités de toutes sortes. Les attaques du mouvement de jeunesse "Ceux qui vont ensemble" dont les adeptes ont publiquement condamné ses livres et déposé contre lui une plainte en justice pour "diffusion de produits pornographiques" (des fragments porno ont en effet été découverts dans son roman "Le Lard bleu") lui ont valu un coup de pub. L'opinion est cependant partagée, car Sorokine a pas mal de défenseurs.

En montant un opéra d'après le libretto d'un écrivain marginal à la mode, le Bolchoï focalise l'attention du public et se déclare indépendant. Et le directeur musical Alexandre Vedernikov s'y souscrit et prend place au pupitre de chef d'orchestre. La première des "Enfants de Rosenthal" est fixée pour le 23 mars prochain. La mise en scène est confiée à un éminent homme de théâtre, le Lituanien Eimuntas Nekrosius, qui a monté au cours de la saison écoulée "Macbeth" de Giuseppe Verdi. Ce début de l'artiste dans l'opéra, une mise en scène minimaliste dans la tonalité noir et blanc, a fait succès.

On attend en novembre la première de l'opéra de Dmitri Chostakovitch "Lady Macbeth de Mzensk" dans sa première rédaction jusque-là ignorée par la scène du Bolchoï. En 1936, cette histoire musicale sur un compositeur obsédé par sa passion pour une femme s'est trouvée en butte aux attaques de "La Pravda", le porte-parole du parti communiste, dont les critiques d'art l'ont qualifiée de "chaos au lieu de la musique". Dès lors, pendant 26 ans, on ne pouvait voir cet opéra qu'à l'étranger. En 1962, l'opéra a été réhabilité sous un autre nom, "Katerina Izmaïlova", d'après le nom du personnage principal. Chostakovitch a fait une deuxième rédaction de l'œuvre que les critiques d'art soviétiques ont estimée meilleure.

A la première de "Lady Macbeth de Mzensk", l'orchestre sera dirigé par l'Allemand Zoltan Pesko, fin connaisseur de la musique russe. L'opéra sera monté par Temour Tchkheïdze connu par ses mises en scène aux théâtres Mariinski et BDT de Saint-Pétersbourg. Cette première intervient à l'occasion du prochain centenaire de la naissance de Dmitri Chostakovitch qui sera célébré en 2006.

Le 18 février prochain, le Bolchoï compte présenter au public une comédie musicale en trois actes, "Falstaff" de Giuseppe Verdi. Cet opéra sur un bouffon shakespearien déménagera de La Scala dans la version de l'illustre Giorgio Strehler. Il poursuivra la location de mises en scène étrangères pratiquée par le Bolchoï. En Russie, la pièce sera reprise par Marina Bianchi qui était l'assistante de Strehler.

Cerise sur le gâteau, un nouveau spectacle cloné s'ajoutera au répertoire du Bolchoï en juin prochain, "Madame Butterfly" de Giacomo Puccini. Son auteur, le metteur en scène culte américain Robert (Bob) Wilson, arrivera lui-même pour adopter le spectacle à la scène moscovite et travaillera en tandem avec l'Italien Stefano Ranzani.

Le ministre russe de la culture et des médias Alexandre Sokolov a récemment fixé un objectif devant le Bolchoï, celui de jouer au niveau des grands maîtres. Il est évident que le théâtre est en train d'élaborer une tactique en ce sens.

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