L'Altaï dans l'attente d'un nouveau gouverneur

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MOSCOU, 10 août - par Iouri Filippov, commentateur politique de RIA Novosti. Au fil de ces derniers mois, le gouverneur du territoire de l'Altaï (Sibérie occidentale), Mikhaïl Evdokimov, répétait souvent qu'il rêvait de faire la connaissance d'Arnold Schwarzenegger.

Mais cette rencontre n'aura jamais lieu. Homme politique et acteur de variétés, ce chouchou de millions de Russes et surtout de ses compatriotes qui l'ont élu gouverneur est décédé dans un accident routier. Une mort fortuite et absurde.

On l'appelait "le Terminator russe", tellement il avait de points en commun avec l'actuel gouverneur de Californie. Naïf et provincial, Evdokimov est ce qu'on appelle un "self made man." Il a fait parler de lui à Moscou et a acquis une notoriété dans tout le pays avant de se lancer dans la politique. Mais, à l'image du personnage qu'il avait incarné, il s'est heurté à une cruelle réalité.

Plus d'un acteur rêve sans doute d'un parcours semblable, mais rares sont ceux qui y parviennent.

L'élection d'Evdokimov a choqué la bureaucratie de sa région. Deux semaines après sa victoire aux élections, le nouveau gouverneur était déjà accusé de tous les péchés mortels. On lui reprochait de ne savoir mettre un terme aux problèmes économiques et sociaux de la région, qu'il ne menait pas de préparatifs pour la saison du chauffage, qu'il faisait échouer la moisson. Mais la presse ne publiait qu'une infime partie des mécontentements qui lui parvenaient d'ailleurs aux oreilles.

Bien sûr, Evdokimov a souvent été pris à partie, et ce à juste titre. Mais peut-on croire qu'il avait tort chaque fois qu'il entreprenait quelque chose?

Personne ne voulait fouiller dans les détails. Les critiques dont il faisait l'objet, méchantes et acerbes, se multipliaient comme une boule de neige, alors que lui, vrai Sibérien, n'écoutait plus les reproches et évitait les conversations inutiles. Tout le pays a pu voir à la télévision un Mikhaïl Evdokimov silencieux quittant la séance de l'assemblée législative régionale au moment où celle-ci a ouvert le débat sur la démission du gouverneur.

Evdokimov n'était pas très fort dans les intrigues bureaucratiques et les astuces de l'administration régionale, il s'y connaissait peu dans la réalité économique et financière, même s'il était économiste de formation. Et il ne cachait pas ses faiblesses. Son point fort résidait dans sa personnalité. Les électeurs qui lui avaient donné leurs voix le savaient bien.

Le président Vladimir Poutine qui s'est rendu à Barnaoul, chef-lieu de l'Altaï, peu après la mort d'Evdokimov a dit du gouverneur ce que tout le monde avait déjà compris pendant un peu plus d'un an. Evdokimov n'était pas à même, physiquement, de régler les problèmes courants de la région, même s'il tentait sincèrement de les régler.

Poutine lui-même avait soutenu jusqu'au bout le gouverneur sibérien, alors que ce dernier ne venait pas souvent à Moscou et n'était pas un homme du Kremlin. Pourtant, le chef de l'État a refusé de le limoger en dépit des nombreux cris d'alarme de l'assemblée régionale qui s'était engagée dans un corps à corps mortel avec Evdokimov.

Aujourd'hui, Vladimir Poutine est confronté à un problème délicat. Qui proposera-t-il au poste de gouverneur de l'Altaï? Un homme politique ou un bureaucrate, une personnalité connue ou un gestionnaire venant d'une autre région russe, un représentant de la classe politique ou des milieux populaires, comme Evdokimov?

La mort de Mikhaïl Evdokimov a révélé au grand jour les tensions qui existent sans doute dans tous les pays du monde: les responsables politiques et les gestionnaires, qu'ils sachent ou non parler à la population, sont généralement perçus comme un groupe fermé. Les gens veulent parfois que leur dirigeant soit un homme du peuple. Un bonhomme naïf et ouvert comme Evdokimov.

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