La Russie manque de main-d'oeuvre qualifiée

S'abonner

MOSCOU, 1er septembre - Olga Sobolevskaïa, commentatrice de RIA Novosti. Dans les années à venir, la croissance économique en Russie sera freinée par le manque de main-d'oeuvre dans l'industrie, tel est le verdict rendu par l'Institut d'experts auprès de l'Union des industriels et des entrepreneurs de Russie.

La Russie souffre du manque d'ouvriers qualifiés. Mais il n'y a souvent personne pour les former, de plus, seulement 11% des écoliers se proposent de devenir ouvriers.

D'une part, l'opinion selon laquelle l'enseignement supérieur est incontournable est très répandue dans la société, note Victor Demine, président de l'Association des directeurs d'établissements d'enseignement secondaire spécialisé. Être ouvrier n'est pas prestigieux aujourd'hui. D'autre part, il n'y a personne pour apprendre le métier aux jeunes ouvriers. "Les vieux contremaîtres n'enseignent plus ou ne peuvent pas enseigner selon les normes modernes. Il s'agit des technologies de l'information, de la maîtrise des appareils sophistiqués", indique Olga Odyn, directrice de l'Association pour l'enseignement professionnel complémentaire. Les employeurs sont obligés de parfaire la formation des nouveaux venus, de les mettre "à niveau" sur le tas, c'est-à-dire dans les ateliers.

Le système de formation d'ouvriers qualifiés est presque détruit en Russie. "Les jeunes ayant terminé l'école secondaire au début des années 1990 et plus tard n'apprenaient pas le métier d'ouvrier, car cette voie n'offrait pas de perspectives", souligne Valeri Poliakov, président de l'agence pour l'emploi Metropolis. La demande de main-d'oeuvre en Russie a connu une chute au début des années 1990 suite à la brusque récession économique. Les établissements d'enseignement formaient des spécialistes sans prendre en compte les besoins du marché du travail. Résultat, les diplômés ne pouvaient pas trouver d'emploi et étaient obligés de se recycler. Les salaires minimes sapaient davantage le prestige des professions ouvrières.

Il existe aujourd'hui bien des entreprises stables qui reçoivent un grand nombre de commandes et qui peuvent donc verser aux ouvriers des salaires décents. Mais là aussi, on ressent un manque de professionnels. "Le salaire d'un jeune tourneur dans la région de Moscou se monte à 6.000 - 15.000 roubles (200 à 500 dollars), et celui d'un ingénieur, à 6.000 - 12.000 roubles. "Les ouvriers qualifiés gagnent beaucoup plus, note Valeri Loukine, directeur du Centre pour l'emploi de Balachikha (région de Moscou). Tout récemment, j'ai eu à rechercher un spécialiste en cryogénie. L'entreprise proposait un salaire de 50.000 roubles (1.700 dollars, un très haut salaire pour la Russie), et je ne pouvais trouver personne ! Si l'on ne prend pas de mesures urgentes, demain, il n'y aura plus personne pour travailler".

D'ailleurs, les grandes entreprises trouvent une issue à cette situation. Norilsk Nickel et d'autres entreprises géantes accordent des sommes importantes à la formation des spécialistes et possèdent même leurs propres structures d'instruction. Certaines entreprises concluent des accords avec les écoles professionnelles pour y former des spécialistes dans des domaines bien concrets et dans les quantités nécessaires. Ainsi, les établissements d'enseignement peuvent résoudre leurs problèmes financiers.

Les écoles professionnelles étaient créées initialement pour desservir des secteurs et des entreprises bien concrets. Le marché du travail a changé depuis, et ses relations avec les établissements d'enseignement doivent changer aussi, souligne Victor Demine. Pour lui, la décentralisation de l'enseignement professionnel à partir de cette année permettra, dans l'avenir, de rendre l'enseignement dispensé dans les établissements transférés sous la juridiction des administrations régionales plus conforme aux besoins de l'économie. Les liens avec les entreprises clientes seront rétablis, les équipements seront renouvelés et les postes de contremaîtres ne seront plus vacants. "A l'heure actuelle, chacun des spécialistes que nous formons trouve un emploi, raconte-t-on au département de l'éducation de la région de Nijni Novgorod (sur la Volga). Tous les promus sont embauchés par les entreprises de la région. Les entreprises indiquent elles-mêmes leurs besoins, elles prennent en charge les futurs spécialistes en leur versant des salaires et reçoivent au bout du compte des ouvriers qualifiés".

Les établissements d'enseignement attendent un soutien sérieux de la part de l'Etat et des initiatives des organisations non gouvernementales. "Nous avons besoin également de nouvelles approches de l'orientation professionnelle des écoliers", indique Alexeï Soudlenkov, président du bureau du conseil des directeurs d'établissements fédéraux d'enseignement professionnel initial. "Il faut faire savoir aux jeunes quels métiers ouvriers peuvent être très prometteurs, notamment du point de vue de la carrière", conclut Valeri Poliakov de Metropolis.

Fil d’actu
0
Pour participer aux discussions, identifiez-vous ou créez-vous un compte
loader
Chat
Заголовок открываемого материала