Faible probabilité de révolution colorée au Kazakhstan

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Par Alexéi Makarkine, directeur général adjoint du Centre des technologies politiques - RIA Novosti.

La chambre basse du parlement kazakh (majilis) a fixé la présidentielle au 4 décembre. Il est devenu d'usage d'établir un lien entre toute campagne électorale dans l'espace post-soviétique et les "révolutions colorées" dont l'un des traits particuliers est la coïncidence avec des élections.

Pour le Kazakhstan cette perspective semble pourtant peu probable. Non pas en raison de la croissance économique du pays dont le PIB s'est accru de 9% au cours de la première moitié de l'année (en Ukraine, à l'époque du gouvernement de Viktor Ianoukovitch, la croissance n'a pas été moins importante). Non pas en raison du charisme de Noursoultan Nazarbaev qui, à la différence par exemple d'Edouard Chevardnadze, n'a pas gaspillé son capital politique. Mais en raison de l'absence au Kazakhstan de conditions objectives favorisant une révolution.

Premièrement, l'idée de rapprochement avec l'Occident qui a inspiré les Ukrainiens "oranges" et les partisans géorgiens de Saakachvili n'est pas d'actualité au Kazakhstan. Elle ne correspond pas à la situation géopolitique du pays et ne trouve pas de soutien massif dans la société kazakhe.

Deuxièmement, il n'y a pas dans ce pays de face-à-face clanique très net, fondé sur les principes régionaux comme celui qui a abouti dans une grande mesure, le printemps dernier, à la destitution d'Askar Akaev en Kirghizie. Rappelons qu'en Kirghizie il y avait un conflit entre le Nord et le Sud qui avait ses racines dans le rapport des forces politiques hérité de la période soviétique de l'histoire de ce pays. Au Kazakhstan, les élites forment un bloc plus homogène autour du pouvoir.

Troisièmement, en Kirghizie, Askar Akaev a retardé jusqu'au dernier moment le règlement du problème de l'avenir de son régime (il était à son dernier mandat présidentiel, d'après la Constitution). Différentes variantes étaient à l'étude, de la modification de la Loi fondamentale à l'adoption du régime de république parlementaire. Il en a résulté que l'appareil d'Etat (y compris les structures de force) a été désorienté et affaibli.

Au Kazakhstan, tout est clair et concret : Noursoultan Nazarbaev se porte sans hésiter candidat à la présidentielle et passe pour favori dans tous les sondages. Par conséquent, les fonctionnaires ne seront pas, dans leur masse, enclins à se livrer à un "double jeu".

Quatrièmement, l'opposition au Kazakhstan est sensiblement plus faible qu'en Kirghizie. Elle ne s'appuie pas sur des clans régionaux puissants mais représente un groupe de fonctionnaires à la retraite. Le plus connu est Jarmakhan Touïakbaï, ancien procureur général et président du majilis. Il passe pour le principal concurrent de Nazarbaev, mais sa cote de popularité est actuellement aux alentours de 10%, donc rien de commun avec les résultats recueillis par Viktor Iouchtchenko à trois mois de la présidentielle en Ukraine. Le fait que l'opposition peut proposer son candidat dévalorise grandement l'effet de l'accusation de violations des normes démocratiques qu'elle porte contre les autorités kazakhes.

Enfin cinquièmement, on ne voit pas de force extérieure sérieuse prête à sponsoriser une révolution : Nazarbaev possède l'art de bâtir de bonnes relations avec tous les principaux acteurs internationaux.

L'orientation sur la Russie est prioritaire pour lui : ce n'est pas un fait du hasard si Astana démontre de façon conséquente, avec Moscou et Minsk, son attachement au projet d'Espace économique unique (EEU). Il n'est pas étonnant non plus que la Russie soutienne son partenaire kazakh. Les relations personnelles entre Vladimir Poutine et Noursoultan Nazarbaev ont un caractère positif elles aussi. A preuve les propos que le président russe a prononcé en présentant ses félicitations à son homologue kazakh à l'occasion de son 65e anniversaire en juillet dernier : "Vous avez créé un Etat indépendant à partir de zéro. Seul un homme hors du commun peut remplir cette mission. Quand le travail est fait, il semble facile. Mais quand il commence, avance et aboutit au niveau de développement dont nous sommes témoins aujourd'hui, on voit que c'est une tâche grandiose que vous remplissez avec brio".

En même temps, Nazarbaev n'entre pas en conflit avec les autres centres d'influence mondiaux, aussi bien avec Pékin (partenaire d'Astana et de Moscou au sein de l'Organisation de coopération de Shanghai) qu'avec Washington qui n'a pas l'intention de déstabiliser la situation dans cet Etat riche en pétrole. Un autre fait attire l'attention : le printemps dernier, le républicain Richard Pearle, un des "faucons" les plus connus, a effectué une visite au Kazakhstan. "Au cours de ma visite et de mon entretien avec le chef du Kazakhstan, j'ai constaté que ce pays a obtenu des résultats impressionnants dans son développement", a-t-il déclaré au terme de sa rencontre avec le président kazakh. "Ce pays joue un rôle important dans la région, les réformes économiques et politiques y sont opérées activement, différents peuples y vivent en paix et en bonne intelligence, se font mutuellement confiance", a déclaré alors Richard Pearle. L'expert politique américain estime cependant que des dangers menacent la stabilité du pays : les problèmes de l'extrémisme et du trafic de drogue risquent de venir des pays voisins moins développés pour s'installer au Kazakhstan.

Ainsi le régime du président Noursoultan Nazarbaev semble suffisamment stable. D'autre part, même les menaces potentielles de déstabilisation de la situation suscitent une réaction négative de tous les principaux centres d'influence internationaux. La probabilité de "révolution colorée" est donc très faible au Kazakhstan.

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