Il n'y aura pas de révolution au Kazakhstan

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MOSCOU, 3 octobre - Tatiana Stanovaia, experte principale du Centre de technologies politiques en exclusivité pour RIA Novosti.

L'élection présidentielle qui aura lieu le 4 décembre au Kazakhstan offre un prétexte aux dissertations dans les médias sur les possibilités d'une nouvelle révolution colorée dans l'espace postsoviétique. Cependant, les propos tenus avant les élections sont l'unique point commun avec l'Ukraine, la Géorgie ou la Kirghizie: au Kazakhstan, il n'existe aucune force politique susceptible de constituer une alternative réelle au président actuel.

La "révolution de couleur" dépend avant tout de l'état de l'opposition. Pour qu'elle soit vraiment efficace, trois facteurs sont nécessaires: l'affaiblissement de l'élite au pouvoir sur le plan électoral, ainsi que du point de vue du maintien du pouvoir et des ressources, la cohésion de l'opposition qui se traduit par sa volonté de désigner un leader unique et une véritable idée "nationale" énoncée par l'opposition. Apparemment, l'opposition kazakhe ne peut compter sur aucun de ces facteurs. Mais, l'essentiel, l'opposition kazakhe ne peut pas proposer son "Iouchtchenko " ou son "Saakachvili" à la société, alors que le temps presse.

Mais les préludes étaient très prometteurs. En octobre 2004, un événement significatif s'est produit au Kazakhstan: le président du parlement (majilis) Jarmakhan Touyakbaï passe de l'équipe présidentielle dans l'opposition. C'est une surprise: avant 2000, il occupait le poste de procureur général du Kazakhstan, ensuite il participe aux élections législatives et, bénéficiant du soutien du chef de l'Etat, devient président du parlement. En été 2004, Jarmakhan Toyakbaï est tête de liste du parti proprésidentiel "Otan" en prévision des élections législatives du 19 septembre.

Cependant, peu après l'annonce des résultats des élections, Jarmakhan Touyakbaï déclare qu'il quitte le poste de président du parlement, qu'il renonce à son mandat de député et quitte le parti. La raison de ce revirement aussi brusque dans le destin du troisième personnage de l'Etat au Kazakhstan était banale: alors que le sort de Noursoultan Nazarbaiev était incertain (on ne savait pas encore s'il serait habilité à participer à l'élection), la lutte pour le pouvoir s'était exacerbée au sein de l'élite au pouvoir. Les ambitions politiques de Jarmakhan Touyakbaï commençaient à prévaloir et le rôle de "locomotive" du "parti au pouvoir", sans perspective d'obtenir des dividendes perceptibles après les élections ne l'arrangeait plus. Noursoultan Nazarbaiev ne voyait plus Jarmakhan Touyakbaï au poste de président du nouveau parlement, par conséquent, le futur leader de l'opposition s'est avéré un homme politique "offensé" dont on n'avait plus besoin dans les nouvelles conditions.

En fin de compte, en critiquant âprement le pouvoir, Jarmakhan Touyakbaï est entré dans l'opposition. Un facteur a influé sur cette décision. A la fin de 2004, au plus fort de la "révolution orange" en Ukraine, l'ancien président du parlement ressemblait beaucoup à l'ex-premier ministre Viktor Iouchtchenko. Jarmakhan Touyakbaï mettait l'accent, dans sa campagne, sur l'honnêteté et la nécessité de démocratiser le système politique, de créer des conditions égales pour toutes les forces politiques, etc.

A ce moment, on avait vraiment l'impression que les destins de l'Ukraine et du Kazakhstan avaient des traits semblables. On a émis même l'idée de planter des marronniers ukrainiens qui devaient être les symboles de la "révolution des marronniers" à la kazakhe.

Or, il est devenu clair assez vite que l'opposition kazakhe ne pouvait pas jouer le rôle de guide de la révolution. Le bloc des forces démocratiques "Pour le Kazakhstan juste" qui a proposé la candidature de Jarmakhan Touyakbaï au poste de président n'est pas devenu une opposition cohérente. Le parti du pouvoir "Ak Jol", principal adversaire du pouvoir, a adhéré à ce bloc, mais cela a divisé le parti. Une partie de ses militants avec à leur tête le principal opposant Alikhan Baïmenov a décidé de participer indépendamment à l'élection présidentielle, alors que "Véritable Ak Jol", "clone" du parti, est resté dans le bloc. De plus, au début, les représentants des communistes avaient aussi adhéré au bloc, mais ils décidèrent ensuite de désigner leur propre candidat.

Les autres hommes politiques sont des candidats indépendants et ne peuvent pas concurrencer Noursoultan Nazarbaiev.

Autrement dit, l'opposition est divisée et son activité est basée sur les ambitions de certains personnages qui n'ont pas trouvé leur place au sein de l'élite au pouvoir. Dans ces conditions, ils ont du mal à s'entendre, d'autant plus que l'opposition ne propose pas à la société une autre voie de développement, comme c'était le cas en Ukraine, où Viktor Iouchtchenko a lancé l'idée de l'intégration européenne.

Il n'y a pas non plus au Kazakhstan de divisions géographiques nettes en Ouest-Est (Ukraine) ou en Nord-Sud (Kirghizie). Noursoultan Nazarbaiev, représentant du jouz aîné (groupe ethnique du Sud du pays) cumule harmonieusement dans le pouvoir les intérêts du jouz moyen (Est) et du jouz cadet (Ouest), en créant un équilibre stable.

La crise du pouvoir en Ukraine a porté le coup principal aux perspectives de "révolution de couleur" au Kazakhstan. Le succès des "révolutions" en Géorgie et en Ukraine exerçait un puissant effet psychologique qui suggérait la possibilité d'arriver au pouvoir en faisant pression sur les organes du pouvoir grâce aux actions de la "foule". Mais les "fruits" de cette pression sont déjà visibles en Kirghizie où l'équipe au pouvoir est au bord de la scission et en Ukraine, où la scission a déjà eu lieu.

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