L'espace prochainement accessible en chasseur

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MOSCOU, 17 janvier - par Viktor Litovkine, RIA Novosti. Le gouvernement du Kazakhstan a signé avec l'Institut de thermodynamique appliquée de Moscou (MIT) un contrat sur la conception de la fusée Ichim destinée à placer des satellites compacts à vocation civile en orbite basse.

Le MIT est connu dans le monde entier comme le concepteur du missile stratégique Topol-M (mobile et en silos) et du missile stratégique naval Boulava, dont les derniers essais, fin 2005, ont été couronnés de succès. Cet organisme doit désormais coopérer avec le bureau d'études Mikoïan dans le civil, domaine peu habituel pour ces deux géants de la recherche aérospatiale russe.

Le projet Ichim doit permettre de lancer de petits satellites dans l'espace avec les chasseurs MiG-31 dont le Kazakhstan compterait plusieurs dizaines après l'éclatement de l'URSS (43, selon le recueil The Military Balance). Astana posséderait également 16 chasseurs MiG-25, version précédente du MiG-31. Ces chasseurs lourds dont la masse au décollage frise les 50 tonnes et qui nécessitent un entretien régulier restent peu utilisés pour la protection du ciel kazakh, d'où cette idée, séduisante aux yeux des dirigeants kazakhs, de les utiliser comme lanceurs spatiaux.

Au fil des dernières années, beaucoup de pays du monde ont développé des technologies permettant de "compacter" les équipements dans de petits satellites pesant plusieurs dizaines ou centaines de kilos, même quelques kilos tout au plus, pour éviter d'utiliser les engins spatiaux ordinaires dont le poids varie entre 500 et 3.000 kg. Ces technologies assurent le fonctionnement des systèmes météorologiques et informatiques utilisés, entre autres, dans le sondage du sol, la prévision des cyclones tropicaux, la détection d'anomalies dans la couche d'ozone, le suivi écologique des pollutions atmosphériques et de l'effet de serre. Elles sont indispensables pour la détection des incendies de forêt, la navigation et la surveillance des conduites de pétrole et de gaz. Enfin, elles sont employées dans le cadre des programmes de téléenseignement russes et étrangers et des programmes de recherche fondamentale et appliquée.

Utiliser les chasseurs pour lancer des appareils aussi petits apparaît beaucoup moins coûteux et plus efficace en comparaison avec les engins lourds dont le lancement nécessite d'énormes dépenses souvent estimées à des dizaines, voire des centaines de millions de dollars. Les fusées ont besoin de cosmodromes spécialement aménagés dont la construction, le fonctionnement et l'entretien coûtent également des centaines de millions de dollars.

Selon les chercheurs, pour assurer la mise en orbite des petits engins spatiaux, il suffit d'avoir un réseau d'aérodromes et un parc d'avions capables d'accélérer la fusée porteuse jusqu'à la vitesse requise.

Un chasseur pourrait lancer une fusée pesant une dizaine de tonnes et emportant un ou plusieurs satellites à une vingtaine de kilomètres d'altitude, sa vitesse devant être plusieurs fois supérieure à celle du son pour procurer à la fusée une vitesse initiale de plus de 2.000 km/h, soit équivalente à celle d'une fusée porteuse à combustible solide à étages multiples au moment du détachement du premier étage, donc suffisante pour quitter l'espace atmosphérique.

Le chasseur MiG-31 correspond on ne peut mieux aux caractéristiques requises. Sa masse au décollage est d'environ 50 tonnes, sa vitesse maximale en fonction de la charge et de l'allure du vol atteint presque 3.000 km/h, son plafond statique frise les 20 km, alors que son plafond dynamique est encore plus élevé. En effet, il peut décoller et mettre en orbite des satellites dans n'importe quel coin du globe, ce qui s'avère particulièrement avantageux tant sur le plan scientifique que sur le plan commercial.

Toutefois, une mise au point de l'avion s'impose, et le bureau d'étude Mikoïan en est actuellement chargé. Il faut également concevoir une fusée spéciale à combustible solide capable d'atteindre des vitesses spatiales après son détachement de l'avion tout en portant le nombre de satellites nécessaire, ce dont s'occupe le MIT, très expérimenté en la matière. Pour résumer, il s'agit d'une version réduite en poids et en dimensions de la fusée porteuse Start-1 dotée de nouveaux moteurs, même si les concepteurs du MIT évitent cette comparaison. À leur avis, chaque nouveau produit, comme un enfant, ne ressemble jamais au précédent.

Le concepteur général adjoint du MIT, Lev Solomonov, a indiqué à RIA Novosti que les travaux de conception de la fusée Ichim se déroulaient conformément au calendrier. En 2007, les avions modernisés MiG-31, tout comme la fusée, seront prêts pour les essais. Les premiers lancements de mini-satellites sur des orbites circumterrestres à inclinaison différente - en fonction des missions géophysiques, météorologiques, écologiques et informationnelles - sont également programmés pour 2007.

Le projet Ichim qui a reçu l'entière approbation du président Noursoultan Nazarbaïev a suscité, lors du salon de l'innovation d'Alma-Ata, l'intérêt du britannique Surrey Center, des israéliens Israel Aircraft Industry et Rafael et de l'italien Finmeccanica. Le gouvernement kazakh poursuit les négociations avec d'autres sociétés étrangères séduites par une exploration spatiale efficace et relativement bon marché, et spécialisées dans le lancement de petits satellites à orbites basses et à vocation civile. Le projet russo-kazakh Ichim semble de mieux en mieux intégré dans le système de coopération internationale.

L'intérêt général suscité par le projet démontre que d'ici 10 à 15 ans les systèmes aérospatiaux à orbites basses ont toutes les chances de se tailler un créneau solide sur le marché des petits engins spatiaux et bousculer les engins lourds, les seuls pour l'instant qui permettent à l'homme de se déplacer à travers l'espace.

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