Nouvelles menaces de Washington à l'approche de la présidentielle

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Par Dmitri Kossyrev, RIA Novosti.

Le sénateur Sam Brownback, candidat républicain potentiel à la prochaine élection présidentielle américaine, propose de punir la Russie et la Chine de sanctions économiques. Son motif? La politique que les deux pays mènent vis-à-vis de l'Iran est contraire à celle des Etats-Unis. Dans un discours prononcé devant la fondation Heritage, à Washington, Sam Brownback a donc appelé à créer, en mesure de représailles, des obstacles pour les compagnies russes et chinoises sur le marché américain.

Moscou, comme Pékin, n'a jamais caché son avis sur l'Iran, avis qui diffère de la vision américaine. Moscou n'a jamais soutenu l'idée de pressions militaires ou de sanctions économiques contre l'Iran, même s'il s'oppose, comme les Etats-Unis, à ce que Téhéran entre en possession d'armes nucléaires.

Si l'initiative de Sam Brownback présente un quelconque intérêt, ce n'est pas parce qu'elle menace la Russie ou la Chine, mais parce qu'elle ne les menace pas. Les deux pays n'ont pas peur des sanctions. La Chine, par exemple, est créditrice de l'économie américaine à hauteur de 300 millions de dollars: c'est la somme pour laquelle Pékin a acquis des obligations du Trésor américain. Rien que les Boeing civils exportés au cours de ces dernières années vers la Chine ont rapporté 40 milliards de dollars. La liste des exemples est longue, et si les Etats-Unis et la Chine, dont les liens économiques sont si étroits, ouvrent une guerre de sanctions, ils ruineront tout simplement leur prospérité.

Dans le cas de la Russie, c'est l'inverse. Le chiffre d'affaires dérisoire de ses échanges avec les Etats-Unis et le faible niveau des investissements américains dans l'économie russe rendent la Russie pratiquement invulnérable aux éventuelles sanctions de Washington.

Rappelons qu'il y a beaucoup d'autres pays qui, à l'instar des Etats-Unis, ne souhaitent pas la nucléarisation de l'Iran. Très rares sont ceux, cependant, qui acceptent la politique de l'administration actuelle de Washington. Cela concerne notamment les Européens. Le parlementaire britannique Lord Howell a récemment exprimé un avis intéressant. "Bien sûr, il n'y aura aucun progrès sur le dossier iranien tant que les acteurs clés tels que la Russie, la Chine, l'Inde ou le Japon ne seront pas entièrement impliqués dans le dialogue, a-t-il écrit dans le Japan Times. L'idée que l'Union européenne pourrait diriger les négociations avec l'Iran était dès le début illusoire et vouée à l'échec, alors que la méthode américaine, celle de brandir la menace d'un recours à la force, n'en est pas moins vide et contre-productive".

L'histoire de la crise nucléaire iranienne n'est pas, loin s'en faut, le seul cas où les pays souhaitant appliquer une politique différente ou déviante par rapport à celle des Etats-Unis sont nombreux. On observe le même tableau autour de la victoire du Hamas aux élections législatives en Palestine. Récemment, la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice a mené des pourparlers ardus en Egypte afin de convaincre ce pays, partenaire et allié des Etats-Unis, d'isoler le Hamas et le priver de financement. Surprise: ses collègues égyptiens lui ont publiquement notifié que cette méthode musclée (il en va de même dans le cas iranien) n'était pas très raisonnable. Outre l'Egypte, d'autres pays prônent le dialogue avec le Hamas, aussi bien en paroles qu'en actes: il s'agit comme toujours de la Russie, mais également de la Turquie, de l'Espagne, de la France... Difficile d'imaginer que tous ces pays risquent des sanctions américaines unilatérales.

N'oublions pas non plus que le monde musulman reste indigné par le désir "occidental" de dessiner des caricatures du prophète Mahomet, et qu'un scandale international mûrit autour de la détention sans jugement de prisonniers, majoritairement musulmans, dans la prison de la base américaine de Guantanamo.

La conclusion qui s'impose est que la politique américaine dans le monde musulman n'est pas du tout celle que les autres pays devraient accepter sans réserve. Cette même politique promet aussi beaucoup d'ennuis au parti républicain dont le sénateur Sam Brownback serait le candidat à la prochaine présidentielle.

On peut supposer que le candidat comprend bien que son idée de sanctions vis-à-vis des partenaires américains n'est pas très sérieuse ni conforme à la réalité. Mais il n'est pas non plus prêt à un suicide politique: il aurait pu reconnaître l'échec de son parti qui a engendré, pour les Etats-Unis et leurs alliés, beaucoup de problèmes avec le monde musulman. Au contraire, le sénateur préfère mobiliser l'électorat républicain "classique" en lui proposant une version propagandiste et absurde de l'éternelle politique musclée vouée à l'échec. Attiré par le concept d'une Amérique forte, cet électorat avalerait le principe de sanctions contre la Russie ou la Chine. On voit bien que l'administration actuelle, qui relève elle aussi du parti républicain, ne propose rien de tel.

Des parallèles s'imposent donc entre les Etats-Unis et l'Iran. Le président actuel iranien, Mahmoud Ahmadinejad, a été élu il y a moins d'un an grâce aux voix de l'aile la plus radicale de l'électorat iranien. Qui plus est, contre toute attente, Ahmadinejad a mis en �uvre sa rhétorique électorale radicale, ce qui est assez rare. Et c'est la politique menée par les Etats-Unis dans le monde musulman, surtout dans l'Irak voisin, qui a conforté sa victoire. Résultat: Washington est désormais confronté à un antagoniste plus contrariant qu'il ne l'était auparavant.

On pourrait aussi bien imaginer que la politique iranienne aboutirait à la victoire d'un Ahmadinejad américain, pas forcément de Sam Brownback, à la prochaine présidentielle aux Etats-Unis. La nouvelle serait plutôt mauvaise pour ceux qui observent avec angoisse les prémisses d'un "conflit des civilisations".

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