Rituels et superstitions de l'ère spatiale

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MOSCOU, 31 mars - RIA Novosti.

Un vaisseau Soyouz TMA-8 a décollé jeudi matin du cosmodrome de Baïkonour, emmenant à son bord l'équipage de la 13e mission ISS.

Au Brésil, où les matchs de foot ne sont jamais interrompus, même par la publicité, les chaînes de télévision locales ont enfreint cette fois-ci la tradition pour montrer, en pleine finale d'une coupe de football, le premier astronaute brésilien s'apprêtant au décollage.

L'équipage de la 13e mission ISS comprend Pavel Vinogradov (Russie), Jeffrey Williams (USA) et Marcos Pontes, appelé dans son pays le "Gagarine brésilien". Le service commercial de l'Agence spatiale russe (Roskosmos) s'est abstenu de préciser la somme que le Brésil a payé pour le vol. Mais on sait que l'ingénieur de bord Pontes doit réaliser huit expériences, notamment pour étudier le comportement des plantes en microgravitation. Le programme du "Gagarine brésilien" prendra fin dans dix jours, et il regagnera la Terre avec la 12e mission. Les astronautes qui resteront sur orbite auront un agenda assez dense: la durée d'une journée de travail spatiale est de 19 heures, selon la chaîne de télévision NTV.

Avant le décollage, tous les membres de la 13e mission ont assuré les journalistes qu'ils ne croyaient pas aux superstitions ni aux chiffres censés porter malheur. "Je ne suis pas superstitieux: le 13 est pour moi un chiffre porte-bonheur", a déclaré le Russe Pavel Vinogradov. L'Américain Jeffrey Williams est lui aussi de cet avis. "Il n'y a rien de terrible dans le chiffre 13", a-t-il indiqué. Le problème n'existe pas non plus pour le "Gagarine brésilien". "Je suis l'astronaute treize et demi, puisque je pars avec la 13e mission et que je rentre avec la 12e", explique Marco Pontes, souriant.

Dans leurs bagages emportés sur l'ISS, les astronautes ont pris quelques objets singuliers. Ainsi, le Russe a emmené une croix d'or qu'il a reçue des mains du patriarche, pour pouvoir célébrer la fête de Pâques orthodoxe. Plusieurs vers de terre coupés en petits morceaux ont été également emportés en orbite pour vérifier s'ils pourraient grandir en apesanteur, a annoncé le journal télévisé Vesti.

Marcos Pontes a emporté un drapeau brésilien, un maillot de la sélection de football brésilienne et un autre marqué d'un portrait de Iouri Gagarine, un ballon de football jaune-vert et un chapeau semblable à celui que porta son célèbre compatriote Alberto Santos Dumont. Les Brésiliens considèrent ce dernier, et non les frères Wright, comme l'inventeur du premier avion. Le 12 novembre 1906, Dumont effectua un vol de 220 m à bord d'un appareil aux ailes droites ayant la forme d'un oiseau.

Les astronautes ont la réputation d'être les gens les plus superstitieux du globe. La tradition veut qu'ils emportent à chaque vol un brin d'armoise, car cette plante garde son odeur plus longtemps que les autres et rappelle la Terre, et que l'équipage soit salué au départ au son de la chanson soviétique "La Terre dans le hublot".

Les premières superstitions "spatiales" remontent au célèbre concepteur de fusées Sergueï Korolev. Il est notoire que Korolev n'aimait pas le lundi et reportait toujours la date du décollage si elle tombait sur le premier jour de la semaine, sans que personne ne sache pourquoi. Il devait défendre ses superstitions devant la plus haute hiérarchie, ce qui provoquait des scandales. En effet, les vaisseaux soviétiques n'ont pas décollé le lundi pendant les trois premières années de l'ère spatiale. Mais quand on a essayé d'enfreindre la tradition, 11 accidents se sont produits. Depuis 1965, plus aucun décollage n'est programmé pour lundi.

A Baïkonour, certaines dates sont également considérées comme portant malheur. Par exemple, aucun lancement ni aucun autre travail sérieux n'est jamais programmé pour le 24 octobre. Ce jour-là, en 1960, une fusée porteuse MBR R-16 a explosé, tuant plusieurs dizaines de personnes, puis, en 1963, une fusée R-9A a pris feu, faisant huit morts.

Autre superstition du grand savant: il croyait que son assistant, le capitaine Smirnitski, avait "la main heureuse" et l'invitait toujours à appuyer le bouton "Départ". Même atteint d'eczéma, c'est toujours le capitaine Smirnitski qu'on faisait venir pour appuyer sur le bouton.

Par ailleurs, Sergueï Korolev avait interdit à un autre de ses assistants l'accès au site de lancement au moment du décollage, après qu'un accident se fut produit alors qu'il était de garde, et il veillait personnellement à ce que le malheureux ne s'y montre pas.

Un astronaute ne distribue jamais d'autographes avant son premier vol. Certains évitent même de signer avec de l'encre noire. Mais à son retour, l'équipage doit obligatoirement dédicacer une bouteille de vodka qu'on boit dans la steppe du Kazakhstan, si le vol a réussi.

Les astronautes laissent également des dédicaces sur les portes des chambres d'hôtel où ils passent la nuit précédant le vol. Il est strictement interdit de laver ou de repeindre ces portes.

On raconte que les superstitions n'ont pas permis dans un premier temps d'envoyer Valentina Terechkova dans l'espace, à cause de la vieille légende selon laquelle une femme à bord d'un vaisseau porte malheur. Mais les superstitions étaient étrangères à l'administration soviétique. En 1963, à la veille de la conférence internationale des femmes de Moscou, on devait nécessairement envoyer dans l'espace une représentante du sexe faible.

Longtemps, les moustachus n'ont pas été admis dans l'équipe des astronautes. Pendant le vol de Viktor Jolobov qui portait une moustache, des anomalies ont été constatées, et le programme a dû être suspendu.

Jamais le vol d'un vaisseau n'est désigné comme "dernier": au lieu du "dernier voyage vers la station Mir", on disait "le voyage final". Jamais les astronautes ne disent au revoir aux personnes qui viennent les saluer au moment du départ.

Sur le cosmodrome de Plessetsk, avant le lancement d'une fusée porteuse on doit nécessairement graver dessus le nom russe de Tania. On dit qu'un officier avait gravé le nom de sa bien-aimée sur la première fusée qui décolla depuis Plessetsk. Un jour, alors qu'on avait oublié le détail, la fusée a explosé avant le décollage.

Les astronautes ont également pris l'habitude de satisfaire un besoin naturel contre une roue du car qui les amène sur le site de lancement. Les scaphandres étant hermétiquement fermés, les astronautes n'auront la prochaine occasion de se soulager qu'en dehors de l'espace atmosphérique. Certains disent que ce rituel remonte à Iouri Gagarine, et il est respecté jusqu'à nos jours. D'autres affirment que c'est Sergueï Korolev lui-même qui "arrosait" chaque fusée avant le lancement.

Enfin, avant d'embarquer, les astronautes reçoivent un petit coup de pied dans le derrière.

En revanche, aucune superstition n'est liée au chiffre 13 parmi les astronautes russes. Même si le chiffre ne plaît pas à tout le monde, le vendredi 13 n'est jamais pris au sérieux. Par contre, à la NASA, le chiffre 13 évoque des incidents désagréables. Ainsi, la fusée Apollo-13 a décollé le 11 avril à destination de la Lune, et le 13 avril une citerne d'oxygène explosait à son bord.

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