Le malheureux destin des symboles de la grandeur russe

© RIA Novosti . Vladimir Polyakov / Accéder à la base multimédiaLa "Reine des cloches"
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Ces prouesses techniques et militaires russes qui n'ont jamais servi.

Ces prouesses techniques et militaires russes qui n'ont jamais servi.

La  "Reine des cloches"

Il y a 170 ans, dans le Kremlin de Moscou, Auguste de Montferrand fit ériger sur un piédestal la "Reine des cloches". Conçue pour devenir une fierté nationale, elle était restée dans la fosse de coulée pendant presque cent ans, jusqu'à ce jour du 4 août 1836.

Le 26 juillet 1730, l'impératrice Anna Ivanovna ordonna de couler la plus grande cloche de l'histoire. Elle s'adressa d'abord à des spécialistes étrangers, mais ces derniers, croyant à une plaisanterie, refusèrent. Finalement, la fabrication du plus gros bourdon fut confiée au fondeur de cloches russe Ivan Motorine, maître incontesté de l'époque. Les préparatifs prirent un an et demi, et près de 200 personnes furent engagées dans les travaux.

Dans la nuit du 24 au 25 novembre 1735, près de 200 tonnes de bronze furent coulées dans un moule donnant naissance à la "Reine des cloches", haute de 6,14 m et large de 6,6 m. Mais un incendie qui se déclara le 20 mai 1737 empêcha de la remonter: en raison de fortes variations de température, 11 fissures se formèrent sur la robe de la cloche, et un gros morceau de bronze (11,5 tonnes environ) s'en détacha.

Tel fut le triste sort de la "Reine des cloches" qu'on n'a jamais entendu sonner.

Le "Roi des canons"

Le "Roi des canons" fut le premier géant de fonte coulé par les maîtres russes, bien avant la "Reine des cloches". L'idée d'un gigantesque canon censé intimider l'ennemi et manifester la grandeur de la Russie appartenait à un proche du tsar Fedor Ivanovitch.

En 1586, le fondeur Andreï Tchokhov coula ce miracle de bronze lourd d'environ 40 tonnes, long de 5,34 m, le diamètre du tube étant de 1,2 m. Le "Roi des canons" fut conçu à la fois comme un canon de siège capable de briser les enceintes et un canon lanceur de cailloux et de grenaille. Mais pendant que duraient les travaux de fonte, les fortifications en pierre tombèrent en désuétude au profit de celles en terre. Les cailloux étaient impuissants face aux nouvelles enceintes. Le "Roi des canons" ne fut jamais utilisé pour sa destination première.

Le "Roi des chars"

La décision de fabriquer un "Roi des chars" ne fut pas moins ambitieuse. Une énorme machine haute comme un immeuble de quatre étages fut érigée sous Nicolas II en 1915, aussitôt surnommée le "Roi des chars" ou la "Chauve-souris". L'empereur finança personnellement le projet dans l'espoir qu'un tel moyen d'intimidation aiderait la Russie pendant la Première Guerre mondiale.

Quand l'Angleterre s'apprêtait, selon des informations secrètes, à lancer un nouveau char, l'ingénieur Nikolaï Lebedenko avait déjà fabriqué sa monstrueuse machine à roues qui pesait 44 tonnes, le diamètre d'une roue étant de 9 m. Mis en mouvement par un moteur de 240 CV, l'appareil développait une vitesse de 28 m/min. Selon l'idée de l'auteur, le char devait être livré par rail en état démonté vers la zone des hostilités où il devait être assemblé au moyen de boulons pour avancer vers la ligne du front.

Aujourd'hui, cela paraît bizarre, mais cette machine se déplaçait sur roues, car on préférait les roues aux chenilles à l'époque. Cela est d'autant plus curieux que la machine se déplaçait sur trois roues (!). Et c'est la troisième roue, à l'arrière, qui lui fut fatale. Pendant des essais effectués dans une forêt, la roue arrière s'embourba dans la boue. Les concepteurs décidèrent d'élaborer un moteur plus puissant, et le char fut abandonné dans la forêt. Mais le nouveau moteur ne répondant pas aux attentes, la machine finit par être saccagée par des paysans locaux. Les restes du char furent découpés et refondus en 1923.

La "Reine des bombes"

Au milieu des années 1950, alors que la course aux armements nucléaires battait son plein, un groupe de physiciens dirigé par Igor Kourtchatov et comprenant, entre autres, Andreï Sakharov et Viktor Adamski, conçut la "Reine des bombes".

Initialement, on envisageait de créer une bombe lourde de 40 tonnes. Mais les concepteurs de l'avion TU-195 (qui devait transporter la bombe) rejetèrent d'emblée cette idée. Le poids de la bombe fut alors réduit à 20 tonnes. Les Soviétiques utilisèrent le surnom "Ivan" durant la phase de développement de la bombe.

Alors que le lanceur était prêt pour les essais, le projet fut suspendu pour des raisons politiques: une pause intervint dans la guerre froide, et Khrouchtchev allait se rendre aux Etats-Unis. Toutefois, en 1961, quand la guerre froide entra dans une nouvelle phase, l'URSS reprit les essais et finit par concevoir une bombe de 24 tonnes.

La bombe thermonucléaire la plus puissante du monde fut testée le 30 octobre 1961, pendant le XXIIe congrès du Parti communiste de l'URSS. Elle explosa à 4.500 mètres d'altitude, la puissance de l'explosion étant d'environ 50 Mt équivalent TNT.

Les effets de l'explosion de la bombe, que les Occidentaux baptisèrent aussitôt la "Reine des bombes" (ou bombe "Tsar") furent impressionnants: le champignon atomique parvint à une altitude de 64 km, l'onde de choc fit trois fois le tour du monde, et l'ionisation de l'atmosphère provoqua des perturbations des télécommunications pendant une heure à des centaines de kilomètres à la ronde.

Ces symboles de la puissance russe n'ont jamais rempli leur vocation: la "Reine des cloches" n'a jamais sonné, comme le "Roi des canons" ou le "Roi des chars" qui n'ont jamais tiré. Il n'empêche que dans la mémoire collective ils sont perçus comme des témoignages de l'ingéniosité de la pensée russe.

Le dossier a été rédigé par la rédaction Internet du site www.ria.ru sur la base des dépêches de l'agence RIA Novosti et à partir d'autres sources.

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