Opération uranium à la veille de Noël

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Par Tatiana Sinitsyna, RIA Novosti

A la veille de Noël, 326 kg d'uranium de différents degrés d'enrichissement ont été acheminés d'Allemagne en Russie. Les Allemands ont été probablement heureux de pouvoir se débarrasser d'une impressionnante quantité de "saletés radioactives", terme largement employé pour désigner les "déchets nucléaires" par les Russes non initiés qui n'aiment pas, eux non plus, que leur pays se transforme en une poubelle radioactive.

Seulement, ils feraient bien de se souvenir comment cet uranium russe s'est retrouvé en Allemagne. Dans les années 1960-1970, Moscou réalisait un vaste programme de construction de réacteurs de recherche dans les républiques soviétiques et sur le territoire des Etats étrangers entrant dans la zone d'influence politique de l'URSS. L'Allemagne de l'Est, ou RDA, était l'un de ces pays. Tous ces réacteurs étaient destinés aux recherches nucléaires civiles et à la production d'isotopes pour la médecine et l'agriculture. Les Allemands ont choisi d'installer leur réacteur dans la zone industrielle de Rossendorf, et c'est là qu'a été déposé le combustible nucléaire.

Les événements politiques connus de tous qui ont abouti à la réunification de l'Allemagne et à l'éclatement de l'Union soviétique ont suspendu la réalisation de ce programme nucléaire civil. Le combustible est resté entreposé sur le site en attendant de connaître le sort qui lui serait réservé. Et voilà que le problème a été résolu.

Ce que les non-initiés appellent les "déchets radioactifs" est en réalité un bien très précieux, et les atomistes se réjouissent de le voir revenir au pays. La Russie est l'un des rares pays du monde à maîtriser le cycle nucléaire complet. Autrement dit, cet uranium y trouvera toujours une application. La cargaison venue d'Allemagne a été mise à la disposition du centre de recherche et de production Loutch de Novossibirsk pour être transformée en combustible faiblement enrichi destiné à être utilisé dans des centrales nucléaires.

L'opération de Noël a aussi un autre aspect important. La Russie remplit de façon conséquente le programme international de "ramassage des pierres nucléaires". C'est que, lorsque l'époque du romantisme atomique a pris fin et que le monde a cessé d'être bipolaire, l'humanité s'est rendu compte de l'effrayant danger de la réalité: des matériaux nucléaires étaient dispersés dans 60 pays du monde. L'URSS avait construit 20 réacteurs dans 17 pays et les Etats-Unis 43, dans 43 pays. Chacun était farci d'uranium de différents degrés d'enrichissement se prêtant à servir différents intérêts, y compris militaire.

En Russie comme aux Etats-Unis on a bien compris que tous les matériaux nucléaires devaient être ramenés dans leur pays d'origine et placés sous un contrôle rigoureux, sous la responsabilité de l'Etat. Les réalités politiques et la menace du terrorisme ne nous laissaient pas d'autre choix. En 1996, les Américains ont commencé à récupérer le combustible hautement enrichi des réacteurs construits à l'étranger d'après leurs projets. En échange, ils ont proposé aux pays exploitant des réacteurs de recherche du combustible plus faiblement enrichi qui ne présentait pas d'intérêt militaire.

En Russie également on se rendait compte qu'il fallait rapatrier les matériaux nucléaires, mais à l'époque un programme aussi coûteux ne pouvait être réalisé, faute d'argent. Alors les Américains ont avancé leur initiative dite de "réduction globale des menaces" et proposé de l'argent et un plan d'actions communes. Le coût global du projet, frais de conversion des réacteurs compris, se montait à 450 millions de dollars environ.

Cette somme impressionnante a été versée sur des comptes de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) qui dirige les travaux depuis 2004, en passant des contrats avec des entreprises russes concernées relevant de la compétence de l'Agence russe de l'énergie atomique. A la fin de 2006, après deux ans et demi de réalisation de ce projet, 433 kg d'uranium de différents degrés d'enrichissement ont été ramenés en Russie.

Il y a lieu de rappeler également une autre opération réalisée avec succès cette année: le rapatriement de Tachkent de matières nucléaires dangereuses. Les spécialistes russes, américains et ouzbeks avaient mis cinq ans à la préparer et voilà qu'à la fin de mai dernier, à la faveur de la nuit, un camion spécial a sorti de l'Institut de physique nucléaire de l'Académie des sciences d'Ouzbékistan une tonne de cartouches comportant 60 kg d'uranium hautement enrichi. Comme l'imposaient les règles de sécurité, les cartouches ont été vitrifiées avant d'être logées dans des conteneurs.

A l'heure actuelle, les spécialistes russes organisent le rapatriement d'uranium de Lettonie, de République tchèque, du Kazakhstan et de Serbie. Les Américains se fixent pour objectif de ramasser toutes les "pierres nucléaires" avant 2010. De l'avis des Russes, la date la plus réaliste est 2012. En tout cas, l'affaire avance.

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