Le sapin en Russie: racines d'une tradition

© RIA Novosti . Mikhail Fomichev / Accéder à la base multimédiaSapin décoré sur la place Rouge
Sapin décoré sur la place Rouge - Sputnik Afrique
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Le sapin est le décor principal du réveillon du Nouvel An dans la Russie contemporaine. Les blinis au caviar (noir et rouge) et le champagne ont une place de choix sur la table, et le Père Gel (Père Noël russe) avec son sac rempli de cadeaux est l'invité de marque.

Le sapin est le décor principal du réveillon du Nouvel An dans la Russie contemporaine. Les blinis au caviar (noir et rouge) et le champagne ont une place de choix sur la table, et le Père Gel (Père Noël russe) avec son sac rempli de cadeaux est l'invité de marque.

Si le poisson et le caviar couronnent la table des fêtes depuis belle lurette, le sapin est arrivé en Russie relativement récemment, à savoir il y a quelque deux cents ans, d'Allemagne. La tradition fut introduite par l'épouse de l'empereur Nicolas Ier, Alexandra Feodorovna, qui était née princesse allemande et avait donc l'habitude de voir décorer la maison de branches vertes.

Des petits sapins apparurent donc sur les tables du Palais d'hiver en mémoire de la Prusse, pays natal de l'ancienne princesse Charlotte.

Dans la famille impériale, cette fête paisible était accompagnée de la tradition consistant à se faire des cadeaux, que l'on déposait à côté de ces petits sapins sur la table ou que l'on suspendait aux branches. Les cadeaux étaient nombreux et, bientôt, la famille eut besoin d'arbres d'une plus grande dimension.

Personne ne sait qui ordonna de remplacer les fines branches par un grand arbre forestier; il n'est pas exclu que ce soit l'empereur lui-même qui ait eu cette idée.

Une culture particulière des décorations de sapin se forma alors à Saint-Pétersbourg: étoiles, diablotins, noix emballées dans des feuilles dorées et autres fins bibelots créaient une ambiance de fête. L'arbre décoré apparaissait au palais tel une belle dame d'honneur à la cour.

Ce phénomène n'est pas passé inaperçu: les gens de la cour voulurent tout de suite suivre l'exemple de la famille impériale et avoir eux aussi un sapin semblable. L'année suivante, le sapin envahit toute la ville, pour se répandre par la suite à travers la Russie.

Et ce, d'autant plus vite que la famille impériale avait l'habitude de laisser des gens du peuple (4.000 au maximum) entrer dans le Palais d'hiver pour partager la fête avec le tsar.

Des milliers de Pétersbourgeois purent donc contempler les petits sapins du palais et l'immense arbre planté au centre de la salle de bal. C'est ainsi que le sapin a rapidement conquis le coeur des Russes.

Après la Révolution d'octobre (1917), le sapin fut proclamé vestige du passé bourgeois, ce qui marqua le début d'une période lugubre pour les enfants (qui sont les plus fervents des fêtes de fin d'année) et leurs parents.

Le jour du Nouvel An était alors un jour ouvrable comme les autres, tout le monde se couchait tôt car le lendemain, on devait se lever de bonne heure pour aller au travail. Pas de cadeaux donc. Ni de sapins, qui n'étaient plus en vente et qu'il était même dangereux de rapporter soi-même de la forêt.

Le grand écrivain Mikhaïl Boulgakov a été le premier à oser rappeler aux Russes la beauté de l'arbre impérial.

Lors de la représentation du spectacle légendaire "Jours des Tourbine" (d'après son roman "La Garde blanche") au Théâtre d'art de Moscou, les spectateurs purent admirer sur la scène un beau sapin de Noël, décoré de bougies et de rubans, et sentir l'odeur de la cire fondue et des aiguilles vertes.

Certains spectateurs s'en évanouirent même.

En cas de besoin, une ambulance se tenait prête devant les portes du théâtre pendant le spectacle, à la demande de la direction.

J'ose supposer que c'est à ce moment, en voyant cette beauté verte sur la scène et en entendant le soupir de la salle émerveillée, que Staline (qui, comme on le sait, a vu le spectacle quinze fois au moins) décida de faire revenir le sapin dans les maisons des Russes. Ironie du sort, la fête fut restaurée l'année la plus effrayante de la terreur stalinienne.

Le 10 janvier 1937, le premier sapin soviétique, de 15 mètres de hauteur, fut installé dans la Salle des colonnes de la Maison des Syndicats, à Moscou. Le ciné-journal "Sovietski soyouz" ("Union soviétique") diffusa un reportage sur cet événement. L'année suivante, lors des fêtes, des centaines de sapins furent érigés dans le pays à l'instar de la capitale.

La guerre de 1941-1945 empêcha un temps la tradition de s'épanouir.

Un véritable culte du Nouvel An se développa en URSS, lorsqu'en 1947, le 1er janvier fut finalement décrété jour férié, tout comme à la belle époque d'avant la révolution.

Et là, l'inimaginable survint: une véritable flambée d'adoration pour le Nouvel An, un culte du sapin et de la fête, devenue désormais la principale fête de l'année.

Avec le sapin, les gens retrouvèrent l'atmosphère de la mascarade, la culture des feux d'artifice, des cadeaux, des cartes postales et des décorations. Les friandises (pains d'épices aux raisins secs, sucres d'orge en forme de coq...) recommencèrent à réjouir les enfants. Le sapin allemand devint le principal trophée de la guerre gagnée. En fait, c'est seulement dans cette atmosphère de danses autour de l'arbre de fête que se réalisait le rêve de bonheur sans nuages du peuple soviétique.

Je me souviens encore de ces sapins du Nouvel An, de ces sacs à bonbons mêlés de quelques mandarines, comme autant de symboles des jours les plus heureux de ma vie.

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