Le sourire de Tony Blair

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Par Piotr Romanov, RIA Novosti
Par Piotr Romanov, RIA Novosti

Tony Blair s'en va. Pas aujourd'hui. Demain ou après demain. Ou alors cet été. Ce n'est pas important. Sa décision est déjà prise, il va d'abord quitter le poste de chef du parti travailliste puis, quand les travaillistes se seront donné un nouveau chef, il lui remettra ses pouvoirs de premier ministre.

Tony Blair est loin d'avoir ennuyé la communauté internationale. Ces dix dernières années, l'Anglais s'est affirmé comme l'un des politiques les plus charmants, intelligents et énergiques parmi les responsables des puissances mondiales, et son sourire séducteur est probablement la dernière chose que l'on oubliera de lui. Il va disparaître, à la manière du célèbre Chat du Cheshire (Cheshire cat) du roman de Lewis Carroll, "Alice au pays des merveilles".

Et Blair quitte la grande scène, comme le Chat du Cheshire, uniquement parce qu'il en a décidé ainsi. Ironique, Tony Blair a fait remarquer qu'il n'entendait pas suivre l'exemple de la Dame de fer, Margaret Thatcher, qui, sûre de l'amour de son peuple, était restée bien longtemps en place, si bien que le chef de son propre parti avait dû lui indiquer la sortie.

Blair a compris ce que Margaret Thatcher, bien qu'extrêmement intelligente, n'avait su comprendre: 10 années ne sont rien sur la scène internationale, mais pour ses propres citoyens, et ce, quel que soit le politique en question, même s'il n'a pas commis d'erreur majeure, 10 ans, c'est suffisant.

Voilà, Blair s'en va, esquivant un coup pour sa réputation et l'image de son parti. Les prochaines élections législatives seront dures pour les travaillistes, ils ont sur leurs épaules tout le poids de la guerre en Irak. Et ils espèrent bien que Blair emportera avec lui ce lourd fardeau.

En attendant, s'il faut raison garder, dire de la position de Blair sur l'Irak qu'elle était une erreur n'est pas très juste, puisqu'il ne s'agit que de la partie somme toute logique de la stratégie d'étroite collaboration avec les Etats-Unis, choisie de longue date par la Grande-Bretagne. Et un partenariat stratégique demande des sacrifices. Ni les travaillistes, ni les conservateurs ne délaisseront ce partenariat. Si la question irakienne était tombée sous un gouvernement conservateur, cela n'aurait rien changé, et ce serait maintenant sur leurs épaules que pèserait le fardeau irakien.

Si l'on doit parler des véritables erreurs de Tony Blair, on s'arrêtera plus certainement sur cette histoire peu réjouissante de financement occulte du parti travailliste. En mars 2006, il a été établi que quelques chefs d'entreprise aisés ayant accordé d'importants "prêts" secrets au parti travailliste avaient reçu en échange des sièges à la Chambre des lords, des titres nobiliaires ou autres. C'est peut-être la seule véritable tache sur le costume de premier ministre de Tony Blair.

D'un autre côté, dans la tirelire de Blair tintent quelques succès manifestes. Sous son mandat ont été conduites d'heureuses réformes dans le domaine de la santé, de l'école et sur le marché du travail. Avec lui, l'économie britannique est entrée dans une période de croissance forte, et près de 3 millions d'emplois ont été créés dans le pays. Enfin, l'indiscutable succès de Tony Blair restera sa contribution au retour de la paix en Irlande du Nord.

Cela vaut la peine de se rappeler que Blair, précisément, a fait beaucoup pour que la Russie d'aujourd'hui soit comprise par l'Occident. A son époque, c'est Margaret Thatcher qui avait présenté Gorbatchev à l'Ouest. Plus tard, de la même façon, Blair l'a fait avec Poutine. Les deux hommes n'ont pas toujours réussi à se mettre d'accord, mais le plus important, c'est que Tony Blair a bien compris que sans la Russie, le monde est loin d'être complet, et que, par conséquent, les positions de Moscou sont à prendre en compte sérieusement.

Blair s'en va de son propre chef, fixant le moment de sa démission, et, par là même, décidant de quand et à qui il remettra ses pouvoirs. Il sait déjà qu'il peut rester membre de la Chambre des communes, ou peut-être hésite-t-il avec les affaires internationales. Selon la version qui circule en ce moment, Blair pourrait devenir représentant spécial international pour le Proche-Orient, les questions africaines ou encore les changements climatiques. Et peut-être écrira-t-il ses mémoires, pour gagner jusqu'à 10 millions de livres. Il existe une version selon laquelle Blair voudrait créer sa propre fondation internationale de bienfaisance.

Toutes ces variantes sont en principe possibles, le plus important étant qu'au moment de quitter son poste, Tony Blair sera libre de disposer de sa destinée comme bon lui semble.

Et cela n'a pas de prix.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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