Vers les secrets de Vénus

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Par Iouri Zaïtsev, expert à l'Institut d'études spatiales, en exclusivité pour RIA Novosti
Par Iouri Zaïtsev, expert à l'Institut d'études spatiales, en exclusivité pour RIA Novosti

40 ans se sont écoulés depuis la fameuse mission Venera-4, la première sonde automatique à avoir envoyé sur Terre des signaux en provenance d'une autre planète. Cette mission a marqué le début d'une nouvelle étape dans l'étude spatiale de Vénus, la planète la plus proche de la Terre dans le système solaire.

A Venera-4 ont succédé Venera-6 (1969), Venera-7 (1970) et Venera-8 (1972). Ces sondes ont permis de définir les principaux paramètres de l'atmosphère vénusienne, et il est devenu évident que, malgré la ressemblance apparente entre la Terre et Vénus d'après les principales caractéristiques planétaires, dont la masse et les proportions de chaleur solaire, l'atmosphère vénusienne n'a rien à voir avec celle de la Terre.

Dans les atmosphères planétaires, tout est coordonné. Par exemple, la composition chimique des couches basses dépend de la capacité des gaz à fuir la haute atmosphère vers l'espace interplanétaire. La densité et la composition chimique des particules dans les nuages dépendent, à leur tour, de la présence d'éléments susceptibles de se condenser. Même quand ces éléments sont très rares, des centièmes ou des millièmes de pour cent, cela suffit pour la formation des particules en question.

Ces petits éléments sont en mesure de relever la température de l'atmosphère de plusieurs centaines de degrés, s'ils savent absorber fortement le rayonnement infrarouge. La vitesse et la direction du vent dépendent des variations de température dans les différentes régions de la planète. Cependant, ces variations sont aplanies à leur tour par les déplacements de l'atmosphère. On ne peut comprendre le mécanisme de fonctionnement de chaque "machine" atmosphérique que sur la base d'une étude d'ensemble. C'est la raison pour laquelle les possibilités des premières sondes automatiques Venera ont vite cessé de satisfaire les exigences des chercheurs: il n'y avait pas assez de place ni de masse utile pour installer des appareils scientifiques complexes, et très peu d'information parvenait par le réseau de télécommunications.

A partir de 1975, des sondes de deuxième génération (à partir de Venera-9) ont été lancées qui prévoyaient l'atterrissage de capsules capables de fonctionner sur la surface vénusienne pendant une période relativement longue. Après le détachement des capsules d'atterrissage, la recherche se poursuivait depuis l'orbite des satellites artificiels de Vénus et les trajectoires de passage.

Venera-15 et Venera-16 ont pu réaliser un cliché radar de la surface vénusienne à courte distance.

Les sondes automatiques Vega-1 et Vega-2 ont eu la mission la plus complexe à accomplir. Avant de partir à la rencontre de la comète Halley, elles ont mis le cap sur Vénus. Leurs modules d'atterrissage se composaient de deux éléments: à part les capsules d'atterrissage classiques, ils comportaient un aérostat, instrument inédit dans l'étude planétaire. Contrairement aux capsules d'atterrissage qui fournissaient le profil vertical des caractéristiques météorologiques de l'atmosphère, un aérostat qui change d'altitude en se déplaçant à la vitesse du vent permettait d'avoir un profil horizontal et d'étudier parallèlement la dynamique de l'atmosphère. Il s'est avéré que Vénus était en proie à une puissante circulation zonale: à 60-70 km d'altitude la vitesse du vent s'élève à près de 100 m/s, mais elle diminue à l'approche de la surface pour atteindre 1 m/s aux altitudes inférieures à 10 km.

Cette circulation atmosphérique intense sur une planète en rotation lente est un phénomène difficilement explicable, comme beaucoup d'autres découvertes faites sur Vénus grâce à des appareils spatiaux. L'unique moyen réel de trouver le fin mot de l'énigme était de continuer à accumuler les informations et à affiner les expérimentations. Toutefois, l'astronautique russe et mondiale a alors tourné son regard vers Mars. La sonde européenne Venus-Express est depuis vingt ans le premier engin spatial destiné à l'étude de Vénus.

Dès le début engagés dans le projet, les chercheurs russes ont largement contribué à la conception du programme scientifique et des équipements pour devenir membres à part entière de la mission. Le retour à la planète oubliée grâce à un appareil spatial moderne doté d'un ensemble puissant d'équipements scientifiques a permis de réaliser un tour d'horizon global des processus physiques et chimiques qui s'opèrent dans l'atmosphère vénusienne, de préciser de manière significative les résultats de la première phase d'étude spatiale de la planète voisine et de les compléter de nouvelles données.

Ainsi, si l'eau a été découverte sous forme de glace dans le sous-sol martien, il est probable que, sur Vénus, elle s'est volatilisée dans l'espace interplanétaire. En témoignent les données, fournies par Venus-Express, concernant la teneur de la haute atmosphère en deutérium et en hydrogène qui est 150 fois supérieure à celle de l'atmosphère terrestre. Toutefois, l'étroitesse des méthodes de télédétection appliquées depuis l'orbite d'un satellite artificiel de la planète n'a pas permis à cette mission de lever toutes les imprécisions dans la conception de la nature de Vénus. Restent peu étudiées la minéralogie du sol, son interaction avec l'atmosphère, son évolution géologique et, surtout, sa composition intérieure. Il faut donc poursuivre les études de contact dans l'atmosphère et au sol sur le long terme.

Le Programme fédéral spatial 2006-2015 inclut un projet baptisé Venera-D (le "D" signifiant durable) qui prévoit d'amorcer la recherche en 2007 et de lancer la sonde en 2016-2018. L'appareillage scientifique du module parachuté sur la surface de Vénus devra résister aux hautes températures (environ 735 degrés Kelvin) et à la haute pression (près de 90 atmosphères) pendant près d'un mois. A titre de comparaison, les capsules d'atterrissage des sondes vénusiennes précédentes n'ont pas vécu plus d'une heure et demie sur Vénus.

On envisage la possibilité de fusionner la mission russe Venera-D et le programme européen d'études interplanétaires. L'un des scénarios hypothétiques prévoit le lancement d'un appareil spatial à partir du centre spatial de Kourou, en Guyane française, par la fusée porteuse Soyouz-2 dotée d'un booster Fregat. La station interplanétaire comprendra un module orbital européen créé sur la base de Venus-Express, un module d'atterrissage russe doté d'une architecture sans précédent, un aérostat européen pour étudier l'atmosphère vénusienne et, probablement, plusieurs petites sondes bourrées équipements scientifiques qui seront éjectées en divers endroits de la planète.

Etant donné qu'il s'agit d'une mission conjointe, tous les segments prévoient l'échange de surfaces pour les équipements scientifiques: des appareils européens pourront être installés sur la capsule d'atterrissage russe, et des équipements russes sur le module orbital européen et dans la nacelle de l'aérostat. On n'exclut pas la participation d'un petit aérostat japonais qui, contrairement au ballon des hautes altitudes européen, travaillerait à 35 km du sol. La confrontation des donnés recueillies aux différents niveaux donnera beaucoup d'informations supplémentaires.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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