Vent de changement dans l'astronautique russe

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Par Andreï Kisliakov, RIA Novosti
Par Andreï Kisliakov, RIA Novosti

Dans la dernière quinzaine de ce mois, si la tradition est respectée, nous aurons du nouveau sur le programme spatial russe: le 21 août, le Salon aérospatial international MAKS-2007 ouvre ses portes à Joukovski, dans la banlieue de Moscou. Pourquoi cette certitude?

Il y a deux ans, lors de l'édition précédente du salon, les nombreux visiteurs pouvaient contempler une maquette grandeur nature de la navette spatiale de demain, Kliper. Conçue par la firme RKK Energia, elle devait, selon les dirigeants de l'Agence spatiale russe (Roskosmos), ouvrir une nouvelle page dans l'exploration de l'Univers.

Un an plus tard, à Farnborough (Grande-Bretagne), Roskosmos a annoncé la quasi-fermeture du projet Kliper pour s'adonner à un programme-marathon consistant à moderniser le vaisseau Soyouz qui, en 50 ans, a déjà connu toutes les modernisations possibles et imaginables. Entre les deux salons, quelques tentatives ont été faites pour harmoniser les discours discordants concernant les missions habitées vers la Lune et Mars, mais les choses n'en demeurent pas moins floues.

En d'autres termes, le temps est venu pour un débat circonstancié sur l'avenir de l'astronautique russe. D'autant plus que le salon offrira au directeur de Roskosmos, Anatoli Perminov, une tribune médiatique prestigieuse pour lever, en bon professionnel, toute une série d'incertitudes.

En quoi consiste, par exemple, le programme spatial russe? Il y a encore six mois, avec le Programme fédéral spatial pour 2006-2015, personne ne se posait de questions. Par la suite, Roskosmos s'est mis à évoquer des projets à l'horizon 2040, ce qui veut dire que des programmes à réaliser dans les années 2030 ou 2040 doivent être inclus dans le calendrier des travaux menés aujourd'hui.

Mais ce n'est pas tout. Début août, le vice-directeur de Roskosmos, Vitali Davydov, a fait remarquer avec raison qu'aucune mission lunaire, aux termes du Programme fédéral, n'était programmée d'ici 2015. Précisons qu'en planifiant la stratégie spatiale pour la période susmentionnée, Roskosmos, lucide sur ses propres ressources, avait limité le programme lunaire au lancement de trois satellites de recherche.

Précisant sa pensée, M. Davydov a annoncé que le Programme fédéral allait être amendé. "Dans les deux prochaines années, d'ici 2010 à peu près, nous apporterons quelques précisions, et le Programme sera valable jusqu'en 2020", a-t-il affirmé. Qu'est-ce, si ce n'est pas un troisième scénario, avec toutes les conséquences économiques et financières qui s'ensuivent? Car, toujours selon M. Davydov, le Programme fédéral en vigueur est déjà en cours de précision, et il comprend désormais "des missions habitées vers la Lune et plus loin".

"Plus loin", c'est sans doute Mars. Mais la Lune n'en suscite pas moins d'interrogations. Si le nouveau Programme fédéral s'étale sur la période allant jusqu'en 2020, et qu'aucune initiative sérieuse concernant la Lune n'est prévue d'ici 2015, il se trouve que la conquête du satellite naturel de la Terre doit être préparée et réalisée en cinq ans seulement. Peut-on y croire? Selon Vitali Lopota, le président nouvellement élu de RKK Energia, pour l'instant la firme n'a pas l'argent pour réaliser le programme lunaire. D'après lui, l'argent n'arrivera pas avant que Roskosmos n'approuve un Programme fédéral renouvelé. Rien que des conjectures abstraites. Mais si on refait le Programme fédéral, comment l'harmoniser en douceur avec les projets existants et déjà financés?

Aujourd'hui, nul ne peut dire quelle fusée sera utilisée pour la mission lunaire. D'ailleurs, la conception d'un système russe de transports spatiaux est actuelle au point qu'elle n'est plus un problème purement technique, mais un problème affectant l'astronautique russe dans son ensemble.

La situation frise l'absurde. Il se trouve désormais que la navette Kliper a déplu à Roskosmos, parce qu'elle ne pouvait pas assurer de vols vers la Lune. C'est du moins ce qu'a déclaré début août le chef des programmes habités de Roskosmos, Alexeï Krasnov. Mais c'est justement un "lunatisme" abusif qu'on reprochait à l'ancien patron de RKK Energia, Nikolaï Sevastianov, limogé le 31 juillet dernier.

Le Kliper n'a pas été conçu pour les missions lunaires, il devait juste remplacer le Soyouz obsolète pour les itinéraires circumterrestres. Aujourd'hui, on essaie d'oublier Kliper, la Lune se trouve abandonnée aux Soyouz, et on est presque sûr à 100% que c'est aussi le vaisseau qui desservira la Station spatiale internationale (ISS) après 2010, quand les Américains finiront par mettre leurs navettes au garage. Si l'industrie spatiale russe parvient, en deux ans, à élaborer et à justifier un concept valable pour l'avenir des fusées, ce sera un grand succès.

Or, l'ISS, bientôt "désaméricanisée", ne peut compter pour l'instant que sur une fusée conçue il y a un demi-siècle... Et sur le prochain salon MAKS-2007, sa chance inespérée.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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