La course à l'énergie non polluante

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Par Tatiana Sinitsyna, RIA Novosti
Par Tatiana Sinitsyna, RIA Novosti

Le représentant de la Commission européenne Artur Runge-Metzger a présenté à Moscou le nouveau paquet de mesures de l'Union européenne dans le domaine du climat et des énergies renouvelables (ou paquet "climat-énergie"), datant de janvier dernier. Ce plan est ambitieux: l'UE se pose pour objectif de réduire unilatéralement ses émissions de gaz à effet de serre. Par exemple, la France et l'Allemagne devront d'ici 2020 les réduire de 14% par rapport au niveau enregistré en 2005. Il est prévu d'y parvenir avant tout grâce aux nouvelles technologies. La part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique devra sensiblement augmenter.

L'UE élabore une série de mesures qui pourraient stimuler économiquement les pays membres de l'Union européenne et élargir l'utilisation des sources d'énergie alternatives. Les objectifs de répartition des parts des différentes sources d'énergie dans chaque pays dépendront du PIB par habitant. Ainsi, les exigences pour des pays "pauvres" comme la Bulgarie et la Roumanie seront différentes de celles avancées au Luxembourg, pays prospère.

En prenant cette nouvelle initiative, l'Europe invite naturellement tout le monde à suivre son exemple et à réduire les émissions, en utilisant des énergies renouvelables. La présentation du nouveau paquet de mesures à Moscou est en ce sens une sorte d'acte civilisateur. Mais la Russie est loin d'être un désert à convertir à ce genre d'idées. Certes, elle ne donne pas l'image d'un pays où prospère le secteur énergétique alternatif, mais ses possibilités en la matière n'ont jamais été oubliées, et les études scientifiques n'ont jamais cessé dans ce domaine.

La Russie dispose d'immenses réserves de sources d'énergie renouvelables. Elles varient en fonction du climat et des régions: éolienne, géothermique, hydraulique et solaire, énergie de la biomasse et marémotrice. Le potentiel technique des sources d'énergie non traditionnelles en Russie est évalué à 4,6 milliards de tonnes équivalent pétrole (tep) par an, ce qui dépasse de 5 fois la consommation de toutes les ressources de combustibles du pays.

Dans de nombreuses régions de la Russie, les énergies renouvelables présentent un intérêt commercial, par exemple, les ressources géothermiques du Kamtchatka et des îles Kouriles. La centrale géothermique Paoujetskaïa (Kamtchatka) fournit de l'énergie électrique depuis déjà 42 ans. Elle ne produit que 5.000 kW, mais son importance pratique au niveau local est substantielle.

Les projets en matière d'énergie éolienne peuvent s'avérer compétitifs sur le littoral de l'Extrême-Orient et dans les steppes des régions de la Volga. La construction de petites installations hydrauliques est prometteuse dans l'Oural et en Sibérie orientale, l'utilisation de l'énergie solaire, dans le Caucase du Nord. Dans le Nord-Ouest de la Russie où l'industrie des pâtes et papier est bien développée, on peut utiliser la biomasse comme source d'énergie.

L'académicien Nikolaï Ponomarev-Stepnoï, vice-président du Centre scientifique russe "Institut Kourtchatov", fonde de grands espoirs sur l'hydrogène, source d'énergie non polluante. Un avion au moteur alimenté par de l'hydrogène fut conçu en Russie dans les années 80, mais, pour diverses raisons, ce programme fut abandonné. A présent, on peut dire que l'étude des possibilités énergétiques de l'hydrogène a repris un nouveau souffle. L'aéronautique est le principal domaine d'utilisation de l'hydrogène en tant que source d'énergie. L'usine automobile russe AvtoVAZ a déjà mis au point, conjointement avec la corporation Energuia, des automobiles alimentées par de l'hydrogène qui, de plus, se déplacent sans faire de bruit.

L'énergie solaire est une composante importante des réserves de sources d'énergie alternatives. La Russie, pays situé sous des latitudes Nord, ne voit pas le soleil durant des mois. Mais les chercheurs mettent l'accent sur un paradoxe: en moyenne par an, de nombreux territoires du pays captent davantage d'énergie solaire que les régions les plus ensoleillées de l'Europe. Mais l'énergie solaire se dissipe, c'est pourquoi il faut des technologies spéciales pour la transformer en énergie électrique.

Ces technologies sont la priorité scientifique de Jaurès Alferov, prix Nobel et vice-président de l'Académie des sciences de Russie. "A mon avis, la photoénergie est la principale orientation durable pour le développement de l'utilisation de l'énergie solaire, a-t-il expliqué à RIA Novosti. Ce sont les hétérostructures de semi-conducteurs qui représentent la matière idéale pour la transformation efficace de l'énergie solaire, car elles permettent de régler le problème principal de l'utilisation efficace des photons qui arrivent sur le semi-conducteur", a-t-il indiqué. L'utilisation de cascades de cellules photo-électriques au sein d'une hétérostructure unique a déjà permis d'obtenir un coefficient de transformation de l'énergie solaire de 40% (potentiellement, ce chiffre peut atteindre 87%). "Le Soleil est une source éternelle d'énergie non polluante que la nature nous offre, les gens apprendront, d'ici la fin du siècle déjà, à obtenir grâce à lui une bonne partie de l'énergie qui leur est nécessaire", prédit Jaurès Alferov.

Mais revenons à d'autres sources d'énergie, moins ambitieuses que l'énergie solaire, mais tout de même utiles aujourd'hui. Dans la lignée de l'Europe, la Russie participe à des projets de transformation de l'huile de colza en combustible diesel. Des plantations de colza existent déjà dans la région de Nijni-Novgorod, leur récolte est retraitée dans des combinats d'oléagineux au Tatarstan. Des usines de production d'éthanol et de biocarburant sont en voie de construction, les technologies d'obtention de biogaz sont largement utilisées.

Des projets intéressants sont réalisés dans les régions boisées: le Nord-Ouest du pays et la Sibérie. On y produit des briquettes et des "comprimés" de sciure pressée. On reconvertit ainsi les déchets de l'industrie du bois, en obtenant en même temps du combustible plus efficace que du bois de chauffage ordinaire.

On propose en outre des moyens assez originaux pour obtenir de l'énergie non polluante. Ainsi, l'océanologue russe Nikolaï Verchinski a émis l'idée d'utiliser à cette fin un phénomène physique: "l'effet mémoire de forme", phénomène propre aux objets en alliages spéciaux: les alliages à mémoire de forme (AMF). Après une déformation, ces objets rétablissent leur forme initiale en subissant une faible action thermique. Ce phénomène peut être efficacement employé pour créer un nouveau type de moteurs pouvant être alimentés par des sources d'énergie naturelles: les océans, les mers, les lacs. Nikolaï Verchinski a également proposé de produire de l'énergie en utilisant le sel contenu dans l'eau des océans ainsi que la puissance des vagues.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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