Damas: un "sommet des conflits interarabes" - ANALYSE

S'abonner
BEYROUTH, 28 mars - RIA Novosti. La presse libanaise a qualifié de "sommet des conflits interarabes" la conférence panarabe au sommet qui entame ses travaux samedi 29 mars dans la capitale syrienne - Damas, rapporte vendredi le correspondant de RIA Novosti sur place.

"Le sommet (de la Ligue arabe) constatera le fait de la division des Arabes en deux camps adverses", lit-on en substance dans les pages du quotidien libanais Al-Safir.

L'un de ces deux camps comprend les pays qu'on qualifie, en règle générale, de "modérés" et qui sont les principaux allés des Etats-Unis dans le monde arabe. Ce sont avant tout l'Arabie Saoudite et l'Egypte.

Leurs leaders ont refusé de participer au sommet de Damas et y ont délégué leurs représentants de bas niveau. Le gouvernement anti-syrien du Liban a décidé, lui aussi, de boycotter ce sommet de la Ligue arabe.

L'autre groupe est composé de la Syrie, de l'Algérie et des groupes antiaméricains et anti-israéliens qui leur sont proches et qu'on a l'habitude de qualifier d'"extrémistes" - le Hezbollah et le Hamas. Ils sont aussi épaulés par l'Iran.

"Le sommet de Damas se déroule sur fond de division profonde dans les rangs arabes encore que cette division se soit manifestée pour la première fois si ouvertement", a dit dans un entretien avec RIA Novosti l'analyste libanais Kamal Zubian.

Le problème libanais apparaît comme la cause première des divergences dans le monde arabe.

Selon les leaders de la majorité libanaise au pouvoir et les Etats arabes qui les soutiennent, ce sont la Syrie et le Hezbollah qui sont responsables de la crise au Liban et notamment du fait que ce pays reste sans président déjà depuis plus de quatre mois. L'Arabie Saoudite, l'Egypte et la Jordanie imputent aussi à Damas son alliance avec Téhéran, alliance qui permet, selon ces pays, à l'Iran chiite d'étendre de plus en plus son influence dans le monde arabe.

Quoi qu'il en soit, il existe une autre cause, beaucoup plus profonde, de cette division dans les rangs arabes. Elle consiste notamment dans la différence de vision de l'avenir de la région par le bloc de pays "modérés", d'une part, et celui de pays "extrémistes", de l'autre.

Selon le premier bloc, on doit reconnaître qu'il n'y a aujourd'hui dans le monde qu'une seule force - les Etats-Unis - et qu'il serait plus raisonnable de se soumettre à cette force, se rangeant aux côtés des Américains.

L'autre bloc organise, par contre, sa politique sur l'opposition à l'hégémonie des Etats-Unis et d'Israël. Les Arabes déclarent qu'on ne pourra rien obtenir par des concessions.

L'expérience de la guerre de 2006 au Liban où quelques milliers de guérillas du Hezbollah ont affronté avec succès la plus puissante armée de la région prouve que les Arabes, et d'autant plus s'ils s'unissent, sont en état d'obtenir la mise en application de leurs revendications, notamment la libération des territoires occupés et la création d'un Etat palestinien indépendant.

Dans cette confrontation, la pression exercée sur la Syrie par les Etats-Unis et leurs alliés arabes a une signification clé. Si le vecteur de politique syrienne changeait diamétralement, cela signifierait, d'une part, le total isolement du mouvement Hezbollah du soutien extérieur et son étouffement lent et, de l'autre, la perte par l'Iran de son principal allié dans le monde arabe.

Mais qu'est-ce qu'on propose à Damas en échange? Rien, répond M. Zubian.

"On ne demande que des concessions à la Syrie. Qui plus est, elle ne doit tout simplement pas renoncer à son soutien de la résistance (mouvements Hezbollah et Hamas), mais aussi participer à sa liquidation. Pourtant, Damas ne comprend que trop qu'après chaque concession, on lui produirait des exigences toujours nouvelles", a fait remarquer l'expert libanais.

Et d'ajouter qu'un tel processus aurait inévitablement pour résultat "la paix avec Israël sur les conditions de ce dernier qui ne prévoient pas le retour des territoires arabes occupés, comme l'exige la Syrie".

Le refus de la Syrie de céder à la pression, comme le montre le sommet de Damas, ne peut signifier, d'après M. Zubian, qu'une seule chose - la pression sur Damas se poursuivra.

Or, suppose l'expert, ce ne serait pas une pression militaire, mais économique et politique.

"Dans l'année de l'élection présidentielle, les Etats-Unis ne se décideraient pas à une campagne militaire contre la Syrie", a estimé le politologue.

Au lieu des moyens militaires, a-t-il poursuivi, Washington élargirait l'arsenal des moyens de pression politique, notamment par l'intermédiaire du Tribunal international pour le Liban, créer en vue d'enquêter sur l'assassinat en février 2005 de l'ex-premier ministre libanais Rafic Hariri.

La majorité libanaise au pouvoir en accuse la Syrie.

La crise politique au Liban se poursuivra, elle aussi. Néanmoins, contrairement à toute une série d'autres experts, M. Zubian ne croit pas qu'elle dégénère en nouvelle guerre civile. "Il n'y aura pas de guerre au Liban. Le pouvoir ne peut s'y décider, car il manque tout bonnement de force et de moyens pour cela, alors que l'opposition n'en veut pas", a dit le politologue.

En même temps, une nouvelle aggravation de la situation politique intérieure est réservée au Liban, soit des explosions, des assassinats politiques, des troubles publics.

"Tant que le Liban restera l'arène de confrontation de forces régionales et globales, la crise dans ce pays se poursuivra", s'est dit persuadé l'analyste libanais.

Fil d’actu
0
Pour participer aux discussions, identifiez-vous ou créez-vous un compte
loader
Chat
Заголовок открываемого материала