Gaz: l'UE opte pour le transit via l'Ukraine

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Par Oleg Mitiaïev, RIA Novosti
Par Oleg Mitiaïev, RIA Novosti

Le 23 mars, à Bruxelles, l'Ukraine a signé une déclaration conjointe avec les dirigeants de l'UE sur la modernisation de son système de transport de gaz (STG). Dans le contexte de la crise, les fonctionnaires européens ont choisi le pragmatisme et l'itinéraire le plus rentable - via l'Ukraine - pour acheminer le gaz russe vers les pays de l'UE. Ils ont mis de côté, ce faisant, le projet consistant à construire le gazoduc géant Nabucco partant des gisements de la Caspienne et contournant la Russie. Mais, comme le souligne Moscou, seul un accord tripartite UE-Ukraine-Russie pourra assurer le succès de ce projet.

Gazprom satisfait environ 26% des besoins des Etats européens en gaz naturel, dont près de 20% sont acheminés via l'Ukraine. Les possibilités actuelles de transport de gaz naturel du système ukrainien sont estimées entre 120 et 140 milliards de m3 par an.

La première ministre ukrainienne, Youlia Timochenko, a présenté à la conférence d'investisseurs de Bruxelles un plan général de modernisation du STG ukrainien, grâce auquel ses capacités annuelles de transport s'accroîtraient de 60 milliards de m3. A cette fin, elle a demandé aux investisseurs européens une aide de 5,5 milliards d'euros.

Les propositions de l'Union européenne sont plus modestes. Bruxelles est disposé à investir dans le STG ukrainien, construit il y a 40 ans, à l'époque de l'URSS, 2,5 milliards d'euros sur 7 ans, jusqu'en 2015. L'UE estime que cette somme sera nécessaire pour maintenir les capacités du système à leur niveau actuel.

Aux termes des accords signés, l'Ukraine s'est engagée à créer un "marché gazier transparent", et notamment à garantir aux opérateurs du transit du gaz russe vers l'Europe la possibilité d'agir sur une base commerciale.

La Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), la Banque mondiale et la Banque européenne d'investissement ont assuré qu'elles étaient prêtes à financer la modernisation du STG ukrainien. Sans préciser, il est vrai, à quelles conditions.

On ignore, pour l'heure, comment ces dispositions peuvent se conjuguer avec les contrats russo-ukrainiens de livraison de gaz russe à l'Ukraine et de transit du gaz russe par le STG ukrainien vers l'Europe jusqu'en 2019, qui ont été signés le 19 janvier dernier. C'est grâce à ces accords qu'il avait été possible de mettre fin au conflit gazier russo-ukrainien, par la faute duquel une partie considérable de l'Europe avait été privée de gaz russe pendant deux semaines, au début de 2009.

Au soir du 23 mars, les accords signés par l'UE et l'Ukraine ont été commentés par le premier ministre russe Vladimir Poutine. Il a souligné qu'il était irréfléchi de s'entendre sur une augmentation des livraisons de gaz russe sans la participation de la Russie: "Qui nous a demandé si nous sommes en mesure de transporter demain de tels volumes, et si nous consentons ou non à le faire ?"

Le 23 mars, tard dans la soirée, la première ministre ukrainienne Youlia Timochenko a essayé de détendre la situation. "L'Ukraine, de même que l'UE, a l'intention d'associer la Russie, en qualité de partenaire, au vaste programme de modernisation du système ukrainien de transit", a-t-elle déclaré.

Si l'Union européenne, l'Ukraine et la Russie réussissent à s'asseoir à la table des négociations et à conclure une alliance gazière tripartite, ce sera un changement substantiel dans la politique énergétique de l'UE.

En janvier 2009, au plus fort du conflit gazier russo-ukrainien, l'Europe avait décidé d'assurer sa sécurité énergétique en encourageant le développement accéléré du projet de gazoduc Nabucco, très contestable du point de vue économique, partant des gisements de la Caspienne et contournant la Russie, via la Turquie, pour rejoindre ensuite l'Autriche.

Les milliards d'euros d'investissements promis par Bruxelles pour moderniser le système de transit ukrainien attestent que le vecteur de la politique énergétique de l'Union européenne s'est de nouveau tourné vers le bon vieil itinéraire, reliant la Russie aux pays de l'UE via l'Ukraine.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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