Afrique face à l'évolution du paradigme du développement mondial

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Ce colloque a été organisé par l'Institut d'Afrique de l'Académie des Sciences de Russie. Il a réuni des spécialistes russes tout comme leurs collègues étrangers et des représentants du corps diplomatique africain à Moscou. Durant les trois jours des travaux du colloque ses membres ont analysé les tendances du développement politique, économique, social et international des pays de la communauté africaine. Le "printemps arabe" a été, naturellement, au centre des débats de ce colloque.

Bien entendu, toute cette actualité africaine a trouvé sa place dans le message du Président russe Dmitri Medvedev aux chefs d'Etats et de gouvernements à l'occasion de la Journée de l'Afrique:

"Cette date importante pour la communauté internationale et pour les relations internationales contemporaines symbolise l'aspiration des peuples africains à la liberté, à l'unité, à la paix, à la stabilité et au développement durable ", a souligné Président russe dans son message. “Les pays africains avancent ces derniers temps d'un pas assuré dans la voie de larges réformes et de modernisation. Beaucoup a été fait pour accélérer les rythmes de croissance et resserrer l'unité politique, économique et culturelle dans le continent. Nous nous félicitons également des efforts énergiques engagés par l'Union africaine et par les organisations subrégionales en vue d'assurer la paix et la sécurité et de mettre en place leur propre potentiel de maintien de la paix. La Russie continuera à soutenir très énergiquement les efforts africains dans ce sens ", dit le texte. "Dans le même temps, l'évolution de la situation dans certains pays de l'Afrique du Nord suscite actuellement de graves craintes. Je suis persuadé qu'il est dans l'intérêt général de régler le plus rapidement les crises existantes et d'éviter qu'elles ne se propagent à l'intérieur du continent. A notre avis, ce sont les Africains eux-mêmes qui ont un rôle clé à ce jour pour déterminer les voies et les méthodes de travail", a, notamment, souligné Dmitri Medvedev, en souhaitant la paix durable, le succès et la prospérité aux chefs d'Etats des peuples de l'Afrique.

Le rapport central du colloque à Moscou, "Tsunami des révolutions: nouvelles réalités géopolitiques", a été présenté par Alexei Vassiliev, directeur de l'Institut d'Afrique et membre-correspondant de l'Académie des Sciences. Selon Vassiliev, le "printemps arabe" qui a déjà changé la géopolitique en Afrique du Nord, peut devenir une sorte de précurseur de grands changements dans l'Afrique subsaharienne. Il faudrait, donc, étudier les motifs des événements qui ont bouleversé la Tunisie et l'Egypte et en tirer des leçons pour prévenir les pires scénarios dans l'évolution inévitable des pays de la communauté africaine.

"Parmi les motifs des révolutions, on cite, traditionnellement, plusieurs causes, explique Alexei Vassiliev. La crise du modèle autoritaire du pouvoir et des régimes policiers répressifs, la corruption, l'écart entre les riches et les pauvres, le haut taux de chômage, l'absence de droits et libertés démocratiques, la hausse des prix alimentaires… Ensuite, si l'on prend les trois pays arabes en révolution, la Tunisie, l'Egypte et la Lybie, nous verrons des traits spécifiques dans chaque cas. Par exemple, la cause principale de la révolution en Tunisie a été la corruption des autorités. Rappelez-vous le premier Président égyptien, Habib Bourguiba, de qui on disait qu'il avait quitté le pouvoir avec juste 30 dollars sur son compte bancaire. Alors que sous l'administration de Ben Ali la corruption et le parrainage ont atteint des proportions énormes. Il suffit de voir le clan de la seconde femme du Président, Trabelsi, qui s'est accaparé des secteurs les plus rentables dans le domaine bancaire, dans l'immobilier, le commerce, le tourisme et encore ailleurs. Le Président Ben Ali a perdu le sens de réalité et a cessé de compter avec les sentiments de la population. Une étincelle a suffi pour que la colère sociale déferle dans les rues. L'immolation du vendeur de fruits, Mohamed Bouazizi, le 17 décembre à Sidi Boudiz, a été cette étincelle", rappelle Alexei Vassiliev.

Le scénario tunisien s'est répété en Egypte. "J'ai souvent été au Caire, dit Vassiliev, et j'ai vu partout des signes de pauvreté. Mais j'ai vu aussi que les bidonvilles égyptiens étaient dotés d'antennes de télévision, de l'électricité et, souvent, de l'eau, et quasiment tous les enfants fréquentaient l'école. La situation en Tunisie est mieux mais il y a aussi beaucoup de pauvreté". Mais la pauvreté n'a pas été le seul motif de révolutions, elle s'entremêlait à d'autres facteurs sociaux. Quant à la Lybie, c'est un cas à part. Il s'agit plutôt d'une guerre civile que d'une révolution.

"Force est de constater que, parmi les motifs du conflit libyen, on ne cite pas la pauvreté, explique Alexei Vassiliev. Le gouvernement libyen pourvoyait la population en logement bon marché et de qualité, en éducation et soins médicaux abordables. Il y avait une allocation pour les chômeurs. Un grand pays désertique, avec 6,5 millions d'habitants, étaient sillonnés par des routes de qualité. 40-50 % de la population étaient les jeunes. Il y avait assez d'emplois mais ils étaient souvent peu prestigieux et mal payés. Des travailleurs immigrés étaient, donc, invités de différents pays du monde. Et voici, que, lorsque la Tunisie et l'Egypte ont montré des cas de révolutions réussies, dans la situation où Kadhafi n'était pas soutenu par tout le monde, dans son pays comme à l'étranger, la jeunesse libyenne est sortie dans les rues, arborant les drapeaux tricolores du roi libyen renversé il y a 42 ans par le colonel Kadhafi. La révolution a commencé par Bengazi, centre de la province de la Cyrénaïque, rempart d'un ordre religieux soufique dont le monarque renversé était le chef.

Les émeutes en Lybie avaient été utilisées par l'Occident pour appuyer les adversaires du colonel. Lors du vote de la résolution 1973 CS/ONU la Russie, la Chine, l'Inde et l'Allemagne se sont abstenues. La coalition, dirigée par Paris, Londres et Washington, a dépassé le mandat de la résolution et a commencé, dès le 19 mars, des bombardements massifs des troupes libyennes en vue du renversement du régime de Kadhafi. La blitzkrieg a échoué et l'OTAN a dû commencer une guerre à vaste échelle, une troisième guerre contre un Etat islamique, après l'Irak et l'Afghanistan. Et quoi que disent les politiciens occidentaux, c'est plus qu'un renversement de Kadhafi, mais un vrai partage de la Lybie avec la formation d'un gouvernement loyal qui assure des livraisons de pétrole ininterrompus. Des huit Etats du G8, la Russie est le seul pays qui s'oppose au partage de la Lybie et qui estime que la guerre ne peut pas être une alternative au règlement politique de la crise libyenne.

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