Fillon en Russie : l’UMP au bord de l’explosion ?

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En 2002, Jacques Chirac passe de justesse au second tour de l’élection présidentielle française avant d’être élu triomphalement président de la République avec 82% des voix.

A droite, décision est alors prise de fédérer les tendances gaullistes, centristes, libérales et conservatrices : c’est la naissance de l’UMP, créée le 23 avril 2002 par Jacques Chirac et Alain Juppé, ce dernier deviendra le premier président du mouvement en novembre de la même année, avec un score de 79,42 % des voix. Rattrapé par les affaires, il démissionnera et sera remplacé par Nicolas Sarkozy qui obtiendra lui, en novembre 2004, 85,09 % des voix.

Cette « sarkozysation » de l’UMP achèvera le processus d’atlantisation de la droite française.

Le courant gaulliste, plutôt incarné par Nicolas Dupont-Aignan qui a obtenu systématiquement la seconde place lors des deux premières élections mais choisira de quitter l’UMP en 2007, est lui anéanti. Nicolas Sarkozy fera ensuite de l’UMP sa machine politique, en y restant le président officiel jusqu'à sa défaite aux élections de 2012, ayant abouti à la pitoyable démonstration de démocratie qu’a été le duel Fillon/Coppée (« les deux abrutis » aurait dit Sarkozy) lors de l’élection interne au mouvement censée permettre l’élection du remplaçant de Nicolas Sarkozy.

A l’issu de ce congrès, l’UMP continue de muter et se subdivise politiquement en cinq lignes principales : néo-sarkozyste (incarnée par Geoffroy Didier et Guillaume Peltier avec 27,7 % des suffrages), sociale (incarnée par Laurent Wauquiez avec 21,69 % des voix), humaniste (incarnée par Jean-Pierre Raffarin, Luc Chatel avec 18,17 % des voix), néogaulliste europhile (incarnée par Michèle Alliot-Marie et Henri Guaino avec 12,31 % des voix) et enfin sécuritaire eurosceptique (incarnée par Thierry Mariani avec 10,87 % des voix). Cinq tendances dont on ne peut que se demander ce qu’elles ont en commun alors que le parti se prépare aux primaires de 2017 en vue de l’élection présidentielle de la même année.

Il y a prés d’un an, j’écrivais que « tiraillée entre des courants fortement contradictoires, écartelée entre un nécessaire raidissement identitaire que demandent tant les électeurs que les militants, la « droite » devrait connaitre un redémarrage qui aboutisse à une quasi-scission de fait». Cette situation semble se confirmer et le parti et n’a jamais semblé aussi proche de l’explosion.

Lâché par son centre, le parti manque de plus en plus d’espace à droite, face à la montée visiblement inexorable d’un Front national qui ne fait lui que bénéficier des conséquences des mauvaises politiques menées par les gouvernements précédents. Dans le même temps, 70% des sympathisants de l’UMP sont favorables à une normalisation des relations avec le Front national et même 72% à soutenir l’initiative de François Fillon de ne plus systématiquement contribuer au front républicain. Ce faisant, ce dernier va sans doute dans le sens des électeurs et militants, mais s’éloigne très clairement des fondamentaux moraux des caciques du parti.

Sur le plan extérieur, la fracture semble tout aussi grave au sein de l’UMP. Alors que l’atlantisation du parti, orchestrée depuis 2002 par le binôme Juppé-Sarkozy, semblait destinée à se prolonger avec la figure de Jean-François Copé, une surprise de taille est survenue lors du sommet du club Valdaï en Russie. François Fillon a de nouveau fait parler de lui en exprimant clairement ses ambitions présidentielles, reprochant au chef de l’Etat français d’avoir fait preuve de « précipitation dans le conflit Syrien en négligeant le rôle de l’ONU et en se plaçant sans prudence dans le sillage des Américains » et souhaitant que « la France retrouve cette indépendance et cette liberté de jugement et d’action qui, seules, lui confèrent une autorité dans cette crise ». Bien sûr, au delà des paroles, il faut des actes.

Pour rendre indépendante la politique étrangère française, il faudrait que la classe politique française choisisse l’indépendance et la souveraineté politique et militaire. Cela reviendrait sans doute par commencer à défaire ce que le gouvernement Fillon a fait sous la présidence Sarkozy, à savoir rejoindre le commandement intégré de l’Otan. Peut être serait-il alors possible d’envisager l’établissement d’une authentique architecture européenne et continentale de sécurité, comme l’a proposé la partie russe en 2009. Cette posture gaullienne de François Fillon, en Russie, intervient au moment où le président français François Hollande était lui le même jour au Mali pour célébrer la cérémonie d'investiture du nouveau président Ibrahim Boubacar Keïta.

Les commentateurs attentifs auront aussi remarqué la réelle proximité affichée entre François Fillon et le président russe Vladimir Poutine. Comment pourrait-il en être autrement ? Pour le magazine Challenges, « si François Fillon est un vrai conservateur sur le plan sociétal (ce dernier votera contre la dépénalisation de l'homosexualité et s'opposera tant au PACS en 1999 qu’au mariage homosexuel en 2013), il est plutôt réformateur sur le plan économique ». Une définition qui correspond également plutôt bien au président russe, ouvertement conservateur d’un point de vue sociétal et également plutôt réformateur d’un point de vue économique.

En manque d’idées et en pénurie de modèle, peut-on imaginer qu’émerge sur la scène politique française un candidat qui souhaite appliquer une politique nationale, sociétale conservatrice et de retour aux valeurs traditionnelles, inspirée du modèle russe actuel ? /N

 

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