Le Pentagone admet la supériorité des chasseurs russes

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MOSCOU, 30 juin. (Par Viktor Litovkine, commentateur militaire de RIA Novosti). Moscou n'en croit pas ses yeux: à grand renfort de presse les militaires américains viennent de reconnaître que les avions russes damaient le pion à ceux qui étaient fabriqués aux Etats-Unis. Quelle est donc la raison de cet aveu flatteur pour Moscou?

Tout a commencé avec la publication dans USA Today d'une interview du général américain Hal Homburg, dans laquelle il évoque les progrès des forces aériennes indiennes qui ont enregistré des succès fulgurants dans les exercices de combat aérien contre des avions américains F-15C/D Eagle. Les pilotes indiens étaient aux commandes de chasseurs polyvalents Su-30MKI de fabrication russe et dans près de 90 pour cent des cas ils sortaient victorieux du "combat".

Nous n'avons pas devancé le reste du monde comme nous aurions voulu le penser, écrit le journal en citant le général qui est à la tête du service Air Combat Command de l'armée de l'air américaine. Le F-15 est notre principal avion pour détenir la maîtrise de l'air, c'est pourquoi les victoires inattendues des pilotes indiens sur des appareils russes ont fait l'effet d'une véritable "douche froide" pour beaucoup de gradés de l'US Air Force.

Ensuite la "victoire russe" a été relatée dans le bulletin Inside Air Force qui a fourni des indications encore plus déplaisantes pour les Américains. Il s'avère que les F-15C/D Eagle avaient été opposés non seulement à des Su-30MKI, mais encore à des Mig-27, des Mig-29 et même des "vieux" Mig-21 Bison, qui eux aussi se sont montrés sous leur meilleur jour. Ils ont triomphé des Aigles et aussi des Mirage 2000 français. Le site américain Washington Profile a qualifié les succès des appareils russes de "surprise totale" pour les pilotes américains.

Par contre, les victoires de leurs avions de combat sur les F-15 américains n'ont pas du tout étonné les spécialistes militaires et les avionneurs russes. Le constructeur général du Bureau d'études Sukhoï, Mikhaïl Simonov, a déjà déclaré à maintes reprises, notamment au commentateur militaire de RIA Novosti, que le chasseur Su-27 Flanker, ainsi désigné dans l'OTAN et dont la version modernisée est justement le Su-30MKI "indien", avait été conçu dans les années quatre-vingts du siècle passé spécialement pour affronter le F-15 Eagle. Et dès à l'époque ses performances surpassaient celles de l'avion américain. Aussi le fait que les chasseurs de cette classe sont conformes à leur destination ne constitue rien de nouveau pour les experts.

La véritable surprise, elle a été causée par la reconnaissance officielle et publique de ce fait par les plus hautes instances militaires américaines. Ce qui a étonné aussi, c'est que cet aveu a été fait avec quatre mois de retard.

Les exercices de combat aérien entre les Su-30MKI indiens et les F-15C/D Eagle américains ont eu lieu au mois de février à la base aérienne américains d'Elmendorf, en Alaska. A cette époque, personne n'avait fait état des victoires des avions russes (ils avaient remporté trois "combats" sur quatre). Ni de bien d'autres faits de ce genre, d'ailleurs.

Les premières victoires remportées par des chasseurs russes face à des appareils américains remontent au début des années quatre-vingt-dix. A l'époque, des Su et des Mig" commençaient à prendre part aux salons aéronautiques et meetings aériens internationaux. Quelques chasseurs Su-27 placés sous le commandement du général de brigade Khartchevski* s'étaient alors rendus au Canada pour y effectuer des vols de démonstration.

Les avions russes et américains avaient des cinémitrailleuses en guise d'armement. En examinant leurs pellicules à l'issue des exercices les pilotes américains devaient constater avec stupéfaction que les avions russes étaient pratiquement absents. Par contre, sur les pellicules russes les F-15 étaient pris sous tous les angles: de dos, de côté, de dessus, présentant à l'"ennemi" toutes les parties les plus vulnérables aux missiles et aux obus.

Ce succès, les Su-27 russes le devaient bien sûr non pas à la "cadence du tir" des cinémitrailleures, mais à leur manoeuvrabilité et à leur excellent rapport poussée-masse. Ces performances inégalées de nos appareils sont universellement connues: seuls des avions russes - les Su et aussi les Mig - sont en mesure d'exécuter le "cobra de Pougatchev" et bien d'autres figures de haute voltige.

Pendant que les F-15, tout comme d'ailleurs leurs "parents" le F-16 et le F-18, négocient un long virage pour s'aligner sur leurs cibles, les avions russes exécutent littéralement un "tête-à-queue" et se retrouvent face à l'empennage des aigles. Dans cette position la victoire est garantie.

Après le Canada, au milieu des années quatre-vingt-dix des combats aériens analogues ont été organisés pour des Mig-29 russes en Afrique du Sud. Dans ce pays ils ont été mis en présence non plus de F-15C/D Eagle, mais de Mirages 2000 français. Cependant le résultat a été le même.

Si notre avion s'approche de l'ennemi à distance de tir direct, sa victoire est assurée, affirme le directeur du programme Mig-29 et versions, Arkadi Slobodskoï. Cinq ou six giclées d'obus suffisent.

Les Américains connaissent bien ces performances des avions de combat russes. Lorsque la Moldavie est devenue indépendante, tout comme les autres anciennes républiques de l'URSS, les Etats-Unis lui ont acheté une escadrille de Mig-29 provenant de l'armée est-allemande, et maintenant ces avions sont utilisés pour l'entraînement des pilotes américains, pour leur apprendre à vaincre les "chasseurs russes" dont plus de 7.000 unités sont éparpillées un peu partout dans le monde. Selon la revue britannique The Military Balance, on en dénombre plus de 500 rien qu'en Inde. Aussi n'y a-t-il rien d'étonnant à ce que les pilotes indiens dominent facilement leurs homologues américains, pourtant surentraînés, lors des exercices de combat aérien.

D'un autre côté, dans les entretiens qu'ils ont avec les journalistes, les spécialistes relèvent qu'il y a bien longtemps que les pilotes américains n'avaient pas affronté en combat réel un adversaire redoutable. Même dans le ciel balkanique à la fin des années quatre-vingt-dix les forces aériennes avaient fait primer la quantité sur la qualité. Il en avait été de même lors des première et deuxième campagnes en Irak, où l'opposition aérienne en tant que telle avait pratiquement été inexistante. Où donc acquérir la maîtrise du combat? Uniquement dans les exercices.

La psychologie américaine sclérosée interdit de "combattre" face à des pilotes russes. Si les Américains s'inclinaient de nouveau, comment leur démontrer alors qu'ils devaient obligatoirement vaincre "l'ancien ennemi probable"? Avec les pilotes indiens le problème ne se pose pas. Nos aviateurs ont perdu? C'est qu'ils se sont mal entraînés.

Mais pour quelle raison donc les Américains annoncent-ils leurs déconvenues sur tous les toits? Ce n'est guère dans les usages des milieux militaires. Ni chez eux, ni chez nous.

Il est assez facile d'expliquer cette franchise des généraux américains si l'on se souvient pourquoi les événements du mois de février n'ont été révélés qu'en juin. C'est tout simplement parce qu'à cette époque le Congrès des Etats-Unis se penche sur le budget défense du prochain exercice.

* Le général Alexandre Khartchevski s'est acquis une certaine notoriété en se rendant en Tchétchénie à bord d'un avion de combat et d'instruction avec comme co-pilote le président russe, Vladimir Poutine.

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