La participation du Hamas aux législatives pourrait s'avérer utile

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MOSCOU, 24 janvier (par Marianna Belenkaïa, commentatrice politique de RIA Novosti). Des élections à l'Assemblée législative doivent avoir lieu le 25 janvier dans les territoires placés sous contrôle de l'Autorité nationale palestinienne (ANP).

Elle se tiendront presque dix ans jour par jour après les premières élections législatives palestiniennes (20.01.1996).

Il va de soi qu'au cours de cette période la situation en Cisjordanie et dans la bande de Gaza a changé du tout au tout et que le parlement palestinien actuel ne reflétait pas la véritable répartition des forces dans ces territoires. Seulement maintenant, lorsque les résultats du scrutin seront annoncés, la communauté internationale pourrait se trouver devant une nouvelle réalité dans la région.

Tout d'abord, beaucoup de gens en Israël et en Occident appréhendent une victoire électorale du Mouvement de la résistance islamique (Hamas) qui présente la liste Réformes et changement.

Rappelons qu'aux élections législatives tenues il y a dix ans plusieurs mouvements islamiques et nationaux radicaux avaient refusé de présenter des candidats en signe de protestation contre le processus d'Oslo (début des négociations de paix avec Israël, sur la base desquelles l'ANP avait été créée). Il s'agit surtout du Hamas.

Le fait que cette fois le Hamas et les autres mouvements radicaux (dont l'influence est minime) sont partie prenante est important. Parce que c'est une reconnaissance tacite (quoique tardive) du processus d'Oslo et, au fond, un signe de disposition au dialogue, même difficile, avec Israël. Sans cela exercer le pouvoir serait impossible et les dirigeants du Hamas en sont conscients.

En outre, pour la majorité des Palestiniens le règlement des problèmes économiques, sociaux et sécuritaires internes dépend des résultats du scrutin. Comparées à ces problèmes, les perspectives de la fin du conflit palestino-israélien et de la proclamation de l'indépendance de la Palestine passent au second plan et apparaissent même comme illusoires.

Par conséquent, en boycottant les élections ces mouvements se seraient d'eux-mêmes exclus du règlement de questions d'actualité pour les Palestiniens, ce qui se serait traduit par une baisse de prestige et peut-être même par une disparition de la scène politique.

Au cours de la deuxième Intifada (guerre des pierres) palestinienne, le Hamas a gagné en popularité auprès des Palestiniens et moins en raison de sa lutte contre Israël que par la politique sociale appliquée par ce mouvement sur le territoire de l'ANP, les structures officielles du pouvoir étant totalement paralysées.

Aujourd'hui l'heure est venue d'investir cette popularité dans un capital politique durable. Surtout compte tenu du fait que la plupart des Palestiniens sont las de la confrontation armée avec Israël, qui finalement conduit au chaos dans les territoires de l'ANP.

Le Hamas promet aux Palestiniens de remettre de l'ordre dans la bande de Gaza et en Cisjordanie, d'en finir avec la corruption et d'oeuvrer au développement économique et social. Le nom donné à sa liste - Réformes et changement - n'a rien de fortuit. "C'est ce que les gens veulent et ce que nous avons l'intention de faire", dit un militant du Hamas engagé dans la campagne électorale.

Du point de vue formel, le nom de la liste présentée par le Hamas est lié au fait qu'elle comporte des membres du mouvement et aussi des représentants d'autres organisations, dont plusieurs chrétiens. Il y a aussi encore une nuance.

Le Hamas cherche à intégrer les structures officielles. Une chose qui serait impossible sans bénéficier de la reconnaissance de la communauté internationale aux réactions de laquelle seul le président iranien est indifférent. Les politiques palestiniens ne peuvent pas se permettre ce luxe, ils dépendent trop du soutien politique et financier extérieur.

Le Hamas est inscrit sur les listes noires des organisations terroristes dressées par les Etats-Unis et l'Union européenne, sans déjà parler d'Israël. Naturellement, ils n'ont aucun contact - en tout cas officiel - avec lui. Cependant, si le Hamas se mettait à jouer un rôle substantiel à l'Assemblée législative ou au sein du gouvernement palestinien, il deviendrait très malaisé de l'ignorer car la communauté internationale n'a aucun intérêt à isoler l'ANP.

Seulement il n'est pas possible non plus d'engager des pourparlers avec une organisation terroriste. L'Union européenne et les Etats-Unis ont déjà mis en garde les dirigeants palestiniens qu'ils pourraient cesser leur aide financière à l'ANP si le Hamas triomphait aux élections. Mais s'il est de notoriété publique que la liste Réformes et changement, c'est le Hamas, ce nom permet à celui-ci de se démarquer de sa politique antérieure sans perdre la face et d'engager le dialogue avec l'Occident.

Avec Israël ce sera bien sûr plus compliqué.

Dix jours exactement avant l'ouverture des bureaux de vote le cheikh Mohammed Abu Tir, numéro deux sur la liste Réformes et changement, a déclaré qu'il n'écartait pas un dialogue avec Israël. "Nous négocierons mieux que ceux qui ont mené les pourparlers dix années durant sans parvenir à rien", a-t-il dit dans une interview accordée au quotidien Haaretz.

Cependant, il ne faudrait pas se faire d'illusions. Etre disposé à des négociations ce n'est pas encore les engager. Et bien que le programme électoral de la liste Réformes et changement soit exempt des appels caractéristiques du Hamas à détruire Israël, on y dit néanmoins que la coopération avec les "occupants" en matière de sécurité constitue un crime grave et un péché et que tous ceux qui en sont convaincus doivent être châtiés.

Quoi qu'il en soit, une possibilité existe, aussi minime soit-elle, de parvenir à des ententes au bas desquelles les leaders du Hamas pourraient apposer leur signature, et qui seraient plus sûres que celles signées par les autorités actuelles de l'ANP. N'oublions pas non plus que le Hamas est hétérogène et qu'il comporte de nombreux groupements, dont certains sont proches du Fath (Mouvement de libération nationale palestinienne), dont la politique ne contribue en rien au règlement pacifique.

En tout cas, une victoire absolue du Hamas est peu probable. C'est vrai, ce mouvement est un concurrent sérieux pour le Fath. Il a déjà testé ses forces lors d'élections municipales et pour le scrutin du 25 janvier les derniers sondages lui donnent de 27 à 35% des intentions de vote. Le Fath, lui, est crédité de 35-40% des voix.

Si ces chiffres se confirment la liste Réformes et changement pourra bien sûr influer sur l'adoption des textes législatifs concernant la réalisation de réformes et la signature d'accords de paix avec Israël. La question est de savoir qui les autres partis et mouvements ainsi que les députés indépendants soutiendront. La situation à l'Assemblée législative palestinienne rappellera probablement la situation à la Knesset israélienne où une décision concernant une question essentielle peut dépendre d'un petit parti.

Dans ce contexte, tous ceux qui souhaitent un règlement rapide du conflit palestino-israélien doivent se montrer prudents et ne pas forcer les événements. Si le Hamas et les autres mouvements et partis palestiniens veulent mettre l'accent sur les changements internes, il faut leur donner cette chance.

D'autant plus que la réalisation de réformes palestiniennes et une remise en ordre dans les territoires contrôlés par l'ANP sont programmées dans la feuille de route du règlement palestino-israélien élaborée par le quartette de médiateurs comprenant les Etats-Unis, la Russie, l'Union européenne et l'ONU.

Interrogé par des journalistes arabes au sujet de l'attitude de Moscou à l'égard de la participation du Hamas aux élections, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a d'ailleurs dit ceci: "Comme les autres membres du quartette, la Russie estime que tous les partis politiques se prononçant en faveur de l'application de la feuille de route doivent participer aux élections". Il a exprimé l'espoir que "le Hamas se transformera en organisation politique pleine et entière" et que "les élections déboucheront sur la formation d'une Assemblée législative à même de devenir un partenaire responsable du leader de l'ANP, Mahmoud Abass, dans ses efforts en vue de consolider la société et de matérialiser les clauses de la feuille de route, y compris celle concernant le refrènement de la violence".

Israël lui aussi à tout intérêt à ce que l'ordre revienne dans la bande de Gaza et en Cisjordanie. Par conséquent, même si des avancées immédiates et évidentes ne se font pas jour dans le règlement palestino-israélien, même si des compromis territoriaux et des accords retentissants n'interviennent pas rapidement, cela ne signifierait pas que le processus s'est enlisé.

Cette "pause" destinée à régler les problèmes intérieurs est utile aux Palestiniens, bien sûr, mais encore aux Israéliens qui au mois de mars eux-aussi se rendront aux urnes pour élire leurs députés. Ce qu'il faut, c'est qu'au cours de cette période les deux parties respectent les "règles du jeu" et ne fournissent pas matière à des provocations. Ce qui implique que les Palestiniens ne doivent pas commettre d'attentats et que les Israéliens doivent s'abstenir de toute opération militaire et construction illicite sur les territoires occupés, sans déjà parler de la prise en compte de beaucoup d'autres aspects techniques.

Evidemment, l'expérience montre que c'est là une chose difficile, presque impossible, mais indispensable. Par conséquent, tout ne dépend pas du seul Hamas. Quand même, le réveil au lendemain des élections palestiniennes pourrait être intéressant.

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