Iran-Etats-Unis: une guerre, mais quand?

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Par Piotr Romanov

A en juger par l'évolution des événements, une guerre entre les Etats-Unis et l'Iran semble, malheureusement, inévitable. Chacun peut avoir un avis différent et continuer à espérer que la situation s'améliorera, mais l'espoir s'estompe devant la logique.

Il est difficile d'interpréter le comportement des Etats-Unis et de l'Iran autrement que comme la préparation psychologique d'une guerre. Les Américains multiplient les déclarations de plus en plus agressives, l'Iran effectue de grandes man�uvres dans le détroit d'Ormuz, en montrant sa puissance militaire à tout le monde. Il est également incontestable que chacune des parties considère son adversaire comme le mal universel et la source principale de danger pour ses valeurs spirituelles, idéologiques et politiques. Tous les appels raisonnables à la paix lancés par la communauté internationale sont totalement méprisés, bien qu'on y prête l'oreille de manière formelle. Cela prouve de nouveau implicitement que, pour les deux parties, la confrontation est une affaire décidée. Pour exister, les deux ont besoin d'une percée qualitative. Malheureusement, les Etats-Unis et l'Iran ont en vue non pas une percée intellectuelle ou morale, mais uniquement militaire.

Après avoir remporté une victoire formelle en Afghanistan (où prévalent toujours la charia et le trafic de drogue, où la démocratie n'existera que sous une forme indigène des siècles durant) et s'étant enlisés en Irak, les Etats-Unis jugent important de confirmer leur rôle de superpuissance. Cependant, des doutes sont déjà apparus et ils se répandent. L'image internationale des Etats-Unis est mauvaise comme jamais, le peuple américain se souvient de plus en plus souvent du Vietnam. Au cours d'un récent référendum dans l'Etat du Wisconsin, sans valeur juridique il est vrai, 61% des participants se sont prononcés pour le retrait immédiat des troupes d'Irak. Il y a néanmoins, comme l'estime la Maison Blanche, des raisons d'attaquer. En tout cas, Washington les considère comme valables. Si le mensonge éhonté sur l'existence d'armes de destruction massive en Irak a été suffisant pour faire irruption dans ce pays, pourquoi donc, dans le cas de l'Iran, les soupçons sur l'intention de développer des armes nucléaires seraient-ils insuffisants? D'ailleurs, les Iraniens font sans cesse des déclarations provocatrices et profèrent des menaces à l'adresse d'Israël. Pour lancer des opérations militaires, les Américains ont avancé parfois des arguments encore moins convaincants.

Enfin, la lutte contre l'Iran s'inscrit dans la doctrine présentée par George Bush au début de son deuxième mandat présidentiel, doctrine qui vise à "déraciner la tyrannie" dans le monde entier. Le régime des ayatollahs à Téhéran est, pour lui, une tyrannie classique et l'opinion du peuple iranien à ce sujet lui importe peu.

En ce qui concerne l'Iran, il considère les Etats-Unis comme une barrière à surmonter, sans quoi il ne pourrait plus avancer. Pour devenir un pays moderne, l'Iran a besoin de l'énergie nucléaire. En principe, cet objectif peut être atteint par la voie pacifique, légale, mais les ambitions iraniennes vont effectivement, semble-t-il, bien plus loin. Pour acquérir une véritable souveraineté et une influence supplémentaire dans le monde arabe, Téhéran a besoin de la bombe atomique. Pour renforcer les positions de ses leaders spirituels chiites dans le monde islamique, l'Iran doit être indestructible et avoir les positions fermes d'un leader au Proche-Orient. C'est alors seulement que pourrait exister une chance (théorique) que d'autres pays islamiques le suivent. Mais les Etats-Unis l'empêchent d'atteindre cet objectif.

On peut citer d'autres arguments prouvant qu'une confrontation est inévitable, mais, à mon avis, les arguments avancés sont suffisants. Dans ce contexte, tous les efforts déployés par l'ONU, l'Europe occidentale, l'AIEA et la Russie qui a maintes fois mis en garde contre le danger d'une nouvelle aventure américaine ne suffisent malheureusement pas pour prévenir la confrontation, dont les conséquences seront amères, et pas seulement pour ses participants directs. Au cours de son récent séjour à Berlin, le ministre russe des Affaires étrangères Serguei Lavrov a répété une fois de plus: "Nous n'estimons pas que les menaces et la pression puissent donner de résultat positif". Mais il est peu probable que ses recommandations soient accueillies comme il se doit à la Maison Blanche.

Il en découle une question fatale: quand? A mon avis, le délai peut être déterminé approximativement. Tout d'abord, cela peut arriver avant la fin de cette année. Ce délai maximal est déterminé par le calendrier politique électoral des Etats-Unis et les perspectives du parti conservateur auxquelles, naturellement, la Maison Blanche n'est pas indifférente. Quant à Bush-fils, il ne voudrait pas rester dans l'histoire comme un "looser". Pour gagner la course présidentielle, les conservateurs ont besoin non seulement d'une guerre, mais aussi de succès spectaculaires, surtout en toile de fond des revers essuyés en Irak. Et tout cela prend du temps.

D'autre part, les délais minimaux sont déterminés par toute une série de circonstances d'ordre aussi bien militaire que politique. Cette fois il est vrai, il s'agit du facteur politique extérieur.

En ce qui concerne l'aspect militaire, n'étant pas un expert en la matière, je ne peux que supposer ce qui est évident. Premièrement, toute guerre nécessite une préparation. Deuxièmement, les Etats-Unis doivent assurer leurs arrières en Afghanistan et en Irak, en bénéficiant de l'aide de leurs alliés.

Quant à la politique étrangère, on peut supposer que les ennuis auxquels se sont heurtés les Etats-Unis en occupant l'Irak sans mandat de l'ONU seront minimisés par Washington autant que possible. Autrement dit, Washington s'efforcera de s'attirer, dans le problème iranien, le soutien de l'Europe occidentale et, bien entendu, de Moscou et Pékin, membres permanents du Conseil de sécurité. L'objectif immédiat des Américains est d'obtenir des sanctions - n'importe lesquelles - contre l'Iran, ce qui signifiera automatiquement, pour Washington, que la justice est de son côté.

Ce n'est qu'après avoir épuisé toutes les possibilités dans ce domaine et essuyé un échec que les Etats-Unis se décideront à agir en contournant le droit international. Les critiques ne manqueront pas, mais, cette fois, la Maison Blanche aura la possibilité formelle de dire: nous avons fait tout notre possible en vue de parvenir à une entente.

Ces man�uvres demandent aussi du temps, ce qui suggère un délai approximatif: l'automne.

On verra si ce pronostic est réaliste ou virtuel.

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