Tchernobyl, terre promise pour le tourisme

S'abonner

Vingt ans après l'une des plus grandes tragédies de l'histoire, les hommes ont imaginé comment en tirer des espèces sonnantes et trébuchantes.

Maintenant des excursions touristiques sont organisées dans la ville martyre. Un dépliant titré "Voyage en 1986" propose la visite d'un site où depuis plus de vingt ans plus rien ne fonctionne: ni les écoles, ni les garderies, ni les cinémas... Les appartements y sont vides, un silence de mort règne partout.

Départ de Kiev à 9 heures, arrivée sur place à 11 heures. Ensuite six heures de silence.

"Le summum est atteint! Un voyage dans la "ville-fantôme" de Pripiat. Vous entrerez dans des appartements désertés voici vingt ans par leurs locataires, y verrez tous les objets d'usage courant, les meubles, les rideaux, les livres, les instruments de musique. Après avoir accédé au point culminant de la ville, le toit d'un immeuble d'habitation de 15 niveaux, vous pourrez vous faire photographier à côté des armoiries de l'URSS. De là on vous montrera au loin l'endroit de la ville où personne ne se rend, même pas les chercheurs, parce que le niveau de radiation est trop élevé. Une visite du "cimetière des engins" figure au programme. Vouz passerez devant la célèbre "forêt rousse", dont une partie n'a pas été rasée pour pouvoir y réaliser des recherches scientifique. Si vous le souhaitez vous pourrez taquiner le goujon dans un canal situé pas très loin de la centrale nucléaire. Ou encore "interviewer" les personnes qui ont "squatté" les villages abandonnés. Vous serez soumis à un contrôle dosimétrique total dès votre sortie du site".

Le business touristique à Tchernobyl est très controversé. Qu'est-ce donc? Un sacrilège ou une banale tentative pour survivre, même à ce prix? Ceux qui viennent voir le "sarcophage" sont essentiellement des étrangers, les Russes et les Ukrainiens sont rares. Selon les sondages, parmi les personnes curieuses de se rendre à un endroit où la mort a emporté des dizaines de milliers de vies il n'y a que 13% de Russes.

Le tour touristique coûte quelque 400 dollars pour une ou deux personnes. Il comprend une "promenade organisée", mais la ballade individuelle est également possible. Il y a des "stalkers" (guides) pour cela. Toute une gamme de distractions est proposée: pique-nique en bordure d'un cimetière contaminé, partie de pêche dans le Pripiat, chasse au sanglier lumineux. Les amateurs d'émotions fortes pourront passer la nuit dans un appartement abandonné. Mais pour un supplément de 70 euros vous serez installé dans un hôtel implanté dans la zone contaminée.

"Quotidiennement de 6 à 7 délégations arrivent pour voir la centrale de Tchernobyl. On en a comptabilisé 83 en mars! relève-t-on avec une pointe de fierté au service d'information de la centrale, l'organisateur des visites. En toute justice on reconnaît que la vogue connue ce printemps par Tchernobyl est de toute évidence due au vingtième anniversaire de la tragédie.

Bien sûr, cela est source de profits. Seuls les habitants de la "zone d'isolement rouspètent: ils se disent importunés par les délégations dont les membres ne cessent de les interroger sur leur existence. Quant aux étrangers, ils sont ébahis en contemplant des esters de deux mètres.

A propos, l'écologiste Maxime Chingarkine pense que la visite de la zone peut aussi être intéressante et instructive. Mais ce qui est essentiel, c'est de ne pas oublier que cet endroit est lié à une terrible tragédie vécue par des centaines de milliers de gens. C'est la raison pour laquelle visiter Tchernobyl sans ressentir ce sentiment aurait quelque chose de blasphématoire.

D'un autre côté, utiliser cette tragédie à des fins pécuniaires semble assez raisonnable et même fondée au niveau de l'Etat: "Je pense que nous devons tout faire pour tirer de ce malheur une assistance pratique, y compris en développant le tourisme extrême dans cette zone", avait déclaré au mois de février dernier le président de la Rada suprême d'Ukraine, Vladimir Litvine. Les agences touristiques ont applaudi à ces propos.

Tchernobyl est visité aussi par des journalistes qui ensuite relatent ce qu'ils y ont vu: "La zone d'isolement de Tchernobyl, ce n'est pas du tout ce que je me représentais, tremblante de peur, dans la voiture du train de nuit Moscou-Kiev. Je n'y ai pas vu les légendaires loups-chiens ébouriffés, ni d'énormes chats ensauvagés hantant les forêts environnantes, ni de chauves-souris gigantesques, ni de chevreuils à six pattes, ni pommes au diamètre rappelant celui d'un ballon de basket (mais c'est peut-être parce que nous étions au printemps?) Tchernobyl, c'est bien sûr impressionnant, mais pas aussi dangereux qu'il semblait au premier abord. Finalement, la cessation de l'abattage des forêts, du travail de la terre et des autres formes d'activités de l'homme consécutive à la contamination radiologique a transformé le "territoire mort" en plus grande réserve d'Europe.

D'ailleurs, les écologistes reconnaissent en toute objectivité que les touristes ont beaucoup de choses à voir. Seulement il faut se souvenir. Et puis les agences réalisent aussi pas mal de bénéfices grâce à la vente des souvenirs aux étrangers: casquettes, tee-shirts frappés de l'instruction Tchernobyl et du trèfle radioactif.

Et puis les choses ne sont pas perçues de la même façon. Quelqu'un a la hantise du silence, une personne oubliant le danger s'engage dans une zone envahie par de hautes herbes, une autre se fait photographier devant le "sarcophage" en arborant un sourire radieux.

L'un des plus célèbres stalkers "officieux", Alexandre Naoumov, a admis dans une interview qu'il avait servi de guide dans la zone à plus de 200 personnes. Mais cela n'a rien à voir avec du business. "Faire de l'argent grâce à des excursions au cimetière de Tchernobyl est blasphématoire. Le "stalker" s'emploie a expliquer aux gens quelle est l'existence de la zone".

On pourrait longtemps disserter sur la question de savoir si les excursions à Tchernobyl sont éthiques ou non, si leurs organisateurs ont le droit ou non d'en tirer profit. Seulement Tchernobyl n'a rien à se reprocher: il n'accepte pas les enfants dans la zone, il indique quels sont les secteurs les plus dangereux et conseille de ne pas s'y aventurer. Il reçoit de l'argent des touristes, mais il le dépense pour ceux qui travaillent et vivent dans la zone, ces gens sans qui Tchernobyl serait deux fois plus dangereux. La liquidation de la station demandera plus de 40 ans, pendant ce temps un travail devra être fourni à 6.000 citadins. La zone elle aussi réclamera de l'argent. Cet argent - des centaines de milliers de dollars - était fourni, avant l'accident, par la centrale nucléaire. C'est pourquoi maintenant Tchernobyl est à la recherche d'autres articles de recettes. Les "excursions radiologiques" en sont un. ""Les visites effectuées chez nous sont en quelque sorte un autre type de sport extrême", dit-on dans la zone. Les autochtones, habitués depuis longtemps aux radiations, se demandent toujours comment Tchernobyl peut procurer des bénéfices".

A propos, Tchernobyl pourrait aussi fournir des revenus d'une autre façon. Depuis quelque temps il est possible de déambuler dans la centrale et son voisinage dans l'espace virtuel. Le jeu vidéo S.T.A.L.K.E.R. Shadow of Chernobyl (Stalker. L'ombre de Tchernobyl) le permet. Ses auteurs mettent bien l'accent sur le fait qu'ils appellent le monde, en tout cas les joueurs, à ne pas oublier ce qui s'est passé en 1986.

L'article est préparé par la rédaction Internet www.rian.ru sur la base de l'information de RIA Novosti et d'autres sources.

Fil d’actu
0
Pour participer aux discussions, identifiez-vous ou créez-vous un compte
loader
Chat
Заголовок открываемого материала