CSKA-Spartak: le Clasico du football russe

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Par Thibaut Klotz, pour RIA Novosti.

Qui a dit que le football russe était morose? On attendait près de 60.000 spectateurs ce week end au stade Loujniki pour la finale de la Coupe de Russie entre le CSKA et le Spartak Moscou, une affiche traditionnelle, qui a ici la saveur et le folklore d'un PSG - OM, ou d'un OL - ASSE. A la différence près que le spectacle, qui disparaît souvent dans les derbys français sous le poids de l'enjeu et l'aigreur des déclarations à scandale, était cette fois au rendez-vous. Et, comme en France, les journalistes sportifs ont longtemps tourné dans les rédactions pour trouver un titre à la hauteur de l'évènement. La palme en est revenue au quotidien Sport-Express, titrant dans son édition de samedi "Les meilleurs ennemis, qui ont tant besoin l'un de l'autre".

Кубок России 2006Ennemis, Spartak et CSKA? A écouter les injures scandées par les supporters en furie dans les escaliers du métro Sportivnaïa, on aurait pu le croire. Le chemin jusqu'au stade, balisé par pas moins de cinq barrages, a de quoi décourager les plus téméraires à vouloir introduire dans l'antre moscovite ne serait-ce qu'une toute petite canette de bière. Entre les points de passage, miliciens à cheval et rangs de camions gris des OMON (les CRS russes). Rien n'est laissé au hasard pour ce jour de Clasico du football russe.

Enfin l'entrée dans le stade, on se rappelle en vitesse les images d'archives des JO de 1980, et tout de suite cette impression d'espace, dans cet ovale qu'on embrasse presque d'un regard. Sous le toit de verre, en face, les loges semblent avoir conservé jusqu'à aujourd'hui un éclat métallique aux effets futuristes, façon années 80, surplombant la tribune officielle au centre. La tribune de presse, un peu en retrait, occupe pratiquement toute la hauteur des gradins. D'innombrables têtes de journalistes dépassent de grands bureaux d'une sévérité olympique. A gauche, le CSKA, une foule impatiente bardée de rouge et de bleu. A droite, occupant la presque totalité du virage, les supporters du Spartak, comme à la maison, dans ce stade qui les accueille lors des journées de championnat à domicile. Les chants fusent, le speaker prend la parole, le rituel commence. L'entrée des joueurs, les tifos qui descendent lentement sur la foule en musique, et tous se lèvent déjà pour l'hymne national. Deux clubs, un stade, une histoire, la fête du football a par certains côtés l'allure d'un voyage dans le temps, et derrière le frisson musical de l'hymne russe, on entend une seule voix, puissante, celle de soixante mille personnes formant un choeur de circonstance, dont les mots étonnamment distincts parlent d'une époque qu'on croyait révolue, celle de l'URSS.

Le jeu pouvait commencer, avec deux équipes plus motivées l'une que l'autre au coup de sifflet. Il s'agissait pour le CSKA d'ajouter à sa collection un cinquième trophée en un peu plus d'un an (Coupe de Russie 2005, Coupe UEFA, Championnat, Supercoupe). Pour le Spartak, courant après sa gloire passée, de laver l'affront de cinq ans de disette dans le derby moscovite (12 matchs, 9 défaites et 3 nuls), et de remporter un premier trophée depuis trois ans et... une Coupe de Russie (2003).

LЧлен футбольного клуба ЦСКА, бразилец Вагнер Лавes quinze premières minutes furent à l'avantage des Armeïtsy (ainsi appelle-t-on les joueurs du CSKA, le club de l'armée), qui se distinguèrent avec pas moins de quatre tirs, forçant Kovalevski, le gardien polonais des rouge et blanc, à faire montre de toute sa classe, pendant que son homologue Akinfeev n'était alerté qu'une seule fois. Dès le début, l'attaquant brésilien Jo, nouvel épouvantail de la Premier liga russe (11 buts en 9 matches), se distinguait par des accélérations fulgurantes. Son compatriote Vagner Love, héros de la finale 2005 de la Coupe UEFA, n'était pas en reste.

Mais le Spartak réussit petit à petit à poser le jeu, soufflant de n'avoir pas cédé devant les attaquants adverses. Egor Titov, en maître d'oeuvre, se rappela alors au bon souvenir de tous par une série de passes qui auraient bien pu être décisives. Mais si les Spartakovtsy (joueurs du... Spartak) gardaient la maîtrise du ballon, c'était bien toujours le CSKA qui restait le plus dangereux, obtenant par ses contre-attaques explosives une série de coups francs aux abords de la surface adverse. C'est sur l'un d'eux que vint l'ouverture, par Jo, d'un tir dévié qui trompa Kovalevski. 1-0 (43e).

Сектор болельщиков 'Спартака'Mené à la pause, le Spartak revenait des vestiaires avec des intentions naturellement plus louables, mais les tirs de ses attaquants, malgré le travail de Titov en milieu de terrain, n'inquiétaient pas Akinfeev. Kovalevski captait même miraculeusement un tir en puissance du milieu défensif brésilien Dudu, qui manquait de doubler la mise. Au fur et à mesure que la fin du temps règlementaire approchait, les joueurs du Spartak accumulaient les cartons jaunes, et ce fut le défenseur Mozart qui en fit les frais, finalement expulsé par M. Ivanov à la 88e minute, alors que ses coéquipiers jettaient leurs dernières forces dans la bataille pour tenter de renverser la situation.

Dépités, les joueurs du Spartak voyaient leurs derniers espoirs s'envoler quand Bystrov perdit le ballon en milieu de terrain au profit de Vagner Love, qui distança facilement le dernier défenseur et s'en alla tromper le gardien d'une frappe bien négociée. 2-0 (89e). Jo arrondissait le score deux minutes plus tard d'un tir des 20 mètres à ras de terre, marquant son 17ème but de la saison (en 16 matchs), et les joueurs du CSKA pouvaient laisser éclater leur joie. 3-0 (90e).

Матч ЦСКА - Le public du Spartak ne faisait pas la finne bouche, considérant à juste titre que le score ne reflétait pas l'image de la rencontre, même si le CSKA avait une fois de plus surclassé son grand rival. Les Armeïtsy profitaient de leur tour d'honneur pour aller féliciter leurs supporters, puis se dirigèrent, brandissant le trophée de cristal, au bas des tribunes du Spartak. Quelques sifflets firent rapidement place à des applaudissements, il est vrai, discrets, auxquels Akinfeev ne manqua pas en s'éloignant de répondre, remerciant les supporters adverses pour leur fair-play. Effectivement, les meilleurs ennemis du football russe ont besoin l'un de l'autre. Sans eux, le spectacle ne serait pas complet. 3-0, deux buteurs brésiliens, voilà une équation déjà bien connue en France, et qui pourrait se reproduire, dans les mois qui viennent, sur de nombreuses pelouses d'Europe.

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