Israël-Liban: le difficile recrutement de "casques bleus"

S'abonner
Par Viktor Litovkine, RIA Novosti

Le conflit israélo-libanais se poursuit depuis bientôt un mois. En Israël comme au Liban, on dénombre des dizaines de morts et de blessés, des villes dévastées, des maisons détruites ou brûlées et des milliers de réfugiés. Ces derniers ont été particulièrement nombreux à quitter le Liban-Sud, presque un quart de million, selon les agences d'information. Mais les opérations menées par l'armée israélienne contre le mouvement islamique radical Hezbollah n'en finissent pas. Tsahal a déjà occupé la zone tampon, large de 3 à 6 km, en dehors du territoire israélien, alors que le premier ministre de l'Etat hébreu, Ehud Olmert, a déclaré que son armée ne quitterait les territoires occupés qu'après l'introduction d'un contingent international de l'ONU composé de 15.000 "casques bleus".

Entre-temps, le Conseil de sécurité de l'ONU peine à adopter une résolution sur la situation au Liban-Sud, et les experts estiment que son élaboration durerait au moins une semaine encore, ce que vient de confirmer le sous-secrétaire d'Etat américain aux affaires politiques, Nicholas Burns. Le principal problème qui entrave sa mise au point concerne la date du cessez-le-feu et le statut des forces de maintien de la paix ou de stabilisation à implanter dans la zone coincée entre la frontière israélienne et le fleuve libanais du Litani.

Le statut des forces de maintien de la paix est un problème très complexe. Israël souhaite que les "casques bleus" favorisent l'application par le gouvernement libanais de la résolution 1559 du Conseil de sécurité de l'ONU qui prescrit à l'administration de Beyrouth de désarmer toutes les milices. Et si Beyrouth n'est pas à la hauteur de la tâche, ce sera aux "casques bleus" de l'accomplir. Une condition allant au-delà des obligations des forces de maintien de la paix, car celles-ci devraient ainsi opérer en dehors de leur zone de responsabilité - une bande large de 20 km coincée entre les frontières israéliennes et le fleuve Litani -, les combattants du Hezbollah étant dispersés sur l'ensemble du territoire libanais.

Les "casques bleus" devraient donc occuper le Liban entier, mais Beyrouth ne le permettrait pas, et il est peu probable que quelqu'un ose s'en charger, vu la triste expérience de la coalition antiterroriste en Irak et en Afghanistan, alors qu'un contingent de 15.000 hommes serait très insuffisant pour régler le problème. Les 45.000 soldats déployés en Tchétchénie n'ont pu digérer le conflit qu'après l'adoption d'une série d'importantes décisions politiques et économiques.

Un autre problème, très grave, concerne le recrutement de "casques bleus" pour le Liban, car la composition de la force internationale devrait être approuvée par les deux parties au conflit. Israël insiste pour que le contingent soit composé d'unités des pays membres de l'OTAN. Si le Liban et les représentants du Hezbollah au sein l'administration libanaise ne se sont pas exprimés là-dessus, il est clair que les troupes américaines sont mal placées pour remplir cette mission. Dans le monde arabe, en particulier au Liban, celles-ci ont toujours été perçues comme pro-israéliennes, tandis que les forces d'interposition sont tenues, en l'occurrence, d'être "plus catholiques que le pape". Les Français ne conviennent pas non plus. Paris a ses intérêts à Beyrouth, et ses alliés au sein de l'OTAN, comme Tel-Aviv, souhaiteraient à peine que la force internationale penche en faveur d'une des parties. L'Allemagne pourrait elle aussi se refuser à cet "honneur": la chancelière Angela Merkel s'est plainte à de nombreuses reprises que les unités de la Bundeswehr soient dispersées à travers le monde en estimant que celles-ci devraient regagner le pays.

Parmi les pays membres de l'Alliance atlantique, il ne reste que l'Espagne, l'Italie, la Pologne, le Canada, la Grèce et la Turquie qui disposent de forces armées suffisamment puissantes et nombreuses. Mais, forts de la triste expérience irakienne, les deux premiers pays de cette liste ne voudraient sans doute pas envoyer leurs troupes au Liban. Les candidatures polonaise et turque seront refusées à Tel-Aviv. Le Canada et la Grèce pourraient bien endosser l'opération de maintien de la paix, mais avec l'appui de la part des nouveaux membres de l'OTAN, tels la Hongrie, la République tchèque et les Etats baltes. Toutefois, ces pays ont peu de chances de recruter un contingent de 15.000 hommes. Les pays d'Europe orientale disposent de forces armées assez peu nombreuses et qui remplissent essentiellement des fonctions auxiliaires (logistique, génie, déminage et travaux de réparation) et sont à peine capables d'offrir un ou deux bataillons opérationnels à long terme, sans oublier la rotation incontournable tous les six ou douze mois.

Mais il y a un problème qui vaut plus que les autres. Aux forces d'interposition devant s'installer au Liban-Sud, Israël impose une condition: celles-ci doivent laisser passer les commandos de Tsahal, lorsque Tel-Aviv constate que les intérêts de l'Etat et du peuple israéliens sont mal protégés et que le Hezbollah doit être attaqué depuis la zone tampon. En l'occurrence, l'opération de paix n'aurait plus aucun sens. Dans le même temps, une opération d'imposition de la paix, à l'instar de celle menée par l'OTAN en Yougoslavie, semble impossible. Le Conseil de sécurité de l'ONU ne permettrait pas à la force internationale de paix de favoriser une des parties au conflit, sinon elle se transformerait en une force d'occupation, avec toutes les conséquences qui en découlent et le risque de guérillas et d'embuscades.

Autant de circonstances qui font traîner en longueur l'adoption d'une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU. Tout porte à croire donc que l'effusion de sang se poursuivra encore longtemps des deux côtés de la frontière israélo-libanaise.

(L'avis de l'auteur peut ne pas coïncider avec celui de la rédaction.)

Fil d’actu
0
Pour participer aux discussions, identifiez-vous ou créez-vous un compte
loader
Chat
Заголовок открываемого материала