Guus Hiddink. Un entraîneur miracle pour le onze russe?

© RIA Novosti . Anton DenissovGuus Hiddink
Guus Hiddink - Sputnik Afrique
S'abonner
A diverses époques de grands noms du coaching russe - Romantsev, Bychovets, Gazzaïev, Siomine - ont présidé aux destinées de l'équipe de Russie de football pour obtenir les résultats que l'on sait. Maintenant, alors qu'aucun de ces spécialistes n'a été en mesure de bâtir une sélection valable, une autre démarche est entreprise. La barre du gouvernail a été confiée au Néerlandais Guus Hiddink.

A diverses époques de grands noms du coaching russe - Romantsev, Bychovets, Gazzaïev, Siomine - ont présidé aux destinées de l'équipe de Russie de football pour obtenir les résultats que l'on sait.

Maintenant, alors qu'aucun de ces spécialistes n'a été en mesure de bâtir une sélection valable, une autre démarche est entreprise. La barre du gouvernail a été confiée au Néerlandais Guus Hiddink.

Qui est-ce donc?

Incontestablement, c'est un entraîneur de renommée mondiale. En tant que joueur sous les maillots du De Graafchap et du NEC, il ne s'était pas particulièrement distingué. Il n'a connu la notoriété que plus tard, à la charnière des années 1980-1990, quand il dirigeait le Eindhoven. Guus Hiddink devait reprendre les rênes de ce club en 2002-2006 et remporter avec lui cinq fois le championnat national, quatre fois la Coupe des Pays-Bas et obtenir des résultats impressionnants dans les compétitions internationales, dont une Coupe des clubs champions européens en 1987. Guus Hiddink a aussi entraîné le Real Madrid, le Real Betis, le Fenerbahce et le Valence CF et coaché les sélections nationales néerlandaise, sud-coréenne et australienne.

Pour des raisons bien compréhensibles, les supporters russes seront surtout intéressés par son travail à la tête des deux dernières équipes nationales. Si au Mondial-98 disputé en France la qualification pour les demi-finales de l'équipe des Pays-Bas conduite par Guus Hiddink n'avait pas été une surprise puisqu'elle figurait parmi les favoris, la réitération de ce résultat avec les footballeurs sud-coréens quatre années plus tard avait été une véritable sensation.

Elle avait suscité bien des débats, mais beaucoup de ceux qui tiennent des propos désapprobateurs à l'occasion de ce succès dû à un arbitrage défectueux amenuisent souvent les mérites de l'équipe et surtout ceux de l'entraîneur. En dix-huit mois de travail à la tête de la sélection sud-coréenne Hiddink l'avait métamorphosée. Sollicitant les meilleures qualités de ses joueurs - assiduité, endurance et discipline - l'entraîneur avait réussi, à partir de stratégies et de schémas universellement connus, à inculquer à cette équipe un style de jeu inédit. L'association insolite de combinaisons simples, parfaitement rôdées - les footballeurs sud-coréens n'étaient probablement pas talentueux au point de pouvoir apprendre en dix-huit mois à "broder à la brésilienne" - et de la technique spécifiquement asiatique mais très efficace avait suscité chez les uns des sourires indulgents, chez d'autres un étonnement non dissimulé et chez d'autres encore une déférence sincère.

Sur le plan physique la sélection de la République de Corée avait abordé le mondial au top niveau: grâce à des entraînements intenses et à la consommation du célèbre thé de ginseng ses joueurs avaient disputé les cinq premiers matches tambour battant. La fatigue ne s'était fait sentir qu'au cours des rencontres perdues face à l'Allemagne et à la Turquie. Par conséquent, nous recommandons à ceux qui prétendent imméritée la quatrième place des Coréens au Mondial 2002 de reconsidérer leur jugement.

Il convient aussi de parler à part de l'équipe d'Australie de football qui sous la direction de Guus Hiddink a disputé le dernier Mondial en Allemagne. A propos, beaucoup de Russes avaient supporté la sélection du "continent vert" précisément parce qu'elle était conduite par "leur" entraîneur. Quoique leurs encouragements n'aient contribué en rien à la belle prestation des "kangourous" qui n'était que le fruit d'un travail préparatoire assidu des joueurs et de Guus Hinddik qui une nouvelle fois avait misé sur les qualités majeures de ses joueurs.

Tenant compte que beaucoup de sélectionnés australiens évoluaient en Première ligue anglaise, Hiddink avait préparé sa sélection au jeu britannique axé sur la vitesse et l'engagement physique: défense tenace, milieu de terrain mobile et technique, ailes actives, attaquants agressifs et rompus au jeu de tête. En l'absence de joueurs-vedettes, le principal atout de la sélection australienne avait été sa force de caractère, sa soif de vaincre et un moral à toute épreuve (des qualités qui, soit dit en passant, font partiellement défaut aux footballeurs russes).

Cela s'était confirmé dès le premier match mal engagé par l'équipe de Hiddink face aux Japonais. Alors qu'ils étaient menés 0:1, les Australiens avaient réagi et au cours des dix dernières minutes de la partie ils avaient terrassé leurs adversaires en leur marquant trois buts.

Le match suivant, devant les Brésiliens, une nouvelle fois menés à la marque, ils avaient attaqué inlassablement, se créant maintes occasions, et seule une classe incomparablement plus grande avait permis aux ex-champions d'arracher la victoire.

Dans le match décisif donnant accès au play-off, les Croates qui n'avaient qu'un seul point à leur actif avaient joué leur va-tout face aux "kangourous" et la rencontre dépourvue d'intérêt au premier abord avait progressivement pris l'allure d'un véritable thriller. Ayant encaissé deux buts "idiots", les Australiens étaient toujours revenus à la marque et le match nul 2:2 leur avait ouvert les portes des huitièmes de finale avec l'Italie comme adversaire. Une chose paradoxale devait se produire au cours de ce match: l'expulsion de l'Italien Materazzi avait compliqué la tâche de la sélection australienne. Désormais c'était à elle de conduire le jeu, mais jamais au cours des quarante et quelques minutes restantes elle n'avait réussi à trouver le chemin des filets de la Squadra Azzurra dont les joueurs repliés dressaient un véritable rempart. Le sort du match devait basculer dans les ultimes secondes. Un penalty tiré par Francesco Totti barrait aux Australiens l'accès aux quarts de finale. Sans ce penalty litigieux, qui sait a qui serait allé le titre de champion du monde?

Voilà comment évoluaient les sélections étrangères coachées par Guus Hiddink. Mais même avec ces données il nous est impossible de juger cet homme en tant qu'entraîneur. Car il faut penser que la tactique qu'il choisira pour l'équipe de Russie de football sera différente de celles auxquelles il avait recouru jusqu'ici. Parce que nous ne ressemblons ni aux Néerlandais, ni aux Sud-coréens, ni aux Australiens. Evidemment Hiddink tiendra compte de nos faiblesses et de nos atouts: le professionnalisme de cet entraîneur est incontestable. Cependant, le succès de son travail à la tête de la sélection russe dépend aussi d'une autre circonstance...

A propos de la mentalité nationale

Seuls les cossards n'ont jamais évoqué ses particularités, mais les mieux placés pour parler de ses manifestations dans le football russe sont certainement les entraîneurs étrangers ayant exercé en Première ligue. Ils peuvent considérer comme un échec patent l'étape russe de leur carrière.

Souvenons-nous de l'année 2004: avant le début de la saison quatre clubs russes avaient fait appel à des spécialistes étrangers très respectés chez eux: Arthur Jorge, Nevio Scala, Jaroslav Hrebik et Roland Courbis. Cependant, six mois à peine après le début du championnat ils abandonnaient tous leur poste pour incompatibilités dans les rapports avec les joueurs et les dirigeants des clubs en se demandant à quoi bon ils étaient venus. Ces quatre cas ne sont probablement pas des coïncidences, l'existence ici d'une certaine logique est probable.

Serions-nous si "exceptionnels"? Bien sûr que non. Des exemples contraires existent aussi: pendant trois ans et demi Vlastimil Petrjela a été à la tête du Zenit Saint-Pétersbourg et il l'a mené jusqu'aux quarts de finale de la Coupe de l'UEFA. Quant à Slavoljub Muslin, il officie avec succès au Lokomotiv Moscou.

Et puis être entraîneur étranger dans un club et s'occuper d'une sélection nationale sont deux choses différentes. Dans un club l'entraîneur est tenu d'être présent en permanence, de communiquer avec les joueurs, de suivre la préparation physique et technique et ici pour que le travail soit fructueux il faut que toute l'équipe s'implique. Beaucoup dépend des rapports de l'entraîneur avec les joueurs, de leur confiance vis-à-vis du coach, de leur attitude personnelle à son égard. Par conséquent, si un spécialiste, aussi titré soit-il, ne parvient pas à s'imposer aux joueurs, ne réussit pas à surmonter la barrière psychologique qui existe toujours entre les Russes et "ceux d'ailleurs" et se traduit habituellement par de la réserve et de la méfiance, alors "c'est foutu". Par contre, les joueurs - pas toujours les mêmes - qui sont mis à la disposition de la sélection se trouvent réunis pendant 3-4 jours, un temps insuffisant pour que l'entraîneur puisse établir des contacts avec eux. Tout ce que l'on exige de lui c'est d'expliquer par le menu aux footballeurs la tactique choisie pour le match à venir et des joueurs qu'ils la comprennent et matérialisent la pensée du coach sur le terrain. Rien de plus. Pas de longs stages, pas de longs briefings. Le match est terminé, alors à la prochaine! Dans cette situation le plus lourd de la responsabilité repose sur les épaules de l'entraîneur qui doit se montrer apte à communiquer avec les joueurs. Ici la fameuse "barrière linguistique" n'y est absolument pour rien: il s'agit uniquement d'instructions et non pas d'un entretien intime. C'est la raison pour laquelle lorsque l'on fait appel à des entraîneurs étrangers, c'est davantage pour s'occuper de sélections que de clubs.

On peut penser qu'en acceptant la proposition de l'Union russe de football (RFS) Guus Hiddink était au courant des "mésaventures des étrangers en Russie" et, partant, qu'il réussirait à s'adapter rapidement à la sélection: car finalement, nous ne sommes pas des extra-terrestres.

Envisageons l'avenir avec optimisme

Que pouvons attendre de Guus Hiddink? Ne nous berçons pas d'illusions: il est peu probable qu'il propulse d'emblée notre sélection dans la cour des grands. Avant d'y parvenir il faudra réaliser un travail en profondeur et de longue haleine. Construire des centres de formation, aménager des terrains avec revêtement synthétique, trouver des fonds pour rémunérer des entraîneurs pour enfants. Bref, faire renaître tout ce qui a disparu à l'"époque des troubles" du début des années 90 du siècle dernier.

Il n'y a ici que deux alternatives: ou bien le problème sera réglé avec le plus grand sérieux, au niveau national, avec l'implication intéressée des plus hautes instances du pouvoir, ou bien il faudra nous résigner à rester dans la grisaille.

Mais pour commencer il faut inculquer à la société un autre comportement à l'égard du football. Comment peut-on ambitionner devenir une grande nation footballistique quand on est totalement indifférent aux prestations de la sélection nationale, quand on s'habitue à ses revers, quand après le mémorable match nul face à la Slovaquie nous revenons à nos affaires comme si rien ne s'était passé? Ou encore quand au hit-parade TV les matches de la Coupe du monde sont classés loin derrière les feuilletons de seconde zone? Quand les terrains de jeu sont adaptés à toutes les activités possibles excepté sportives? On voudrait croire que la campagne médiatique lancée à l'occasion de la nomination de Guus Hiddink n'aura pas été gratuite et que les gens suivront avec grand intérêt les prestations de notre sélection et la supporteront comme il sied.

De grands espoirs aussi sont placés sur Guus Hiddink. L'équipe de Russie a cette particularité regrettable que même quand elle est prise en main par un spécialiste de renom, plein d'ambitions, elle ne répond pas à ses attentes et ne fait que ternir sa renommée. Espérons donc que cela ne constituera pas un obstacle pour Guus Hiddink et que celui-ci réussira, grâce à son talent, à présenter la sélection sous un jour meilleur. A l'éloigner définitivement des défaites-fleuves. Et aussi à inciter les journalistes à davantage de modestie, à ne plus écrire comme ils l'avaient fait après la victoire remportée sur le Luxembourg 5-1 que "la sélection russe a montré toute sa force percutante".

Fil d’actu
0
Pour participer aux discussions, identifiez-vous ou créez-vous un compte
loader
Chat
Заголовок открываемого материала