L'ONU, Israël et le Hezbollah

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Par Piotr Romanov, RIA Novosti

Le secrétaire général de l'ONU a sévèrement condamné le dernier raid d'Israël contre le Hezbollah, qui, à en croire les militaires israéliens, avait pour objectif d'empêcher un transfert illégal d'armes au Liban. Cette opération sape effectivement le cessez-le-feu déjà précaire dans cette région, par conséquent la préoccupation du secrétaire général est compréhensible. Mais ce que l'on ne comprend pas, c'est ce qui se passe aujourd'hui au Conseil de sécurité autour du Liban. Si le raid israélien remet en cause le fragile cessez-le-feu dans la région, alors bien des démarches et surtout la lenteur et l'inaction de l'ONU pourraient réduire à néant l'espoir d'une paix durable au Proche-Orient.

D'aucuns pensent aussi que la résolution de l'ONU sur le Liban est le maximum qui puisse être obtenu aujourd'hui et que son principal mérite est d'être équilibrée. C'est probablement vrai si l'on aborde le document du point de vue de l'esthétique bureaucratique. Si l'on envisage la résolution du point de vue pratique en se demandant dans quelle mesure elle est applicable, si elle fonctionnera et si elle apportera au Proche-Orient ne serait-ce qu'un répit de courte durée, alors le jugement sera foncièrement différent. Une automobile, c'est remarquable, bien sûr, mais à condition qu'il y ait un moteur sous le capot.

Cette résolution comporte deux grands problèmes: la force de paix et le désarmement du Hezbollah, qui, comme on le sait, était déjà réclamé par l'ancienne résolution de l'ONU (Elle n'a pas été appliquée. Qui plus est, pendant une période prolongée l'ONU a observé impassiblement des pays voisins du Liban fournir au Hezbollah des milliers de roquettes, ces roquettes qui au fond sont à l'origine de la dernière guerre).

Nul besoin d'être un grand analyste pour comprendre que le cessez-le -feu ne sera durable que si une force de paix neutre, opérante et possédant un mandat approprié est déployée le plus vite possible dans la zone tampon entre Israël et le Liban. Signalons ici qu'il semble bien que le Conseil de sécurité ait jeté ses dernières forces dans l'élaboration de la résolution sur le Liban. Il est exténué. La force de paix n'a toujours pas été formée et personne ne sait encore quand elle arrivera au Liban. On a énormément parlé de la paix au Liban, mais ceux qui souhaitent prendre part concrètement au processus de paix se comptent sur les doigts d'une main. La France à qui il avait été proposé de prendre le commandement de la Finul (Force intérimaire des Nations Unies au Liban) n'apprécie pas qu'un mandat concret ne lui ait pas été attribué. On pourrait comprendre les Français si Paris n'avait pas été coauteur avec Washington de la résolution remarquablement équilibrée.

Plus on avance et plus les choses sont intéressantes. Parmi ceux qui se bousculent pour prendre part à la mission de paix il y a l'Indonésie et la Malaisie, c'est-à-dire des pays qui n'entretiennent même pas de relations diplomatiques avec Israël. Et qui, d'après plusieurs sources, avaient voulu au cours du dernier conflit fournir des hommes et des matériels au Hezbollah. On peut se souvenir ici de cette singulière déclaration faite à Beyrouth par le ministre malaisien des Affaires étrangères, Seyd Hamid Albar, selon laquelle il était opposé à ce que l'on tienne compte du point de vue d'Israël lors de la formation de la force internationale de stabilisation au Liban sud.

Curieusement, le secrétaire général de l'ONU a chaleureusement remercié ces pays pour leur noble élan. Si ces pays sont considérés comme étant neutres, alors pourquoi ne pas déployer dans la zone tampon des troupes de l'Iran et de la Syrie? Le président du premier nommé est connu pour exhorter au moins une fois par semaine à effacer Israël de la surface de la Terre. Quant au président du second, il a déclaré qu'il était fier de la Syrie quand on accusait celle-ci de soutenir le Hezbollah.

Bon. A ce jour l'ONU n'a pas été à même d'investir la force de paix d'un mandat approprié ni, à plus forte raison, de constituer un contingent véritablement neutre, capable de désengager Israël et le Hezbollah. Les choses sont pires encore en ce qui concerne la clause de la résolution exigeant le désarmement du Hezbollah et l'inadmissibilité des livraisons d'armes étrangères à cette organisation radicale. Ici aussi l'ONU exige vigoureusement d'Israël qu'il lève sans tarder le blocus maritime du Liban du moment qu'il empêche l'acheminement à Beyrouth de l'aide humanitaire internationale (ce qui est vrai, bien entendu), mais elle n'a pas jugé bon d'envoyer dans les eaux territoriales libanaises ne fut-ce qu'une chaloupe montée par quelques observateurs chargés au moins de contrôler les quantités d'armes introduites en contrebande au Liban. Prétendre que l'ONU chercherait à empêcher ce trafic serait ridicule aujourd'hui.

La question du désarmement du Hezbollah a été de facto biffée de l'ordre du jour dès l'adoption de la résolution de l'ONU prévoyant justement ce désarmement. Présentement plus personne ne considère cette clause avec sérieux. En premier lieu le Liban qui fait bien comprendre qu'il ne placera dans ses dépôts que les armes que le Hezbollah lui remettra aimablement. Cette ferraille sera probablement présentée comme des armes confisquées. Par conséquent la clause en question sera formellement respectée.

Sans plus. Aucun des membres de la mission de paix n'entend entrer en conflit avec le Hezbollah.

Maintenant résumons. Il est incontestable que la communauté internationale s'est attelée au relèvement du Liban dévasté par la guerre et cela mérite tous les éloges. Cependant, les opérations de relèvement sont réalisées selon un schéma quelque peu étrange: une brique, un obus, une brique, un obus. Par son inaction ou ses actions mal ficelées, l'ONU jette dès aujourd'hui les fondements de la prochaine guerre au Proche-Orient.

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