Hugo Chavez inaugure une nouvelle ère du socialisme

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Par Piotr Romanov, RIA Novosti

Hugo Chavez et avec lui Cuba, inquiète de la maladie de Fidel et soucieuse de son avenir, célèbrent la victoire du président vénézuélien. Victoire prévisible car les sondages effectués à la veille du scrutin constataient une avance de plusieurs dizaines de pour cent sur son concurrent, mais un émoi se faisait sentir à Caracas et à La Havane qui est actuellement économiquement dépendante du pétrole et de l'argent vénézuélien et qui, sur le plan politique, considère Chavez comme le nouveau leader régional radical.

D'ailleurs, cette dernière conclusion n'est pas uniquement cubaine. Hugo Chavez, orateur passionné et polisson de la politique (souvenons-nous de son discours à l'ONU) a persuadé depuis longtemps tout le monde que c'était lui l'héritier des idées de Simon Bolivar et le continuateur de l'�uvre de Fidel Castro sur le continent.

Tout de suite après sa victoire électorale - son concurrent malheureux lui a déjà présenté ses félicitations - Hugo Chavez a annoncé une nouvelle ère socialiste dans l'histoire de son pays. Formellement, le soutien qu'il a recueilli auprès des 60% des électeurs lui donne ce droit.

Néanmoins, de telles déclarations doivent être accueillies avec prudence. Si les hommes intelligents recommandent de diviser en deux tout ce que dit un politique, en Amérique latine une division en dix s'impose. Nul doute, Chavez poursuivra, voire renforcera sa rhétorique antiaméricaine. Nul doute non plus que Chavez continuera sa politique socialement orientée, peut-être même y apportera des éléments nouveaux. Nul doute encore que Chavez ne cessera de soutenir Cuba et d'autres pays du continent "orientés vers la gauche". Mais il est fort douteux qu'il puisse entreprendre une refonte radicale de l'économie et créer quelque chose de semblable au comité du plan soviétique.

A propos, son idole Fidel, devenu communiste sans le vouloir - les Américains l'y avaient poussé - s'est mis, après l'éclatement de l'URSS, à s'écarter des idées socialistes pour se tourner vers les idées bolivariennes, traditionnelles pour le continent. Que Chavez appelle tout cela socialisme, c'est son affaire personnelle. D'abord, il n'a pas encore inventé de nouveau terme strictement vénézuélien. Et puis, il continue ainsi, non sans satisfaction, de tirer la barbiche de l'oncle Sam. Enfin Chavez lit et comprend que le socialisme ne s'édifie pas avec le seul pétrole, l'URSS a déjà fait cette expérience.

Certains reprochent à Chavez de se manifester en public juste avant le scrutin. Mais il n'a pas fait de discours. Il était enroué d'avoir trop parlé pendant la campagne électorale. Il n'avait donc que sa cravate rouge pour faire sa publicité. Mais surtout ce qu'il a déjà réussi à réaliser durant son mandat précédent. Le président vénézuélien a mis en place un contrôle rigoureux de la société nationale Petroleos de Venezuela et a démantelé bien des canaux de corruption. Les superprofits pétroliers sont jusqu'à présent employés à la construction d'hôpitaux et d'écoles, à la mise en oeuvre de la réforme agraire, à la lutte contre l'analphabétisme et à la réalisation d'autres programmes. A Caracas, capitale vénézuélienne, il y a naturellement assez de médecins et d'enseignants mais la province s'est ingéniée à se passer de ces cadres avant l'arrivée de Chavez au pouvoir. Des professionnels cubains sont venus à l'aide de la province et rapportent un revenu confortable à l'"Ile de la Liberté", soit-dit en passant.

C'est pour cette raison que Chavez a été réélu. Ce n'est pas la première fois qu'il a recueilli plus de 60% des suffrages. Sa rhétorique antiaméricaine est, elle aussi, du goût d'une bonne partie de son électorat. De même que, malgré son aspect apparemment extravagant, sa manière de jouer avec efficacité et pragmatisme sur les divergences commerciales entre les Etats-Unis et l'Union européenne et d'établir des relations avec la Chine, l'Inde, le Canada, la Russie et l'Iran.

On dit que la mère d'Hugo Chavez voulait qu'il devienne curé mais il est devenu d'abord militaire, puis révolutionnaire avant de se faire loyalement élire président. En d'autres termes, il a préféré, comme beaucoup d'autres avant lui, construire la Ville de Dieu sur terre.

Y parviendra-t-il? Ce n'est pas sûr. Mais il est certain qu'il a honnêtement gagné l'élection.

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