Quoi de neuf dans la nouvelle stratégie de George W. Bush en Irak?

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Par Marianna Belenkaïa, RIA Novosti

Le président des Etats-Unis, George W. Bush, a enfin exposé sa nouvelle stratégie en Irak qu'il avait d'ailleurs promis de rendre publique depuis longtemps et que l'on pourrait, somme toute, considérer comme une sorte de prologue à une nouvelle stratégie américaine au Proche-Orient en général. Quoi qu'il en soit, il n'y avait rien de nouveau dans le discours du président américain à la nation, du moins, en ce qui concerne l'Irak. Seule la tactique change, alors que la stratégie reste la même.

Toujours est-il que sur deux points on peut se ranger sans réserve de l'avis du président des Etats-Unis. Tout d'abord, il n'existe pas de formule magique du règlement en Irak, et ensuite, le désengagement américain en Irak aujourd'hui ne ferait qu'aggraver la situation et renforcerait les positions des extrémistes dans toute la région du Grand Proche-Orient.

Pour ce qui est des autres thèses exposées par George W. Bush, elles suscitent nombre de questions.

Concernant les changements tactiques, il s'agit avant tout d'une augmentation des effectifs des troupes américaines dans la capitale de l'Irak Bagdad. Or, les spécialistes militaires n'ont pas d'opinion unanime à ce sujet, car les mesures précédentes du même genre n'ont pas amélioré perceptiblement la situation sécuritaire dans ce pays. Néanmoins, George W. Bush explique que, si auparavant les militaires américains et irakiens abandonnaient le terrain après l'avoir nettoyé des terroristes, ce qui permettait finalement aux terroristes d'y revenir comme si de rien n'était, désormais les forces de sécurité resteront sur leurs positions. C'est justement pour le contrôle total de Bagdad qu'il faut essentiellement augmenter le nombre des militaires américains en Irak.

La grande question est de savoir à quel prix ce contrôle sera instauré et à quel point il sera efficace. Par ailleurs, si auparavant les militaires américains et irakiens évitaient de se hasarder dans des zones en proie aux confrontations intercommunautaires, désormais le gouvernement de l'Irak leur a donné le "feu vert" pour y pénétrer. D'une part, cette décision est bonne. Il s'agit, en l'occurrence, du devoir habituel des forces de sécurité que de désengager les parties adverses. Mais, de l'autre, cela signifie que les Etats-Unis peuvent s'enliser dans la guerre civile en Irak, ce qu'ils ont évité jusqu'ici. Les sénateurs démocrates au Congrès américain ont d'ores et déjà émis des craintes à ce sujet. De plus, la neutralité des Irakiens revêtus de tenues militaires ou de la police suscite, en règle générale, de grands doutes, en premier lieu parmi les civils irakiens. Et voilà que des Américains viennent renforcer les militaires et policiers irakiens. Et si cela exacerbe la confrontation intercommunautaire en Irak?

Or, George W. Bush a pris les devants en disant que même si sa nouvelle stratégie fonctionne exactement comme prévu, les violences meurtrières vont continuer et qu'il fallait, par conséquent, s'attendre à plus de victimes irakiennes et américaines, car il n'y avait tout simplement pas de formules magiques.

Néanmoins, expliquer, comme le fait le président, que l'ordre n'est toujours pas rétabli dans la capitale irakienne essentiellement en raison du manque d'effectifs et des restrictions entravant leur action dans tel ou tel quartier de Bagdad est discutable. Est-ce la seule explication plausible?! Il est pour le moins préoccupant que le président des Etats-Unis, George W. Bush, ne souffle pas mot des erreurs économiques et politiques commises dans la politique de l'administration américaine en Irak qui ont pour beaucoup provoqué le chaos actuel régnant à Bagdad.

Toutefois, il faut rendre cette justice au président américain que dans son discours il parle non seulement du changement de tactique militaire en Irak, mais aussi de l'augmentation de l'assistance économique aux Irakiens et des mesures concrètes à adopter pour que l'aide économique dépensée en Irak donne de meilleurs résultats. Pour ce faire, le département d'Etat va nommer un coordinateur spécial à Bagdad. Or, la question se pose une fois de plus d'elle-même: ne s'agit-il pas là d'une légitimation tacite du contrôle américain exercé sur l'économie irakienne? Mais même en cela il n'y a au fond rien de nouveau.

On ne peut qualifier de nouveau que le fait que George W. Bush a enfin défini la date à laquelle les Irakiens eux-mêmes pourront, selon lui, prendre en charge la sécurité dans toutes les provinces du pays. Il s'agit du mois de novembre 2007. Mais même ce délai ne signifie pas du tout que les Etats-Unis pourront alors se considérer comme des vainqueurs en Irak, loin de là! D'après le président américain, on ne pourra parler de victoire en Irak que quand la démocratie s'étendra à l'ensemble du monde arabe.

A propos, c'est sans doute la première fois que le président des Etats-Unis donne une définition précise de la démocratie pour les pays de cette partie du monde. "L'Irak démocratique ne sera évidemment pas parfait. Mais ce sera un pays qui luttera contre les terroristes au lieu de les cacher, un pays qui contribuera à l'édification d'un avenir pacifique et sécurisé pour nos enfants et nos petits-enfants", a notamment déclaré George W. Bush. Tout porte à croire que ces paroles se rapportent à tous les Etats du Grand Proche-Orient. Et c'est de toute évidence là que l'on doit chercher le sens profond du discours du président des Etats-Unis et non dans l'augmentation des effectifs des troupes américaines en Irak.

L'idée principale de ce discours est que les Etats-Unis gardent intacte leur stratégie au Proche-Orient. Ils restent aussi invariablement fidèles à leurs anciens alliés, qu'il s'agisse de la Turquie, de la Jordanie, de l'Egypte ou des monarchies du Golfe. Les Américains ne changent pas, non plus, d'attitude à l'égard de la Syrie et de l'Iran.

Contrairement aux recommandations du Groupe d'étude sur l'Irak dirigé par l'ex-secrétaire d'Etat américain James Baker et l'ancien congressiste démocrate Lee Hamilton qui avaient insisté sur l'engagement de Damas et de Téhéran dans le dialogue sur la situation américaine, George W. Bush a accusé une fois de plus les Syriens et les Iraniens de soutenir les terroristes. Selon le président américain, le succès en Irak consistera aussi à défendre son intégrité territoriale et à stabiliser la région face au défi extrémiste, et il faudra commencer par régler les problèmes créés par l'Iran et la Syrie. Autrement dit, George W. Bush a pratiquement exclu toute possibilité de dialogue avec ces deux pays et leur a presque déclaré la guerre.

Cela ne signifie évidemment pas qu'il s'agit d'une frappe directe contre l'Iran et la Syrie. Néanmoins, il est devenu évident que les Etats-Unis se préparent à une guerre éventuelle et sont prêts à défendre leurs intérêts dans la région en utilisant le langage de la force et non celui des compromis. Selon George W. Bush, dans le cadre des efforts tendant à renforcer la sécurité de l'Irak et à protéger les intérêts américains au Proche-Orient, il envisage le déploiement d'un autre groupe aéronaval dans le Golfe et celui des missiles antimissiles Patriot. Cela doit rassurer "nos amis et alliés", a noté le président américain.

Nul n'ignore qui sont ces alliés des Etats-Unis. Ce sont les pays arabes du golfe Persique et Israël. On sait aussi sur quel pays ces missiles antimissiles Patriot seront pointés - l'Iran.

Il reste seulement à savoir si ces initiatives de George W. Bush sont susceptibles de rassurer les alliés américains dans la région. Pour ce qui est des pays arabes, et tout particulièrement de l'Arabie Saoudite, ils seront sans doute contents que les Etats-Unis ne retirent pas leurs troupes de l'Irak. De toute évidence, ils seront aussi rassurés du fait que Washington ne mise pas sur Téhéran dans le règlement en Irak. Quoi qu'il en soit, il est peu probable qu'ils se réjouissent de l'aggravation de la tension dans l'ensemble de la région. Ils n'apprécient visiblement pas, non plus, le fait que George W. Bush les a exhortés une fois de plus à contribuer plus énergiquement au règlement interirakien. Même sans ces paroles du président américain, ils se rendent parfaitement compte que la défaite de Washington en Irak tournerait en catastrophe pour toute la région. Pourtant, ils ne sont guère disposés à se charger des problèmes provoqués par les Etats-Unis. Ils font déjà, selon eux, ce qu'ils peuvent. Faire plus n'est sans doute pas possible, estiment-ils. Cependant, les pays arabes pourraient, à des conditions bien déterminées, accorder un concours quelconque à George W. Bush. Bref, les enchères ne font que commencer.

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