Grippe aviaire: ouverture de la saison nouvelle

S'abonner
Par Evgueni Kouznetsov, du Centre de santé des animaux sauvages, pour RIA Novosti
Par Evgueni Kouznetsov, du Centre de santé des animaux sauvages, pour RIA Novosti

La grippe aviaire est un phénomène qui tend à se banaliser et tout indique qu'il perdurera longtemps encore. En janvier et février des flambées de cette maladie ont été décelées dans plusieurs pays: en Indonésie, en Angleterre, au Japon, en Hongrie et même en Russie où cette année c'est au Kouban que la saison s'est ouverte. Des hécatombes ont été observées dans les basses-cours de trois localités. Les spécialistes ont décelé le virus H5N1 alors que la situation épizootique dans le territoire de Krasnodar semblait être normale.

Certains faits tendent à confirmer que la grippe aviaire hiberne aisément soit en milieu extérieur, par exemple dans l'eau, soit dans l'organisme des oiseaux qui restent pour passer l'hiver. Et du moment qu'un foyer existe, le virus peut transiter des oiseaux sauvages aux oiseaux domestiques. Il peut aussi être diffusé par des oiseaux sinanthropes tels que les corneilles, les freux et les moineaux qui survolent les basses-cours et les élevages avicoles.

Cependant on ignore toujours de manière précise le mécanisme de transmission du virus. Différents points de vue sont défendus dans les milieux scientifiques. Certains chercheurs prétendent que sur les lieux de contact direct les oiseaux sauvages contaminent leurs congénères domestiques. D'autres pensent que le virus est apparu tout d'abord chez les oiseaux de basse-cour. Bien des vétérinaires estimés pour leur sérieux sont d'avis que les élevages industriels du sud-est asiatique sont les lieux de mutation du virus. Il y a là des millions de volatiles et il est tout simplement impossible d'y remarquer un oiseau malade. Dans ces élevages avicoles la maladie est considérée comme un fait lorsque 5.000 poulets et plus meurent en une nuit. Par conséquent, des élevages ou des basses-cours peuvent très bien se transformer en pépinières du virus.

On ne saurait oublier que les oiseaux sont des réservoirs naturels de la grippe aviaire. Le virus commence à se manifester là où les conditions lui sont particulièrement favorables. Souvenons-nous de l'hiver dernier: alors que les bandes d'oiseaux sauvages avaient cessé de migrer des cadavres de cygnes avaient brusquement été découverts dans les Pays baltes (Estonie, Lettonie et Lituanie). Pour comprendre les raisons de ce phénomène il suffit de supposer que le virus à l'état d'hibernation se trouvait déjà dans l'organisme de ces oiseaux. En période hivernale on observe ce que l'on appelle le "stress du froid", il y a aussi des problèmes d'alimentation. Par conséquent l'organisme des oiseaux est affaibli, leur résistance immunitaire est amoindrie. Et c'est suffisant pour que le virus se "réveille". Cependant, toutes les versions examinées ne sont que des hypothèses, pour le moment elles n'ont pas été démontrées scientifiquement.

A notre avis, plusieurs cas d'infection existent. C'est évident que le confinement doit être une règle pour tous les élevages avicoles. Pour le moment, les moineaux et les pigeons ont libre accès aux poulaillers et aux dépôts de grain. Seulement s'il est possible d'isoler les oiseaux dans les élevages avicoles, la chose est plus compliquée à faire avec les moineaux. Personne ne maintiendra ses poules, oies et canards enfermés à longueur d'année, ces oiseaux ont aussi besoin d'évoluer en liberté. Ici les éleveurs doivent se montrer vigilants. D'ailleurs, dans la plupart des cas les dimensions des basses-cours permettent un contrôle efficace de leur population.

Pour l'instant il n'y a qu'un moyen de combattre la grippe aviaire: la vaccination massive des oiseaux domestiques et de la totalité des volailles dans les élevages industriels. L'année dernière un recensement agricole a été effectué en Russie, désormais on sait exactement où et combien il y a d'oiseaux. Maintenant il faut agir.

Signalons l'importance qu'il y a à systématiser le processus en matière de vaccination. Il faut l'actualiser en fonction de l'état de l'immunité. C'est là une chose difficilement prévisible en raison de son caractère individuel, mais il n'y a pas d'autre solution que de faire des prélèvements systématiques, d'évaluer l'immunité et d'opérer sur la base des données obtenues.

Récemment au ministère des Situations d'urgence nous avons assisté à une réunion consacrée à la grippe aviaire. On nous a demandé quelles étaient les perspectives de son apparition en Russie? Toute réponse donnée ici relèverait de la "lecture du marc de café". Ce qu'il faut, c'est procéder à des contrôles réguliers, disposer d'un système déterminé d'observations effectuées en différents endroits, selon une méthodologie spéciale. C'est là le seul moyen d'obtenir des matériaux permettant de faire des prévisions. Malheureusement, au moment présent on ne dispose pas en Russie de données objectives permettant de faire des pronostics en ce qui concerne cette maladie. Il n'existe que des études ponctuelles, des avis personnels émis par divers experts.

Il faut aussi mettre en place un système fédéral de contrôle des maladies des animaux sauvages, ce que de nombreux pays occidentaux ont déjà fait. L'Azerbaïdjan s'en est doté d'un récemment. En Russie nous pourrions le faire sans grandes difficultés à partir des structures existantes. C'est vrai que le cloisonnement départemental constitue un obstacle. Par exemple, le ministère de l'Agriculture dispose de fonds pour l'étude de la grippe aviaire mais il lui manque le réseau de structures régionales qui pourrait prendre des prélèvements sur les oiseaux sauvages. Dans le même temps le ministère des Ressources naturelles possède un réseau de centres de recherche - les parcs de réserves - couvrant le pays tout entier.

Cependant, la grippe aviaire ne relève pas du département environnemental qui, d'ailleurs, ne dispose pas de l'argent nécessaire pour étudier ce problème. Dans le cas présent il serait logique d'associer les potentialités des deux ministères, mais personne ne veut mettre la main à la poche.

Sans contrôle global, la communauté mondiale devra longtemps encore se perdre en conjectures sur l'origine de la grippe aviaire et la façon dont elle se propage. Les campagnes ponctuelles, l'abattage des oiseaux sauvages ne régleront pas le problème. Ce qu'il faut, c'est un système. Mais comme de toute évidence il n'intéresse encore personne, alors...

Fil d’actu
0
Pour participer aux discussions, identifiez-vous ou créez-vous un compte
loader
Chat
Заголовок открываемого материала