L'OTAN a besoin de soldats et d'argent

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Par Viktor Litovkine, RIA Novosti
Par Viktor Litovkine, RIA Novosti

L'objectif primordial, souligné au sommet de l'Alliance de l'Atlantique Nord à Riga et à la rencontre informelle des ministres de la Défense de l'Alliance à Séville, est de contribuer à l'établissement de la paix et de la stabilité en Afghanistan. Bien plus, comme le soulignent Washington et Bruxelles, la capacité de l'Alliance d'accomplir sa mission en Afghanistan sera, à bien des égards, déterminante pour le destin et l'avenir de l'alliance militaro-politique de vingt-six Etats du monde. En ce qui concerne l'opération de la Force internationale d'assistance à la sécurité (ISAF), elle est encore loin d'être couronnée de succès. Les raisons en sont connues : il convient de créer des mécanismes de coopération et de reconstruction du pays après le conflit.

L'OTAN a déjà tiré la conclusion qu'il est impossible de régler les problèmes de l'Afghanistan par la voie militaire. L'ISAF qui compte aujourd'hui 35000 "baïonnettes" de 37 pays du monde fait des efforts extraordinaires en vue de stabiliser la situation. Cependant, les forces manquent. Qui plus est, les efforts déployés par la Force internationale ne sont pas concrétisés par une amélioration réelle de la situation socio-économique des Afghans, ce qui justifierait, à leur avis, la présence de troupes étrangères sur le territoire du pays. Il en découle une augmentation du mécontentement envers l'OTAN et l'influence croissante des talibans.

L'année dernière, le nombre d'attaques contre les contingents militaires de l'Alliance s'est accru en passant de 900 à 2500, celui des attentats commis par des kamikazes est passé de 18 à 1167, celui des actes de subversion avec emploi d'engins artisanaux, de 530 à 1300. Bien que les talibans aient également essuyé de lourdes pertes, les experts militaires estiment que leur potentiel combatif se rétablit rapidement. La production de drogue, base financière du terrorisme, s'accroît également. En 2006, les volumes d'opiats ont constitué 6100 tonnes, contre 4100 tonnes en 2005. Les exploitations dotées de plantations de pavot sont devenues plus nombreuses. Les tentatives pour les persuader de cultiver d'autres plantes agricoles ont échoué.

La demande d'envoi de renforts en Afghanistan formulée à Riga et à Séville par le commandement de l'ISAF qui est passé des Britanniques aux Américains n'a pas produit l'effet escompté. Seuls les Etats-Unis ont augmenté leur contingent de trois mille soldats et officiers. La Pologne a également envoyé mille soldats en Afghanistan. Même l'Ukraine a envoyé dix spécialistes militaires. La Grande-Bretagne est en train de former un détachement, mais les autres pays "réfléchissent". Bien plus, les barrières qui empêchent de coordonner les actions des contingents militaires déployés dans diverses régions de l'Afghanistan ne sont toujours pas surmontées, ce qui a été constaté au sommet de Riga. Les restrictions législatives nationales à l'emploi de la force qui ne permettent pas, par exemple, aux troupes de la RFA de participer aux actions militaires en dehors de leur zone de responsabilité entravent sérieusement la direction centralisée de la coalition.

Il existe une entente sur l'entraide. Mais les amendements législatifs aux fondements juridiques de tels ou tels Etats n'ont pas encore été apportés. Cela veut dire que les décisions seront prises au cas par cas, ce qui entrave certainement la direction de l'ISAF. Mais la leçon principale de la campagne afghane qui n'est pas cachée par l'Alliance se réduit à ceci : même une organisation aussi puissante que l'OTAN ne peut pas assurer seule la reconstruction après conflit. D'autant plus que, restant une alliance militaire, elle ne dispose pas du potentiel nécessaire pour apporter une aide économique ou une assistance technique à la population.

C'était la tâche de la table ronde organisée il y a un an à Londres où les sponsors avaient promis d'affecter au développement de l'économie afghane 10,5 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années. Il s'agit notamment de l'ONU, de la Banque mondiale, de l'Union européenne, de l'OSCE, des ONG � Cependant, des problèmes surgissent dans l'octroi de l'aide des donateurs. Non seulement parce qu'elle est détournée, comme on le dit, avant d'arriver à Kaboul, voire en Afghanistan même. D'autre part, l'argent est souvent alloué aux firmes des pays qui doivent mettre en �uvre leurs projets humanitaires et sociaux à Kaboul et dans ses environs. Par conséquent, cet argent ne parvient pas à la population locale, ne crée pas de nouveaux emplois et ne contribue pas à l'élévation du bien-être des couches pauvres d'Afghans.

Quoi qu'il en soit, selon les agences d'information, l'administration Bush prévoit de demander au congrès 10,6 milliards de dollars supplémentaires pour l'Afghanistan. Le premier ministre britannique Tony Blair a promis d'affecter 500 millions de livres sterling pour trois prochaines années. La France, l'Allemagne, le Japon, la Chine, l'Inde, la Turquie, l'Iran et la Russie ont également manifesté leur volonté de soutenir Kaboul. Le Kremlin s'est engagé à annuler la dette afghane se chiffrant à 10 milliards de dollars. Il est vrai, Moscou a assorti sa promesse d'une condition : Kaboul doit renoncer aux griefs présentés à la Russie pour le préjudice causé par les actions de la 40e armée soviétique dans la période de 1979 à 1989.

Quoi qu'il en soit, la Russie apporte, dans la mesure de ses possibilités, une aide maximale à l'Afghanistan et à l'OTAN. Bruxelles le reconnaît. La Russie fournit à l'ISAF les renseignements nécessaires recueillis par les services secrets et forme des spécialistes de la lutte contre le trafic de drogue. L'année dernière, 25 policiers afghans ont été formés à Domodedovo (environs de Moscou), à la base de l'Institut de perfectionnement relevant du ministère russe de l'Intérieur. Moscou est prêt à en accueillir autant. Mais, la ratification du Traité sur le statut des troupes étrangères sur son territoire demandée au Kremlin par l'Alliance est, pour l'instant, impossible.

Ce traité offrirait à l'OTAN la possibilité de transférer ses forces et matériels à l'Afghanistan par air et grâce aux chemins de fer de Russie. Mais la Douma se réfère aux problèmes techniques et ne se presse pas de le ratifier. L'explication pourrait résider dans le refus de l'OTAN de coopérer avec l'Organisation du Traité de sécurité collective (OTSC) qui jouit d'un grand prestige dans les pays d'Asie centrale limitrophes de l'Afghanistan et où le problème du trafic de drogue en provenance d'Afghanistan est très grave.

Moscou ne cesse de rappeler à Bruxelles que seule une coopération étroite entre l'Alliance et l'OTSC, entre tous les pays et les organisations intéressés à la stabilisation de la situation en Afghanistan, peut apporter un succès dans la lutte contre le terrorisme. Mais, pour l'instant, une telle coopération multilatérale est inexistante.

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