Revue de la presse russe du 19 février

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MOSCOU, RIA Novosti
MOSCOU, RIA Novosti

Novye Izvestia

La Russie répudiée

Si en Occident quelqu'un avait encore des doutes quant au retour de la Russie sur la scène internationale en qualité d'acteur de premier plan, alors ils se sont à coup sûr dissipés après le discours prononcé par le président russe, Vladimir Poutine, devant la conférence de Munich sur la sécurité. En Occident on s'est définitivement fait à l'idée de l'avènement d'un nouvel ordre mondial dans lequel la Russie ne pourrait plus être ignorée.

Il faut admettre avec amertume que l'Amérique et l'Europe n'ont pas utilisé la chance historique qui leur avait été offerte de faire de la Russie une partie du monde occidental. Après l'effondrement du communisme l'Occident aurait dû prendre au moins trois initiatives.

Premièrement, il aurait fallu octroyer à la Russie un soutien économique de grande envergure et l'aider à passer de l'économie bureaucratique et autoritaire, à vocation militaire, à l'économie de marché.

Deuxièmement, l'Occident se devait d'élaborer la "feuille de route" de l'adhésion de la Russie à l'OTAN, et ce avant même l'entrée dans l'alliance des anciens membres du Traité de Varsovie et des Pays baltes (Estonie, Lettonie et Lituanie), ou au moins en même temps. Cependant, l'idée de l'appartenance de la Russie à l'OTAN avait été brutalement écartée à l'époque du président Boris Eltsine qui aujourd'hui encore entretient la nostalgie de nombreux membres du Congrès des Etats-Unis et de bien des organisations non gouvernementales occidentales.

Troisièmement, enfin, l'Amérique aurait dû inviter la Russie à prendre part à l'élaboration et au déploiement du système stratégique de défense antimissile après la dénonciation par les Etats-Unis du Traité ABM en 2001.

Cependant, des démarches ont été prises en Occident dans la direction opposée. Au lieu de financer la restructuration de l'économie russe et son passage au marché, certaines banques américaines ont contribué, souvent en violant la législation, à ce que des centaines de millions de dollars, dont des prêts du Fonds monétaire international et d'autres crédits étrangers, quittent la Russie pour être placés en Occident.

L'ancien ministre russe de la Défense, Igor Sergueïev, nous a personnellement informé que la Russie était disposée à se joindre à l'Amérique pour élaborer le système stratégique ABM. Plusieurs fois aussi Sergueï Ivanov a suggéré une participation de la Russie au déploiement d'un système tactique ABM sur le continent européen. Toutes ces propositions ont été repoussées. Maintenant, les Etats-Unis négocient avec la Pologne et la République tchèque l'implantation de missiles antimissiles à la frontière avec la Russie. Quant à Robert Gates, il place la Russie au même rang que l'Iran et la Corée du Nord. Sur cette toile de fond la brutalité du ton de Vladimir Poutine à Munich à l'égard des Etats-Unis n'a rien d'inattendu.

Au cours de l'année écoulée les relations de la Russie et des Etats-Unis se sont brusquement dégradées et depuis Munich elles se sont rapprochées encore de la limite dangereuse. Pour éviter qu'une catastrophe ne se produise dans les rapports russo-américains, il faut de nouvelles idées inédites en vue de les assainir. Mais où sont leurs vecteurs?

(Auteur : Edouard Lozanski, président de l'Université américaine à Moscou)

Izvestia

Poutine incontournable dans l'après-Poutine

Il y a un an, on comprenait que Vladimir Poutine ne voulait pas faire durer sa présidence; aujourd'hui, on comprend qu'il veut faire durer son pouvoir.

La continuité de la politique de Vladimir Poutine, autrement dit la prolongation effective de son pouvoir, nécessite d'abord la sélection d'un "dauphin" acceptant de jouer un rôle de second plan et convenant à la plupart des personnalités influentes. Ensuite, une série de mécanismes de garantie s'imposent.

Tout porte à croire que Vladimir Poutine, pour faire d'une pierre deux coups, préférera ne pas confier à son "dauphin" le poste de premier ministre et mettra à la tête du gouvernement quelqu'un d'indépendant par rapport au prochain président. Les doutes sur la stabilité du nouveau système de pouvoir paraissent justifiés, mais ce scénario s'annonce comme le plus acceptable dans la conjoncture actuelle.

Le statut réel de Vladimir Poutine après mars 2008 est clair: le "tsar" gardera sa couronne. Ce qui l'est moins, c'est la forme de ce statut. Certains soutiennent que le statut de Vladimir Poutine ne revêtira aucune forme et que le président sortant sera simplement une personnalité influente. Peut-être, mais il n'est pas dans l'usage en Russie qu'une personne qui prétend à l'influence et au pouvoir ou, a fortiori, qui jouit de l'influence et du pouvoir reste sans fonction et sans statut officiel.

Vladimir Poutine a dit clairement qu'il n'avait pas l'intention de briguer un poste de responsabilité dans une grande compagnie. En principe, un président sortant ne peut pas diriger le gouvernement. Un poste au Conseil de la Fédération (chambre haute du parlement) ou à la Cour constitutionnelle n'est pas sérieux non plus. Il est probable donc que tout se limitera à son entrée, en mars 2008, au Conseil de sécurité.

Le parti majoritaire aimerait bien avoir Vladimir Poutine à sa tête. La question est de savoir s'il le souhaite ou s'il en a besoin lui-même. Tout porte à croire pour l'instant que la majorité constitutionnelle à la nouvelle Douma sera formée par Russie unie et Russie juste, deux partis qui doivent leur existence au locataire du Kremlin. Dans ce contexte, une structure pourrait naître qui regrouperait Russie unie, Russie juste et tous les autres partis au sein d'une seule et même structure, genre Conférence consultative politique du peuple chinois, qui fut d'ailleurs dirigée en 1978-1983 par Deng Xiaoping. Ainsi, les Russes auront à la fois un président chef d'Etat et un leader politique réel en la personne de Vladimir Poutine.

(Auteur: Vitali Ivanov, vice-directeur du Centre russe de la conjoncture politique)

Nezavissimaïa gazeta

Le Kosovo, pierre d'achoppement dans les rapports entre l'Occident et la Russie

Le problème du Kosovo sera probablement une pierre d'achoppement dans les rapports entre l'Occident et la Russie. Nombreux sont ceux en Occident qui pensent que la Russie n'a et ne peut avoir d'intérêts géopolitiques dans les Balkans après la guerre otanienne de 1999. L'Occident suppose qu'en s'indignant de l'octroi de son indépendance au Kosovo, la Russie ne défend pas, en réalité, les intérêts de la Serbie, mais qu'elle commence un marchandage autour des conflits ethno-territoriaux dans l'espace postsoviétique.

Jusque-là, les déclarations russes, selon lesquelles le précédent du Kosovo serait un exemple pour le règlement des conflits dans d'autres régions, ne suscitaient aucune réaction. Mais le discours de Vladimir Poutine à Munich a dégrisé de nombreux esprits. Ce discours a probablement tracé une nouvelle "ligne rouge" qui, du point de vue de la Russie, ne doit pas être traversée par l'Occident pour éviter de provoquer la colère et l'indignation de Moscou.

Avant la récente escalade des rapports avec la Russie, l'Union européenne pensait qu'elle parviendrait à régler elle-même le problème du maintien de la paix dans l'espace postsoviétique, même sans la participation de la Russie, qu'elle mettrait un terme aux conflits interethniques en Abkhazie, en Ossétie du Sud, au Nagorny-Karabakh et en Transnistrie. D'aucuns aux Etats-Unis comptaient peut-être effectuer des opérations de paix en Géorgie et en Transnistrie avec l'aide de l'OTAN. On peut supposer que, si la coalition "orange" détenait toujours le pouvoir en Ukraine, le problème de l'admission de l'Ukraine et de la Géorgie à l'OTAN aurait été réglé positivement au récent sommet de l'OTAN à Riga.

A présent, la situation a considérablement changé, semble-t-il. La géopolitique en Europe change à vue d'oeil, tout d'abord, en raison du facteur pétrogazier. L'Union européenne dépend de la Russie comme jamais dans le domaine énergétique. Les stratèges de l'UE réfléchissent au dilemme suivant : s'entendre avec la Russie sur la stabilité des livraisons de gaz et de pétrole, ou bien prendre un risque et entreprendre des actions dans l'espace postsoviétique. De toute évidence, l'Occident obtiendra l'indépendance du Kosovo. Mais la Russie gagnera du temps pour essayer de régler dans ses propres intérêts les conflits ethno-territoriaux dans les pays de son "proche étranger".

(Auteur: Alexander Rahr, directeur des programmes pour la Russie et les pays de la CEI du Conseil allemand pour la politique étrangère)

Gazeta

Un bouclier antimissile russe pour le ciel arabe

Partie à la conquête du marché de l'armement du Proche-Orient, du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord, la Russie mise sur les armements terrestres et antiaériens. Cette région représente près d'un tiers du marché mondial de l'armement, dont le chiffre d'affaires annuel est évalué par le Centre d'analyse des stratégies et des technologies (Tsast) à 50 milliards de dollars. Les armements antiaériens n'en représentent que 5 milliards, autant que les armements terrestres.

43 entreprises regroupées sous l'enseigne de Rosoboronexport, exportateur officiel d'armements russe, sont venues exposer leurs produits à l'occasion du VIIIe salon international IDEX-2007 qui a ouvert ses portes dimanche à Abou Dhabi et où rivalisent une cinquantaine de pays.

"Les Arabes manifestent traditionnellement leur intérêt pour nos blindés légers, nos systèmes de défense sol-air et nos armes spéciales", explique le directeur du Tsast, Rouslan Poukhov. En 2006, les équipements antiaériens ont représenté 21,6% des ventes d'armements russes.

Se fondant sur les données ouvertes, les experts du Tsast évaluent le chiffre d'affaires des exportations militaires russes en 2006 à 3,86 milliards de dollars. En revanche, à la fin de l'année dernière, le directeur du Service fédéral de la coopération technico-militaire, Mikhaïl Dmitriev, indiquait ceci: "En 2006, sur le plan des exportations de produits à vocation militaire, nous allons sûrement déboucher sur 6 milliards de dollars".

Selon M. Dmitriev, les fournitures d'armements antiaériens doivent se chiffrer à plus de 1,2 milliard de dollars, et ce chiffre semble exact. 780 millions de dollars ont déjà été versés par l'Iran pour une livraison de batteries de missiles sol-air Tor-M1, auxquels s'ajouterait la fourniture, non confirmée jusqu'à présent, de 6 batteries de missiles sol-air Toungouska à la Syrie et de 6 autres au Maroc pour un montant global de 200 millions de dollars, sans oublier la modernisation des systèmes d'armes antiaériens Kvadrat et Petchora en Egypte et des systèmes Petchora en Iran.

Dans l'idéal, la Russie souhaiterait pouvoir entièrement protéger le ciel arabe avec ses moyens de défense sol-air. "L'important est de se tailler un créneau sur le marché de l'Arabie saoudite, client traditionnel des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne et de la France", souligne le vice-directeur du Tsast, Konstantin Makienko. Or, le succès semble dépendre moins de la qualité des armements russes ou de leurs prix avantageux que des préférences politiques de la clientèle. "Tous les marchés mondiaux de l'armement sont politiques, et les marchés arabes à plus forte raison", résume M. Makienko.

RIA Novosti décline toute responsabilité quant au contenu des articles tirés de la presse.

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