Les conséquences écologiques d'une éventuelle frappe contre l'Iran

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Par Iouri Israël, directeur de l'Institut de climatologie et d'écologie mondiales et membre de l'Académie russe des sciences, et Alexeï Riabochapko, physicien-mathématicien, en exclusivité pour RIA Novosti
Par Iouri Israël, directeur de l'Institut de climatologie et d'écologie mondiales et membre de l'Académie russe des sciences, et Alexeï Riabochapko, physicien-mathématicien, en exclusivité pour RIA Novosti

En dissertant sur les éventuelles conséquences d'une frappe contre l'Iran, il apparaît judicieux d'examiner deux catégories de sites dont la destruction pourrait poser un problème écologique d'envergure régionale. Ce sont, d'une part, des entreprises fabriquant des matières radioactives et leurs entrepôts et, de l'autre, des entreprises du secteur pétrolier, y compris des puits, des raffineries et des réservoirs de grande capacité.

Tout d'abord, il faut comprendre combien l'Iran possède de réacteurs nucléaires. A en croire les sources d'information ouvertes, le pays ne dispose pas de réacteurs nucléaires en activité. Des spécialistes russes sont en train de construire la première pile à Bouchehr, au bord du Golfe persique, mais celle-ci reste vide à défaut de fournitures russes de matières fissiles.

Cependant, on trouve en Iran au moins une pile piscine de recherche à eau légère d'une capacité de 5 MW construite en 1967 à Téhéran par les Américains. Ce réacteur avait ceci de particulier qu'il utilisait comme combustible de l'uranium militaire hautement enrichi (93%) livré par les Etats-Unis. En 1992, le réacteur a été modernisé pour accueillir de l'uranium enrichi à 20%.

L'Argentine a fourni à l'Iran 100 kg d'uranium enrichi à 20% pour l'utiliser dans ce réacteur. La modernisation du réacteur et le transfert de l'uranium ont été réalisés sous l'égide de l'AIEA. Notons, par ailleurs, qu'au fur et à mesure que le degré d'enrichissement s'approche du niveau militaire cette quantité d'uranium pourrait suffire à fabriquer une "mini-bombe".

Outre le réacteur de recherche, l'Iran a acheté au cours des trente dernières années deux réacteurs en France, six en Allemagne et plusieurs autres en Chine. Il s'agit très probablement de piles de faible puissance fonctionnant en mode impulsionnel pour produire des faisceaux de neutrons.

Conformément aux règles de sécurité internationales, un site nucléaire, que ce soit un réacteur ou un container de déchets hautement radioactifs, doit pouvoir supporter le choc de la turbine d'un avion militaire moderne volant à la vitesse du son. Mais, en cas d'impact direct d'un missile de croisière ou d'une bombe atomique, cette protection sera inévitablement détruite, et il y aura un dégagement de radioactivité dans l'atmosphère. En revanche, en cas de destruction d'une pile piscine dont la zone active, relativement petite, est entourée d'une masse d'eau considérable, il n'y aura ni réchauffement significatif de la zone active, ni combustion de matériaux de construction, ni dégagement de produits radioactifs en grandes quantités dans l'atmosphère.

Il existe un autre scénario moins probable. Si la durée de travail de la pile de recherche est comparable celle du réacteur de Tchernobyl détruit par une explosion en 1986, le rejet primaire de produits radioactifs dans l'atmosphère, en cas de destruction totale, constituera 0,5% de celui émis dans les toutes premières minutes de l'accident de Tchernobyl (50 millions de curies), soit 250.000 curies. Cela risque de provoquer une pollution locale significative, mais en tout cas sans envergure régionale.

Il est logique de supposer que pour empêcher l'Iran d'entrer en possession d'uranium militaire hautement enrichi il faudra avant tout détruire l'usine de centrifugeuses située dans la zone d'Ispahan. A en juger par une déclaration du président iranien Mahmoud Ahmadinejad, l'usine utilise actuellement 3.000 centrifugeuses (même si, jusqu'à récemment, elle était censée en abriter 328 seulement). Supposons que toute la cascade des centrifugeuses ne contient pas plus de 150 g d'uranium à un taux d'enrichissement moyen de 1,5%. L'activité de cette quantité de mélange d'isotopes 235 et 238 sera d'environ 0,00005 curies. Vu la grande superficie occupée par l'usine, en cas de destruction de cette dernière, l'hexafluorure d'uranium sera immédiatement mélangé à une grande quantité d'air. Dans l'atmosphère, l'hexafluorure se solidifiera en se transformant immédiatement en tétrafluorure dont le vent pourrait transporter des aérosols sur une longue distance, mais la concentration d'uranium sera dérisoire et ne présentera aucune menace radiologique. L'explosion n'affectera que le personnel de l'usine.

Il apparaît probable qu'en cas d'agression américaine l'Iran tentera de lancer des missiles sur des sites nucléaires israéliens. Pour cela, Téhéran dispose de suffisamment de missiles de moyenne portée. Le plus grand réacteur nucléaire (150 MW) situé près de Dimona et censé produire du plutonium sera probablement dans la ligne de mire des Iraniens. Une frappe risque de provoquer une riposte israélienne, y compris nucléaire. Selon des experts, Israël possède entre 100 et 300 charges nucléaires sous formes d'ogives et de bombes d'aviation. Ce scénario conduirait à une catastrophe nucléaire d'envergure globale. Il faut noter aussi que l'Etat hébreu est également prêt à des actions préventives contre l'Iran en vue de détruire ses sites nucléaires.

En évaluant les conséquences écologiques dues à la destruction des infrastructures de l'industrie pétrolière iranienne, on peut tracer des parallèles avec la situation au Koweït. Dans ce pays du Golfe, l'armée irakienne en retraite détruisait et mettait le feu aux réservoirs et aux puits de pétrole. La combustion ouverte de pétrole a provoqué le dégagement dans l'atmosphère d'une énorme quantité de suie (jusqu'à 1 million de tonnes, selon des estimations), et l'on a supposé que les dégagements massifs de suie étaient susceptibles d'influer sur le climat.

Cette question a été étudiée par beaucoup de chercheurs avec l'utilisation de moyens terrestres, aériens et spatiaux. L'Organisation météorologique mondiale a ainsi rendu un rapport détaillé sur le sujet (Report of the Second Meeting of Experts to Assess the Response to the Atmospheric Effects of the Kuwait Oil Fires, WMO-81, Geneva, 1992). Après la combustion d'une grande quantité de pétrole sur un territoire restreint, aucun impact sensible sur le climat et l'environnement n'a été enregistré.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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