Présidentielle en France: n'est-il pas temps de changer de système électoral?

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Par Piotr Romanov, RIA Novosti
Par Piotr Romanov, RIA Novosti

Le premier tour de la présidentielle en France n'a pas apporté de surprise. En effet, les deux candidats qui étaient donnés favoris dès le début de la campagne par les sondages d'opinion sont arrivés au second tour: Nicolas Sarkozy avec 31,1% et Ségolène Royal avec 25,8%, qui représentent les traditions droite et gauche de l'électorat français. Pourtant, ils n'en sont pas les pôles, car il y a à la droite de M. Sarkozy encore un personnage bien connu, Jean-Marie Le Pen, et à la gauche de Mme Royal tout un groupe de représentants de la gauche radicale: communistes, trotskistes et verts pour qui l'écologie a cessé depuis longtemps de constituer le thème principal. On ne sait pas si les partisans de Le Pen voteront pour Sarkozy, alors que tous les petits partis de gauche ont d'ores et déjà appelé leurs sympathisants à donner leurs voix à Royal, ce qui augmente ses chances au second tour. Du moins, cela lui donne 11% de voix supplémentaires.

Or, indépendamment de l'identité du vainqueur au second tour qui aura lieu le 6 mai prochain, une chose est claire: la France sera tout autre à l'issue de ces élections. Le puissant pouvoir présidentiel en France la rend extrêmement dépendante de la personnalité du président. La France du général de Gaulle, la France de Mitterrand et la France de Chirac sont des époques entières qui sont très différentes.

Sous la présidence d'une personnalité aussi puissante et originale que Nicolas Sarkozy, la France ne manquera pas non plus de changer. Comme elle changera si pour la première fois de son histoire une femme se retrouve à sa tête. Dans le premier cas, la France deviendra sans doute beaucoup plus dure qu'aujourd'hui dans sa politique intérieure et extérieure. Dans le second, le pays sera peut-être plus doux, plus "arrondi", sans les angles aigus de Sarkozy.

Et on peut déjà affirmer tout cela sans même prendre en compte les convictions politiques de ces deux candidats à la présidence. Je ne parle pour le moment que des différences de personnalité. Néanmoins, les orientations politiques sont parfaitement évidentes. D'une part, une droite traditionnelle pour l'Europe, de l'autre, la social-démocratie, qui l'est tout autant.

Parlons maintenant des choses moins évidentes. Le centriste François Bayrou arrive en troisième position au premier tour, approchant les 20% de suffrages exprimés. Il est cependant très significatif que, selon les sondages, si Bayrou était arrivé au second tour, il aurait battu n'importe quel autre candidat, tant de droite que de gauche. Autrement dit, il est cette figure de compromis (ce juste milieu) qui arrangerait la plupart des Français. Je ne sais pas quel président ferait Bayrou en réalité, mais il est tout à fait clair qu'au départ son positionnement politique est préférable à celui de Sarkozy ou de Royal. Les deux leaders actuels dans la course présidentielle divisent le pays en droite et gauche, alors que Bayrou, lui, réunit la nation française.

Il est temps de reconnaître que le système électoral adopté par le monde démocratique d'aujourd'hui est en réalité loin d'être aussi démocratique qu'il n'y paraît. Si la démocratie ne veut pas devenir tout à fait rigide mais entend effectivement respecter l'opinion de la minorité, elle doit bien réfléchir aux leçons de ces élections en France. Toutefois, le terme même "minorité" est plutôt relatif, car François Bayrou a quand même recueilli 20% des voix, ce qui constitue une part considérable des citoyens français. Or, la vraie tâche de la démocratie ne consiste pas tant à désigner un vainqueur dans la course présidentielle qu'à trouver le leader qui convient le plus à tout le pays.

L'actuel système électoral n'y contribue guère. Ce n'est pas un scrutin souple basé sur la cote de popularité des candidats, mais une bataille sans merci entre géants qui laisse derrière un champ politique défiguré, avec des vainqueurs et des vaincus.

Les premiers sont, en règle générale, certains de pouvoir faire au début tout ce qu'ils veulent à la tête de l'Etat, alors que les seconds n'acceptent guère la nouvelle politique et se mettent tout de suite à fourbir leurs armes, se préparant à une nouvelle bataille.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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