Le Glonass: entre discours et réalité

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Par Iouri Zaïtsev, membre de l'Académie russe des sciences techniques, pour RIA Novosti
Par Iouri Zaïtsev, membre de l'Académie russe des sciences techniques, pour RIA Novosti

Le Système global de navigation par satellite (Glonass) est l'un des points centraux du débat sur les moyens à mettre en oeuvre en vue d'améliorer l'efficacité des activités spatiales de la Russie. Son lancement a été défini par Vladimir Poutine comme une priorité nationale. Lors d'une réunion du bureau du Conseil d'Etat à Kalouga, au sud-ouest de Moscou, le président russe a espéré que le réseau satellitaire national serait opérationnel à partir de 2007.

Le premier vice-premier ministre russe Sergueï Ivanov a pour sa part déclaré que, d'ici à la fin de l'année en cours, le groupe orbital du Glonass compterait au moins 18 satellites opérationnels. D'après lui, cette quantité suffit pour couvrir le territoire russe à 100%.

Le 9 avril, lors de l'inauguration à Moscou de l'International Satellite Navigation Forum, le patron de l'Agence spatiale russe (Roskosmos), Anatoli Perminov, a souligné: "Nous envisageons de lancer en 2007 six appareils spatiaux modernisés et de compléter, d'ici 2009, la constellation de 24 satellites. Le système pourra alors être exploité dans le monde entier".

La réalité, hélas, diffère fortement du discours officiel. Aujourd'hui, selon le Centre russe de contrôle des vols spatiaux, le groupe orbital du Glonass compte au total 19 appareils, dont seulement 12 sont opérationnels. Ajoutons-y un satellite qui est en train d'être mis en service et trois autres qui subissent un entretien en orbite. Théoriquement, sans compter les nouveaux lancements, le nombre total de satellites opérationnels pourrait donc s'élever à 16.

Or, seulement 7 de ces satellites sont des appareils modernisés de la famille Ouragan-M, tandis que la durée de vie active des 9 autres engins a expiré ou arrive à expiration.

En d'autres termes, d'ici fin 2008, les vieux appareils ont toutes les chances de cesser de fonctionner. Il est donc fort probable que la Russie soit amenée à lancer 17 nouveaux satellites avant fin 2009, ce qui demande un calendrier de lancements très dense.

Enfin, le lancement des appareils n'est qu'une partie du problème: il faudra encore des mois et des mois pour les mettre en marche. A titre d'exemple, on peut citer l'un des trois satellites lancés en décembre dernier, qui est considéré jusqu'à présent comme étant "en cours de mise en service". Certains satellites n'ont commencé à fonctionner que huit mois après leur lancement.

Quoi qu'il en soit, le président russe ayant prescrit le déploiement d'une constellation orbitale de 24 satellites d'ici 2009, on maintient en orbite de vieux satellites en les retirant provisoirement du service pour prolonger leur durée de vie. Quand l'heure viendra, on déclarera que le système est enfin complet et peut être utilisé à l'échelle mondiale.

Pourtant, rien n'est moins sûr. La constellation du Glonass doit être répartie en trois plans orbitaux de huit satellites chacun. Le GPS américain compte également 24 satellites plus 5 appareils de réserve. En perspective, le système de navigation américain doit relever le nombre de ses appareils opérationnels à 48. Le réseau satellitaire russe, lui, est dépourvu de satellites de réserve, et ses appareils sont régulièrement retirés du service pour des travaux d'entretien. Jamais, depuis 1995, la constellation du Glonass n'a fonctionné dans sa totalité: il n'est donc pas question qu'elle puisse fonctionner à l'échelle mondiale.

Autre problème: sur les 24 satellites que comptera le Glonass, un se situera sur l'horizon et sera souvent invisible, car le relief du globe n'est pas forcément plat. S'il suffit de 18 satellites pour desservir les équipages des navires en haute mer et des avions en vol, l'attente serait d'environ deux heures pour la plupart des autres usagers.

Par voie de conséquence, la quasi-totalité du marché russe des services de navigation appartient au GPS américain, et la situation a peu de chances de changer dans les cinq à dix ans à venir. Selon le ministre russe des Transports, Igor Levitine, près de 1.200 appareils des compagnies aériennes russes sont équipés de dispositifs de navigation, dont 92% sont connectés au GPS et seulement 8% au Glonass.

Supervisé par le premier vice-premier ministre Sergueï Ivanov, le développement du système national de navigation par satellite relève de la compétence des Forces spatiales et de Roskosmos. Toutefois - et le président Vladimir Poutine l'a constaté à juste titre - personne n'assume la responsabilité des résultats définitifs, en particulier en ce qui concerne le segment terrestre du système. La fabrication des dispositifs à l'intention des usagers pose nombre de difficultés, leur production en série n'étant toujours pas lancée.

Cette situation rappelle on ne peut mieux le sort du système de recherche et de sauvetage Cospas-Sarsat. Son segment spatial a été entièrement déployé dès 1995, alors que personne n'avait pensé à équiper les usagers des appareils nécessaires. A l'heure actuelle, près de 660.000 bouées radio de secours sont exploitées à travers le monde. En Russie, les avions qui en sont équipés se comptent seulement par centaines. Comme par le passé, il faut parfois des mois pour retrouver un avion qui s'est abattu en pleine taïga ou toundra.

Il faut donc se résigner à l'idée que le Glonass ne peut entièrement être mis en service avant 2010-2011 et cesser tout débat au sujet des 18 satellites: personne en Russie n'a aujourd'hui besoin d'un réseau satellitaire aussi restreint.

En 2009-2010, la Russie commencera à lancer des satellites de la famille Ouragan-K conçus sur la base de la nouvelle plate-forme non pressurisée Express-1000 et dotés d'un troisième canal supplémentaire pour améliorer la fiabilité et la précision de la navigation. L'Ouragan-K sera deux fois plus léger que son prédécesseur Ouragan-M. Actuellement orbitalisé par le lanceur Proton, lourd et cher, il pourra être lancé par la fusée Soyouz-2 susceptible de mettre en orbite deux satellites à la fois depuis le centre spatial de Plessetsk, dans le nord de la Russie. Au total, on espère orbitaliser jusqu'à 27 appareils de ce type pour les exploiter jusqu'en 2025.

A l'avenir, le système de navigation russe reposera sur les satellites Ouragan-KM dont les caractéristiques techniques sont actuellement à l'étude, leurs tests en vol devant débuter en 2015.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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