Où conduira le choix des Français?

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Par Vitali Dymarski, membre du Conseil des experts de RIA Novosti
Par Vitali Dymarski, membre du Conseil des experts de RIA Novosti

Le feuilleton politique français, dont les protagonistes étaient un homme et une femme, ne rappelait nullement le film éponyme de Claude Lelouch. L'élection présidentielle qui s'est achevée dimanche dernier ne rappelait pas non plus un thriller, car elle manquait de suspense. Comme l'avaient prédit tous les sondages, le grand favori Nicolas Sarkozy a recueilli au second tour plus de 53% des voix, devançant largement sa rivale Ségolène Royal. Mais la fin de l'élection présidentielle ne signifie pas que la vie politique en France sera mise en veilleuse.

Selon les critères de la démocratie russe, la victoire remportée par Nicolas Sarkozy sur Ségolène Royal est peu convaincante : une marge de 6% constitue en Russie une différence mathématique. Mais dans les conditions des procédures démocratiques françaises (et ailleurs), ce décalage est perçu par la classe politique comme une défaite des socialistes. D'ailleurs, ils partagent ce point de vue. Aussitôt après l'annonce des résultats du vote, les leaders du Parti socialiste ont évoqué la nécessité de changer de tactique, de promouvoir des leaders nouveaux, même de changer de repères idéologiques.

En fait, toute la campagne électorale s'est déroulée en France sous le signe des promesses de changements rapides faites aux électeurs potentiels par tous les 12 candidats qui ont participé à la course présidentielle. Mais le plus de promesses, concernant en premier lieu la politique sociale, ont été faites par les deux candidats parvenus en finale : Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal.

Dimanche soir, dans son premier discours en qualité de vainqueur de l'élection, Nicolas Sarkozy a promis de "rompre avec le passé", ce passé qui l'a promu au rang de candidat à la présidence.

Effectivement, il y a des choses à abandonner. A la différence de ses nombreux voisins européens, la France tarde à procéder à sa modernisation, elle reste attachée aux thèses sociales et économiques du gaullisme : la priorité de la propriété publique et le système de protection sociale fondée sur la dépense.

Au cours de ses 12 années de présidence, Jacques Chirac, qui a cessé de se dire "gaulliste" pour devenir "néogaulliste", n'a pas réussi à s'arracher à cet état de choses. La moindre tentative d'attenter aux "acquis sociaux" provoquait une explosion du courroux des Français qui refusaient de perdre d'immenses indemnités et autres allocations. Les grèves et les manifestations ont paralysé le pays à la fin des années 90 du siècle dernier, lorsque la droite (les gaullistes) arrivée au pouvoir n'a fait qu'annoncer son intention de réduire la pression des versements sociaux sur les finances de l'Etat. Naturellement, le budget n'a pu et ne peut pas supporter un tel fardeau, c'est pourquoi la dette publique a atteint aujourd'hui une somme astronomique.

Nicolas Sarkozy pourra-t-il faire ce qui a été impossible pour son prédécesseur? En tout cas, il ne réclame plus du "néo-gaullisme". En fait, sans se prononcer publiquement à ce sujet, Nicolas Sarkozy a proposé aux Français un projet libéral complété d'une politique dure à l'égard des immigrés et des mesures aussi dures de sécurité publique.

Lui, qui avait assumé jusqu'à ces derniers temps le poste de ministre de l'Intérieur, avait des choses à montrer à ses électeurs, en premier lieu, la réduction du niveau de criminalité et du nombre des accidents de la route. Nicolas Sarkozy a réussi, bien qu'au prix de violences dans les banlieues de Paris, sinon à venir à bout, du moins à inspirer la crainte aux immigrés illégaux et à réglementer ainsi leur arrivée. A propos, cela lui a valu les voix supplémentaires des nationalistes au second tour, bien que Jean-Marie Le Pen qui dirige depuis longtemps le Front national d'extrême-droite ait invité ses sympathisants à s'abstenir.

Cependant, les répercussions des événements houleux de l'automne dernier, lorsque la foule d'"étrangers" indignés avait incendié des voitures et saccagé des magasins des faubourgs où vivent les immigrés, ont eu lieu dimanche dernier. Des "marches du désaccord" avec l'élection de Nicolas Sarkozy à la présidence en France ont eu lieu dans plusieurs points du pays (y compris la place de la Bastille), mais elles ont rassemblé non pas des centaines, mais des dizaines de mécontents qui ont essayé de compenser leur petit nombre par une agressivité décuplée. Cela a profité à Nicolas Sarkozy, en prouvant au Français moyen la justesse des actions énergiques du futur président (la passation du pouvoir de Jacques Chirac à Nicolas Sarkozy aura lieu le 16 mai) contre les immigrés qui ne font, selon lui, que profiter de la France sans rien lui donner.

Les législatives auront lieu dans cinq semaines en France. Aussi bien les perdants (les socialistes et les centristes avec à leur tête François Bayrou qui a occupé la troisième place au premier tour de la présidentielle) que, bien entendu, les vainqueurs, l'Union pour un mouvement populaire de Nicolas Sarkozy, ont l'intention d'y participer.

En ce qui concerne les socialistes, la question principale est de savoir s'ils laisseront Ségolène Royal au poste de leader au cours du vote de juin. D'une part, la tradition politique veut que le perdant quitte la scène, ne serait-ce que temporairement. D'autre part, Ségolène Royal ne peut pas être considérée comme "perdante". Parmi les socialistes où "les divergences et les chancellements" entre divers courants et les ambitions personnelles des leaders sont observées depuis plusieurs années, il ne s'est pas trouvé une figure capable d'assurer l'unification et qui puisse concurrencer Nicolas Sarkozy. Ségolène Royal a, en fait, assumé seule cette tâche difficile en entendant plus de reproches de la part de ses camarades de parti que de ses concurrents politiques. Dans ces conditions, elle a tout de même réussi à se comporter plus ou moins dignement en arrivant au second tour (à la présidentielle de 2002, les socialistes n'y étaient pas parvenus, en le cédant à Jean-Marie Le Pen).

Les centristes deviennent un nouveau facteur de la politique française. Dans les années précédentes, ils étaient alliés des gaullistes et ne prétendaient pas à un rôle particulier. François Bayrou - qui est, sans conteste, une découverte de la récente élection - a également décidé de "rompre avec le passé" et s'est présenté comme candidat indépendant en recueillant 18% des voix au premier tour, résultat qui peut en faire un arbitre entre la gauche et la droite au futur parlement.

Les socialistes et les centristes ont, pour l'instant, un argument commun qu'ils avanceront probablement aux électeurs avant le vote de juin : il est inadmissible, estiment-ils, d'accorder tout le pouvoir - exécutif et législatif - à une seule force politique. "La première loi de la démocratie c'est que tout pouvoir doit avoir son contre-pouvoir", a déclaré François Bayrou en commentant les résultats de l'élection. Et d'ajouter: "Je le dis à Nikolas Sarkozy: le pouvoir absolu, cela paraît être un confort, on peut décider ce qu'on veut, il n'y a personne pour s'y opposer, mais cela c'est l'apparence. Car il n'y a personne pour vous empêcher de vous tromper". "Il faut équilibrer le pouvoir", a résumé François Bayrou, ne cachant pas qu'il avait en vue les prochaines élections législatives.

Quelle sera l'issue à cette collision du triangle politique où il ne s'agit pas d'amour? Les électeurs français, prêteront-ils l'oreille aux paroles des socialistes et des centristes, ou bien, se souvenant de la coopération inefficace entre le président de la droite Jacques Chirac et le premier ministre de la gauche Lionel Jospin dans la deuxième moitié de la dernière décennie, confieront-ils tout de même les deux branches du pouvoir à une seule force politique?

Les réponses à ces questions relèvent-elles du suspense?

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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