Ce qui se cache derrière les événements au Liban

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Par Marianna Belenkaïa, RIA Novosti
Par Marianna Belenkaïa, RIA Novosti

La situation au Liban suscite plus de questions que de réponses. L'une des questions est de savoir si la nouvelle aggravation de la situation dans le pays est provoquée par la soumission au Conseil de sécurité de l'ONU d'un projet de résolution instituant, sans le feu vert du parlement libanais, un tribunal chargé d'élucider le meurtre de l'ex-premier ministre Rafic Hariri. La réponse à cette question revêt une importance de principe aussi bien pour Beyrouth que pour Damas.

Le lien entre les derniers événements au Liban et le projet de résolution susmentionné est on ne peut plus évident. Le 17 mai dernier, les auteurs du texte (Etats-Unis, Grande-Bretagne et France) le diffusent parmi les membres du Conseil de sécurité. Le 20 mai, une confrontation sans précédent se déchaîne dans le nord du Liban entre l'armée libanaise et un groupe du Fatah al-Islam retranché dans le camp de réfugiés palestinien de Nahr al-Bared. Le même jour, une bombe explose dans un quartier chrétien de Beyrouth. Le 21 mai, une explosion se produit dans un quartier à majorité musulmane de la capitale. S'agit-il d'une coïncidence ou de visées intentionnelles?

Rappelons que la Russie avait plus d'une fois averti que la mise en place d'un tribunal dans la hâte, voire sans consensus au sein de la société libanaise, aggraverait la situation dans le pays. Tout en constatant avec les autres membres du Conseil de sécurité de l'ONU la nécessité du tribunal, elle avait proposé d'attendre jusqu'à ce que l'opposition libanaise et la coalition du 14 mars au pouvoir parviennent à un compromis. Six mois plus tard, las d'attendre, le gouvernement libanais a demandé à l'ONU de créer un tribunal sans l'approbation parlementaire, ce qui a provoqué le mécontentement de l'opposition.

En redoutant que les choses n'empirent, la Russie préfère prendre du temps. D'autant plus que la mise en place du tribunal n'a en soi rien d'urgent. Menée par la commission internationale sous la présidence de Serge Brammertz, l'enquête sur le meurtre de Rafic Hariri suit son cours. Le mandat de cette commission a été prolongé jusqu'à l'été 2008. Qui est-ce que jugera le tribunal, si l'enquête se poursuit? Enfin, il est peu probable qu'un tribunal puisse intimider ceux qui sont réellement derrière les attentats du Liban et prévenir de nouvelles tragédies. L'effervescence autour du tribunal relève plutôt du jeu politique et n'a rien à voir avec la recherche des véritables assassins de Rafic Hariri. Toujours est-il que la situation qui s'est créée devient un facteur explosif pour le Liban, et non seulement.

Ainsi, les responsables de la coalition du 14 mars au pouvoir ont traditionnellement accusé la Syrie d'implication dans les explosions de Beyrouth et les événements de Nahr al-Bared. Ils affirmaient que le Fatah al-Islam serait lié aux services secrets syriens et s'en servirait pour déstabiliser la situation au Liban en vue d'empêcher la création d'un tribunal international pour traduire en justice les assassins de Rafic Hariri. On sait que des représentants de l'administration syrienne sont soupçonnés d'avoir organisé le meurtre. Damas dément, comme il réfute tout lien avec le Fatah al-Islam. Du moins, aucune preuve ne l'atteste pour l'instant, hormis quelques témoignages selon lesquels des commandos du groupe (qui réunit des ressortissants de nombreux pays musulmans) seraient arrivés au Liban en provenance de Syrie. En effet, cela est insuffisant pour démontrer le lien entre le tribunal, Damas et les événements au Liban.

La pratique montre que toute nouvelle aggravation de la situation au Liban pousse à l'action les partisans de la mise en place rapide du tribunal. Les appels de Moscou à prendre du temps ont peu de chances d'aboutir. Tout porte à croire, d'ailleurs, que Moscou ne s'opposera pas à la résolution. "Nous ne pouvons pas nier la nécessité du tribunal. La seule chose à laquelle nous nous opposons est que le tribunal soit instrumentalisé dans les règlements de comptes", a indiqué à RIA Novosti une source informée sous le couvert de l'anonymat. Si la résolution finit par être adoptée, a poursuivi la source, la Russie fera de son mieux pour "éviter l'instrumentalisation" du tribunal. Pour l'instant, la situation ne vaut pas la peine d'attiser les tensions avec qui que ce soit.

Il se trouve ainsi que la Syrie n'y gagne rien et que la situation autour d'elle ne cesse de s'aggraver.

La Syrie est depuis longtemps accusée de transférer des terroristes en Irak. Désormais, il en va de même du Liban. Si l'on n'oublie pas que le Fatah al-Islam serait lié non seulement aux services secrets syriens, mais aussi à Al-Qaida et à sa représentation irakienne Jaysh al-Islam, les accusations contre Damas sont plutôt sérieuses. Mais y a-t-il des preuves réelles établissant un lien entre le régime syrien et Al-Qaida?

Or, les terroristes pourraient en effet se servir de la Syrie en tant que pays de transit. Mais quel est le degré d'implication de l'Etat? Ainsi, des terroristes s'infiltrent aussi en Irak en provenance d'Arabie saoudite, mais l'Occident et, en particulier, les Etats-Unis ne sont pas pressés d'accuser les autorités saoudiennes de soutenir le terrorisme. Du moins, aujourd'hui. La situation est contraire dans le cas de Damas.

On ne sait toujours pourquoi les preuves établissant un lien entre le régime de Bachar al-Assad et les terroristes internationaux en Irak et désormais au Liban, si elles existent, n'ont pas été soumises au Conseil de sécurité de l'ONU. D'ailleurs, Damas a plus d'une fois appelé l'administration de l'Irak et des Etats-Unis à présenter les données sur les intrus provenant du territoire syrien. Pas de réponse. Qu'est-ce qui est donc plus important pour Washington: la coopération antiterroriste réelle ou le renversement du régime syrien? Une autre question qui se pose est de savoir si le président syrien Bachar al-Assad contrôle réellement la situation dans le pays pour empêcher d'intrusion de terroristes vers des pays voisins. Cette question est réellement très importante pour la communauté internationale qui veut savoir qui est responsable de quoi en Syrie, et qui le sera à l'avenir. Pourvu que soit évitée l'erreur irakienne, quand le renversement du régime de Bagdad a fait de l'Irak une nouvelle base d'Al-Qaida.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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