Le conflit interpalestinien et la Russie

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Par Piotr Romanov, RIA Novosti
Par Piotr Romanov, RIA Novosti

Les derniers événements dans la bande de Gaza, le déchaînement de la terreur et de la violence, la division de la société palestinienne qui en résultera, l'état d'urgence décrété par Mahmoud Abbas dans les territoires sous contrôle de l'Autorité palestinienne et finalement la mise en place d'un nouveau gouvernement, tout cela prouve que la mission de médiation dont la Russie s'était chargée dans ses contacts avec le Hamas a échoué. Tout indique que la visite du Kremlin dans toute sa splendeur n'a guère civilisé la direction de cette organisation islamiste. Rappelons effectivement que lors de sa visite à Moscou, la délégation du Hamas a également été invitée à visiter le Kremlin.

Or, un tel résultat était facile à prédire dès le début, et cette circonstance est déplorable pour la politique extérieure russe. Comme le montre l'histoire, pratiquement n'importe quelle force, et même les terroristes, peuvent se servir des procédures démocratiques, s'ils s'avèrent suffisamment habiles, mais cela ne les rend évidemment pas efficaces politiquement. Le vieux principe diplomatique qui dit qu'il vaut mieux négocier plutôt que de ne pas le faire n'est pas opérationnel dans des cas pareils car, par définition, le terrorisme n'est pas capable de s'entendre avec qui que ce soit ni sur quoi que ce soit. Par conséquent, il est tout bonnement inutile, sinon néfaste, de se mettre à la table des négociations avec les terroristes. Le terroriste devient encore plus arrogant et se met, par exemple, à achever des blessés sur leurs lits d'hôpital.

On pourrait sans doute arguer que la Russie n'a toujours pas reconnu le Hamas en tant qu'organisation terroriste. Quoi qu'il en soit, après tout ce qui vient de se produire à Gaza, un tel argument ne fait que conforter les doutes quant à la justesse de la ligne politique de la Russie au Proche-Orient.

L'opinion de l'expert indépendant Alexandre Choumiline, directeur du Centre d'analyse des conflits au Proche-Orient (Russie) mérite réflexion: "La direction du Hamas campe fermement sur ses positions. Elle estime sans doute avoir consenti de trop grandes concessions au cours de ses négociations avec l'Arabie Saoudite sur la mise en place d'un gouvernement d'union nationale dans les territoires palestiniens. Elle a de toute évidence jugé qu'elle pouvait diriger seule et en a même reçu l'aval politique et moral de la part de l'Iran et de la Russie. La direction du Hamas en serait également venue à la conclusion qu'elle ne devait pas transiger: a) sur les principes, b) sur la situation politique réelle, en cédant à Mahmoud Abbas comme la direction saoudienne et l'ensemble du monde arabe l'exigeaient".

Ne parlons donc pas de l'éthique, car la politique en tant que telle est une chose suffisamment dure. La question se pose de savoir à quel point une telle politique profite à la Russie?

Force est de reconnaître que la donne est suffisamment évidente, car l'ensemble de la communauté internationale et, ce qui est sans doute le principal, le monde arabe lui-même et d'autant plus sa partie la plus raisonnable se rangent manifestement du côté du Fatah et non du Hamas. Il va sans dire qu'une commission spéciale de la Ligue arabe enquêtera encore, comme cela a été annoncé, au cours du mois qui vient sur les événements à Gaza (finalement les activistes du Hamas n'étaient pas seuls à tirer), mais déjà le fait même que nombre de pays arabes ont reconnu le nouveau gouvernement formé par Mahmoud Abbas montre quelle force palestinienne est considérée comme légitime par l'essentiel du monde arabe et quelle autre force est reconnue comme ayant perdu même toute apparence de légitimité.

Il est évident que pour établir même un semblant de paix dans les territoires palestiniens, on doit en théorie essayer de relancer le dialogue interpalestinien, et le ministère russe des Affaires étrangères y exhorte d'ailleurs invariablement les deux parties au conflit. On peut se limiter à déclarer sa position, mais il en ira tout autrement si Moscou se charge cette fois encore du lourd fardeau d'une médiation directe. Cette mission est notoirement ingrate, sans perspective, et ne promet même pas le moindre avantage à la Russie, sinon des maux de tête. Ainsi il serait beaucoup plus raisonnable de tirer des enseignements du passé et de céder la mission de médiation aux pays arabes ou à n'importe quel acteur voulant tenter sa chance sur le champ de mines proche-oriental.

Somme toute, nul ne contestera que le Hamas représente aujourd'hui une force réelle dans la région. Mais même une force réelle peut être traitée tout à fait différemment. On peut essayer de la pacifier, soit on peut s'y opposer, soit on peut tenter de la transformer progressivement. En théorie, cette dernière variante est possible (l'exemple en est Yasser Arafat), mais elle demande du temps, des forces et des moyens.

Toujours est-il que la tentative de pacifier le Hamas a échoué. Pour ce qui est de l'opposition au Hamas, la Russie en est capable, mais seulement au sein d'une coalition puissante et influente. Quoi qu'il en soit, la transformation du Hamas ne peut constituer un axe prioritaire de la politique extérieure de la Russie, car cette dernière a grand besoin de ces forces et de ces moyens pour parvenir à d'autres objectifs de loin plus importants.

Il serait préférable pour la Russie de ne s'occuper exclusivement que du problème palestinien dans le cadre du Quartette de médiateurs internationaux pour le règlement au Proche-Orient. Cela lui permettrait de suivre de près la situation au Proche-Orient, tout en gardant la distance nécessaire, car courir sur le no man's land pendant un échange de tirs n'est pas le plus raisonnable des passe-temps.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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