Y a-t-il encore une issue à la crise du Kosovo?

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Par Piotr Iskenderov, de l'Institut d'études slaves, pour RIA Novosti
Par Piotr Iskenderov, de l'Institut d'études slaves, pour RIA Novosti

Les diplomates du Groupe de contact international pour le Kosovo se réunissent mercredi à Berlin dans un nouveau format et chargés de nouvelles compétences. Dès la fin de 2005, les représentants de la Russie, des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne, de l'Allemagne, de l'Italie et de la France ont avancé leurs initiatives, qui ont été ensuite débattues au Conseil de sécurité des Nations unies. Après de tels examens, les documents retournaient au Groupe de contact pour finalisation.

Aujourd'hui, la situation n'est plus la même. Vendredi 20 juillet, le Conseil de sécurité a suspendu les discussions concernant le projet de résolution sur l'octroi au Kosovo d'une indépendance sous tutelle internationale rédigé par les Etats-Unis et l'Union européenne. Plus tôt, ce document avait été approuvé par la majorité absolue du Groupe de contact, sauf la Russie. A la différence du Conseil de sécurité, il n'existe pas de droit de veto au sein de cette instance, aussi le texte a-t-il été examiné à l'ONU, mais son adoption n'a pas été possible en raison du blocage russe.

Les auteurs du projet de résolution ont refusé de le mettre au vote après que l'ambassadeur russe aux Nations unies Vitali Tchourkine a déclaré que Moscou n'était prêt ni à soutenir ce document ni à s'abstenir. Les Etats-Unis et leurs alliés européens ont reculé, en chargeant le Groupe de contact de poursuivre les discussions.

Ils ont cependant reculé sur des positions bien préparées. Sur six membres du groupe, cinq insistent sur l'octroi de l'indépendance à la province serbe en dépit de l'opinion de Belgrade. La position de Washington est bien connue. Lundi dernier, la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice a reçu une délégation de séparatistes kosovars conduite par le dirigeant du Kosovo Fatmir Sejdiu. Elle s'est dite convaincue que le Kosovo accèderait tôt ou tard à l'indépendance et que la Maison Blanche était disposée à la reconnaître unilatéralement. Quant aux membres européens du Groupe de contact, ils se proposent d'intervenir au nom de toute l'Union européenne. Bien que tous les membres ne soient pas ravis de voir un Kosovo indépendant, Londres, Paris, Berlin et Rome se prononcent énergiquement pour la séparation de la Serbie de 15% de son territoire.

Les dirigeants de l'Union européenne sont du même avis. Ainsi, le président de la Commission européenne José Manuel Barroso a indiqué que le plan Martti Ahtisaari, envoyé spécial du secrétaire général de l'ONU, et notamment sa disposition clé sur l'indépendance contrôlée du Kosovo, feraient l'objet des discussions ultérieures, bien que le document ait été rejeté par le Conseil de sécurité. Ainsi, tout porte à croire que les Etats-Unis et l'UE tenteront de transformer le Groupe de contact en ersatz de Conseil de sécurité de l'ONU, sans véto russe, pour y faire adopter les résolutions qui les arrangent.

Il faut ici noter que, dans ce contexte, les Nations unies ne renoncent pas au processus de règlement de la crise du Kosovo. Selon les auteurs de la résolution abandonnée, le Groupe de contact ne doit pas tant élaborer les paramètres du statut de la province qu'organiser de nouvelles négociations entre Belgrade et Pristina. En d'autres termes, il est appelé à servir de médiateur "collectif".

Toutefois, les capitales européennes ne sont pas unanimes là-dessus. Par exemple, le chef de la diplomatie allemande Frank-Walter Steinmeier a proposé trois médiateurs, à savoir les Etats-Unis, la Russie et l'UE. D'autres ont demandé que ces compétences soient attribuées au secrétaire général de l'ONU. Le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères Jean Asselborn a estimé que le groupe ne devait pas entamer les discussions avant que Ban Ki-moon ne l'investisse d'un mandat précis.

Dès aujourd'hui, une chose est évidente. Quelles que soient les conclusions du Groupe de contact, elles n'auront pas force de loi, ni pour les Nations unies, ni pour les parties au conflit.

En outre, selon une information officieuse, les diplomates pourraient focaliser leur attention essentiellement sur le rapprochement des positions de Belgrade et de Pristina, vu les profonds désaccords entre la Russie et les autres membres. Toutefois, il serait erroné d'oublier un point important. Les négociations proclamées n'ont aucun sens pour les Albanais, car le plan Ahtisaari leur offre déjà le maximum. Plus précisément, ils auront le droit d'adhérer à l'ONU et à l'Union européenne. Quant à la Serbie, elle ne cherche pas à s'entendre avec les Albanais mais espère que la communauté internationale sera hostile à la création d'un précédent dangereux vis-à-vis des séparatistes du monde entier, et que, finalement, la Russie utilisera son droit de veto au Conseil de sécurité.

Un tel scénario est peu probable mais on ne doit pas le perdre de vue. Les membres du Conseil de sécurité se pencheront sur le statut du Kosovo dès que les discussions entre Belgrade et Pristina auront abouti à un résultat concret. Autrement, les leaders des séparatistes albanais proclameront unilatéralement l'indépendance. La date est déjà fixée, au 28 novembre, fête nationale en Albanie, pays voisin. A partir de ce jour, la situation au Kosovo, et même dans les Balkans, serait totalement imprévisible. Le début d'une annexion forcée de terres autour de la Grande Albanie et de la Grande Serbie, avec un démembrement parallèle de la Bosnie-Herzégovine, de la Macédoine et du Monténégro n'est pas à exclure.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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