L'Iran et l'AIEA de fission en fusion

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Par Tatiana Sinitsyna, RIA Novosti
Par Tatiana Sinitsyna, RIA Novosti

Un groupe d'inspecteurs de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) est arrivé en Iran pour visiter le réacteur à eau lourde d'Arak qui est en chantier dans le centre du pays. Cette fois, les Iraniens se disent prêts à répondre exhaustivement aux questions de l'AIEA concernant les expérimentations sur le plutonium et le programme d'enrichissement de l'uranium.

Il s'agit d'un événement qui promet bien des surprises pour tous ceux qui suivent le vieux contentieux entre Téhéran et "l'inspecteur nucléaire" international. A la mi-juillet, l'Iran a contre toute attente annoncé son intention de renouer les contacts avec l'AIEA. Expliquant cette démarche, le porte-parole de la diplomatie iranienne Mohammad Ali Hosseini a déclaré: "Le dialogue avec l'Occident sur ce problème a acquis un caractère plus réaliste et rationnel".

Les termes de "fission" et "fusion" relevant de la physique nucléaire sont facilement applicables aux relations entre l'Iran et l'AIEA. L'important est que, dans les deux cas, se dégage une énergie colossale qui conduit à la rupture complète des relations dans le premier et donne une impulsion au dialogue dans le second.

Revenons aux réclamations formulées par l'AIEA à l'égard de l'Iran. Fin 2003, le Conseil des gouverneurs de l'AIEA a approuvé une résolution sensationnelle constatant que l'Iran avait caché pendant 18 ans son programme nucléaire à la communauté internationale. D'où les doutes sur la nature civile du programme. Les Iraniens prétendent développer le secteur de l'énergie dans le cadre des règles inscrites au Statut de l'AIEA. L'agence, qui met en doute la transparence des intentions de Téhéran, demande pour ses inspecteurs l'accès aux sites nucléaires iraniens afin de vérifier si ces derniers s'acquittent ou non de missions militaires.

Selon l'AIEA, au moins un tiers des sites secrets iraniens développent des programmes militaires. En outre, les inspecteurs sont préoccupés par les contacts de l'Iran avec le réseau clandestin de trafic de matières premières et de composants pour les centrifugeuses d'enrichissement de l'uranium. On suppose l'existence d'au moins 30 sites nucléaires dispersés à travers le pays, voire enfouis profondément dans la terre.

Dans son "plan d'action", qui a récemment été approuvé à Vienne grâce à un nouveau réchauffement des relations, l'AIEA réclame que sa curiosité pour le programme nucléaire iranien soit entièrement satisfaite. "Aucune question ne doit rester sans réponse", a tranché le directeur général adjoint de l'AIEA, Olli Heinonen.

Dans ce contexte, selon le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, il importe d'éviter une rupture des contacts entre l'Iran et l'AIEA et de parvenir à des résultats pratiques. D'après lui, une fois la nature civile du programme nucléaire iranien démontrée, la communauté internationale pourrait relancer une coopération tous azimuts avec l'Iran, tandis que Téhéran pourrait réaliser pleinement son droit à l'utilisation civile de l'énergie nucléaire.

L'apparition à Arak d'une inspection de l'AIEA suscite, bien sûr, un certain optimisme. Mais aucun expert ne parierait sur la fin rapide du contentieux nucléaire iranien. L'attente sera longue aussi à cause de Washington qui, un jour, a étiqueté l'Iran comme faisant partie de "l'axe du Mal". Forts de l'influence dont ils bénéficient au sein de l'AIEA, en tant que grande puissance et riche contributeur qui assure un quart du budget de l'organisation, les Etats-Unis se soucient avant tout de leurs propres intérêts.

La confrontation farouche avec l'AIEA a fait atterrir le dossier iranien sur la table du Conseil de sécurité de l'ONU qui était prêt à adopter une nouvelle résolution sanctionnant Téhéran, et c'est l'intercession de la Russie et de la Chine qui a sauvé la situation.

La Russie, qui construit à Bouchehr une centrale nucléaire à deux piles, souffre plus que les autres acteurs présents sur la scène iranienne. Les travaux de construction se poursuivent depuis une trentaine d'années. D'abord, les Allemands ont abandonné le projet, presque prêt, à cause de la guerre irano-irakienne (1980-1988). Aujourd'hui, ce sont les Russes qu'on accuse de faire traîner le chantier.

Les spécialistes russes, qui ont succédé aux Allemands, ne savent plus s'ils doivent s'en réjouir ou en pleurer. Sur le plan technique, le projet Bouchehr n'a pas d'équivalents dans le monde, et il a fallu s'évertuer pour concilier les restes des équipements de Siemens avec le réacteur russe VVER-1000. Et voilà que la politique commence à mettre des bâtons dans les roues.

La mise en service de la première centrale nucléaire iranienne, fixée récemment encore à octobre 2007, est à nouveau reportée d'au moins une année. "La centrale de Bouchehr ne sera pas assemblée et lancée avant l'automne 2008, soit une année plus tard que prévu", a déclaré Ivan Istomine, le patron d'Energoprogress, une des compagnies russes engagées dans le projet, avant de reprocher à Téhéran un financement insuffisant.

De leur côté, les dirigeants iraniens du projet accusent la Russie de retarder les livraisons de combustible nucléaire. Or, selon le règlement technique, le combustible ne peut être placé que dans un réacteur achevé six mois avant son lancement effectif.

Qui sait? Peut-être les choses iront-elles plus vite quand les constructeurs russes obtiendront le financement nécessaire et quand les réclamations légitimes de l'AIEA seront satisfaites?

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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