Les principales messageries maritimes russes Sovkomflot et Novoship sont évaluées à 3,37 milliards de dollars. Selon les experts, après leur fusion qui doit avoir lieu avant la fin de l'année, la nouvelle méga-compagnie pourrait être la troisième au monde par le coût de ses actifs et la deuxième, par le jaugeage total.
La décision de créer un puissant holding de navigation a été prise en juin, lorsque le président russe a signé un décret sur la fusion des deux messageries. Un point final a ainsi été mis au débat prolongé entre les partisans et les adversaires de ce projet. Son promoteur principal était le ministère des Transports, avec en premier lieu le ministre Sergueï Frank qui le dirigeait. Il y a trois ans, assumant déjà les fonctions d'assistant du premier ministre, il avait affirmé que cette mesure permettrait de "préserver les positions de la navigation russe dans les conditions de la globalisation de l'économie mondiale".
Ensuite, lorsque Sergueï Frank avait été élu, sur recommandation du gouvernement, au poste de directeur général de Sovkomflot, le projet était entré dans la dernière ligne droite. L'équipe qui se trouvait à la tête de Novoship et qui s'opposait à cette fusion avait été remplacée par de nouveaux dirigeants qui acceptèrent immédiatement ce "mariage". Le plan fut approuvé au ministère du Développement économique et au ministère des Transports, il ne restait alors qu'à régler de petits problèmes d'ordre technique.
Conformément au décret présidentiel, 50,34% des actions de Novoship appartenant à l'Etat seront transmises à Sovkomflot, compagnie publique à 100%. Les deux messageries resteront des personnes morales indépendantes, mais elles agiront désormais conjointement, en délimitant leurs "sphères d'influence" et en travaillant d'après des projets communs. L'un d'entre eux a été présenté en juin: le programme de construction de pétroliers-navettes arctiques. La première "navette" est déjà en construction aux chantiers navals de l'Amirauté de Saint-Pétersbourg.
La flotte commune de la nouvelle compagnie comptera 113 navires. Le carnet de commandes pour les trois prochaines années en compte encore 32, essentiellement des pétroliers, ainsi que quelques méthaniers capables de naviguer dans les glaces. On peut être certain que le transport des hydrocarbures du plateau continental arctique sera l'un des principaux objectifs de cette escadre.
Les gisements de pétrole et de gaz se trouvant dans l'Océan Arctique représentent le principal espoir de la Russie et du monde entier qui entre actuellement dans une nouvelle crise énergétique, probablement la plus grave dans l'histoire. Cependant, selon les estimations des experts de l'ONU, le plateau continental de cet océan recèle 140 à 180 milliards de tonnes d'hydrocarbures. Il est vrai, un groupe de chercheurs internationaux affirme, dans son rapport sur "L'avenir de l'Arctique", que la quantité n'est que de 30 milliards de tonnes. Mais il s'agit des réserves déjà prospectées qui suffiront pour longtemps.
Selon les estimations des scientifiques rendues publiques lors de la récente conférence mondiale sur le pétrole à Houston, 69% des gisements de gaz se trouveraient dans l'Arctique russe. Nous devons faire valoir nos droits sur une partie considérable de ce territoire, mais apparemment la Russie réunit déjà des forces pour entamer la conquête du Nord sans attendre le verdict de la commission des limites du plateau continental de l'ONU.
Ainsi Gazprom, qui s'est enfin entendu avec ses partenaires étrangers - le groupe français Total et la compagnie norvégienne StatoilHydro - sur l'exploitation du gisement de Chtokman, doit créer une compagnie mixte avant la fin de l'année. L'usine Sevmach de Severodvinsk a déjà commencé la construction de plates-formes de forage en mer pour le compte de Gazprom. La messagerie maritime de Mourmansk, qui dispose d'une flottille de brise-glaces sans pareille attribuée par l'Etat, étend son réseau de terminaux pétroliers dans les ports arctiques. Transneft construit un pipeline Sibérie orientale - Pacifique et prévoit d'en construire un autre, le long du littoral de la mer de Barents.
Un rôle particulier est réservé sur ce plan à la nouvelle compagnie de navigation, car elle dispose de la plus grande flotte moderne de pétroliers en Russie. A ce propos, elle a été complétée ces jours-ci par deux méthaniers. Ces navires exporteront, pendant les 20 prochaines années, des matières premières provenant du gisement Sakhaline-2 placé l'année dernière sous le contrôle de Gazprom. La direction du port de Prigorodnoïé, destiné au transport de gaz, sera assumée par une coentreprise en voie de création entre Sovkomflot et l'opérateur du projet Sakhalin Energy. La société Baltic LNG, fondée également dès 2005 par cette compagnie avec le monopole russe du gaz, construira une usine de liquéfaction de gaz à Primorsk.
Il y a d'autres plans arctiques prometteurs. Sovkomflot a également conclu des accords avec Sevmorneftegaz sur le transport du pétrole provenant du gisement Prirazlomnoïe, avec Narianmarneftegaz, sur le transport du terminal de Varandei et avec Rosneft, sur les services conjoints à rendre aux projets prévus sur le plateau continental.
Qui plus est, un représentant du holding fera partie du conseil des directeurs de la Corporation de navigation unie en voie de formation, car le placement de commandes aux chantiers navals nationaux est l'une des conditions obligatoires de la fusion. D'après les estimations des spécialistes, il faudra, vers 2015, 100 nouveaux navires spéciaux pour le transport des matières premières provenant des gisements se trouvant sur le plateau continental de la Russie.
La fusion des deux compagnies de navigation, qui représente l'une des plus grandes transactions de l'année, s'inscrit entièrement dans la politique des dirigeants actuels du pays visant à revoir et à consolider les biens de l'Etat. Il est vrai, comme le prouve l'histoire, que l'Etat n'est pas toujours un propriétaire efficace.
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