Coopération russo-chinoise: à qui profite cette mésalliance?

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Par Vlad Grinkevitch, RIA Novosti
Par Vlad Grinkevitch, RIA Novosti

Les Russes et les Chinois sont à nouveau "frères pour l'éternité": des Années d'amitié réciproques se tiennent en Russie et en Chine, des entrepreneurs des deux pays signent des contrats d'une valeur de plusieurs millions de dollars. Mais la Russie ne peut désormais plus appeler avec condescendance son voisin de l'Est son "frère cadet". Bien au contraire. Le caractère de la coopération économique entre les deux pays est évident: la Russie devient le fournisseur de matières premières de la Chine et le marché d'écoulement de produits finis chinois. Cet aspect particulier de l'amitié russo-chinoise saute aux yeux, aussi bien aux experts qu'aux fonctionnaires russes qui appellent à changer la situation. Il est vrai que pour l'instant, ils n'ont pas trouvé les moyens de le faire.

Des problèmes dans l'amitié russo-chinoise ont débuté au printemps dernier, au moment de l'ouverture de l'Année de la Chine en Russie. On peut à présent en dresser un premier bilan: le Deuxième forum économique russo-chinois a pris fin le 7 novembre. La cérémonie de clôture de l'Année de la Chine, qui n'a duré que sept mois, avait eu lieu un jour plus tôt. Les avis de nos fonctionnaires sur les résultats de cette coopération ne peuvent être qualifiés autrement que d'exaltés. "Je tiens à souligner que les rapports entre la Russie et la Chine ont atteint un niveau sans précédent", a affirmé le premier ministre russe Viktor Zoubkov. A première vue, il y a effectivement des raisons de se féliciter: au cours du forum, des compagnies russes et chinoises ont décidé de signer des contrats pour un montant total de 3 milliards de dollars tandis que le chiffre d'affaires des échanges commerciaux entre les deux pays promet de dépasser les 40 milliards de dollars en 2007 et d'atteindre, au cours des prochaines années, 60 à 80 milliards de dollars.

Mais que cachent ces chiffres? Plus de la moitié de l'exportation russe vers la Chine concerne les matières premières et les ressources énergétiques, alors que les produits industriels prédominent dans les livraisons chinoises à la Russie. D'autre part, d'après les données du Service fédéral des douanes (FTS), en août dernier, l'importation chinoise en Russie a dépassé de plus de 700 millions de dollars l'exportation russe vers la Chine (probablement, à cause de l'arrêt des livraisons de bois brut vers ce pays). Lors de la clôture du forum, le vice-premier ministre russe Alexandre Joukov a déploré le fait que le taux d'accroissement du chiffre d'affaires commercial, d'environ 40%, était principalement lié à l'accroissement de l'importation en provenance de Chine.

Il semble que les sept mois de l'Année de la Chine en Russie n'ont que très peu modifié la situation, l'état actuel des rapports économiques étant le même qu'au printemps. Rappelons les faits: lors de l'ouverture de l'Année de la Chine, nos fonctionnaires avaient parlé avec animation de contrats sans précédent signés pour 4,3 milliards de dollars. Mais de quels contrats s'agit-il? Par exemple, la compagnie Rosneft s'est engagée à livrer à la Chine du kérosène pour son aviation, le combinat métallurgique de Novolipetsk a conclu un contrat avec la corporation de transformateurs de Shenyang, le gouvernement de la République de Touva s'est entendu avec les Chinois sur la mise en valeur du gisement de minerais polymétalliques de Kyzyl-Tachtyg, etc. L'amitié dans le domaine des matières premières est avantageuse pour la Russie mais à court terme seulement. L'économie chinoise, en plein essor, a besoin de plus en plus de matières premières et de ressources énergétiques, ce qui garantit le maintien d'une demande stable et le prix élevé de nos ressources naturelles. En outre, cela permet de diversifier les livraisons russes.

Mais le statut de "fournisseur de matières premières" n'arrange pas le gouvernement russe. Les fonctionnaires déclarent qu'ils voudraient mettre davantage l'accent sur la coopération dans le domaine des hautes technologies. Alexandre Joukov a même appelé les entrepreneurs russes à intervenir plus activement sur le marché chinois.

Mais des sollicitations seules ne suffisent pas. Les autorités chinoises dépensent 7% de leur PIB pour soutenir les activités commerciales extérieures et les secteurs d'exportation. Chez nous, cet indice est dix fois inférieur. En Chine, il y a un système d'avantages fiscaux et de subventions pour les entreprises qui fournissent des produits destinés à l'exportation et des compensations sont prévues pour le rééquipement des entreprises se trouvant dans des zones économiques spéciales. La Russie prévoit depuis longtemps de créer également des zones économiques de ce type. Il est vrai, elle aborde cette question de façon très spécifique. Par exemple, la zone économique spéciale russo-chinoise en voie de construction dans les environs de Khabarovsk sera utilisée non pas comme une zone d'implantation de techniques innovatrices, mais comme une zone de jeux.

Enfin, la Chine utilise très efficacement sa principale ressource: la ressource humaine. Il ne s'agit pas seulement d'une main-d'oeuvre bon marché qui compte plusieurs millions de travailleurs en Chine même, mais aussi d'une diaspora chinoise implantée à l'étranger. Grâce à celle-ci, la Chine a obtenu le contrôle d'une partie considérable de l'économie de l'Asie-Pacifique; la diaspora chinoise a permis de trouver des canaux d'exportation d'articles chinois et d'attirer des investissements étrangers dans l'économie du pays. La population de la Russie se réduit d'environ un million de personnes par an. D'après les prévisions du ministère du Développement économique, le nombre de Russes encore pourrait diminuer de 700.000 d'ici fin 2007. Quant aux contacts économiques avec la diaspora russe à l'étranger, il est délicat d'en parler.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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