Le destin trouble de la mer d'Azov

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Par Tatiana Sinitsyna, RIA Novosti
Par Tatiana Sinitsyna, RIA Novosti

La tragédie dans le détroit de Kertch est un nouveau signal inquiétant envoyé à notre civilisation: la nature ne supportera pas une attitude négligente à son égard, et sa réaction à la pression technologique croissante sera sévère.

Pourquoi un ouragan aussi violent a-t-il sévi là où on ne l'attendait pas? Le professeur Oleg Sorokhtine de l'Institut russe d'océanologie explique ainsi ce phénomène: "La hausse de la concentration de gaz carbonique n'exerce pas d'influence significative sur la température globale de la Terre, mais elle influe fortement sur l'accélération des processus synoptiques, qui deviennent de plus en plus intenses, accentuant l'apparition de tempêtes. Celle qui a sévi ces derniers jours dans la mer d'Azov et la mer Noire peut être comparée à la tragédie de 2005 à La Nouvelle-Orléans (Etats-Unis) où avait été enregistré un pic local d'activité synoptique. J'estime que ce sont des maillons d'une même chaîne". Selon les estimations d'Oleg Sorokhtine, "le maximum de l'activité synoptique est relevé à 30 degrés de latitude Nord, ce qui témoigne du danger d'apparition de tempêtes et d'ouragans. Kertch, de même que La Nouvelle-Orléans, se trouve non loin de ce parallèle".

L'insouciance de l'homme est sévèrement punie. Le pétrolier russe Volgoneft-139 chargé de plus de 4.000 tonnes de mazout a été la première victime de la tempête: à l'aube du 11 novembre, il s'est brisé en deux. Le tableau était pour le moins apocalyptique: sa proue est restée attachée à l'ancre, tandis que la poupe où se trouvait l'équipage a flotté à la dérive, et cela s'est terminé par miracle sans aucune victime. Cependant, le fioul destiné à l'Ukraine s'est déversé dans la mer. La coque d'un autre pétrolier, le Volgoneft-123, a été fissurée.

La mer d'Azov, en tant que mer intérieure, fait partie des écosystèmes aquatiques les plus vulnérables. Le fioul a considérablement pollué un secteur de son bassin, ce qui représente une sérieuse menace écologique: d'après les données des scientifiques, un kilogramme de fioul tue tout ce qui vit dans plusieurs dizaines de mètres cubes d'eau. Mais la nappe de fioul est peut-être un "moindre mal" comparée aux possibles catastrophes maritimes d'origine technologique. "Le fioul est une substance lourde qui descend assez rapidement sur le fond, a expliqué Alexandre Koldobski, chercheur à l'Institut des ingénieurs physiciens, et spécialisé dans les catastrophes technologiques et l'écologie. Les conséquences les plus désastreuses sont à attendre dans les cas de pénétration dans l'eau de substances légères: essence, kérosène, gasoil. Elles forment une pellicule d'une épaisseur d'un micron à la surface de la mer qui cause un préjudice écologique immense, car elle bloque les échanges entre la mer et l'atmosphère, en perturbant le cycle du gaz carbonique et d'autres éléments dans la chaîne écologique "océan-atmosphère".

Les spécialistes estiment que le naufrage du Volnogorsk qui contenait 2.600 tonnes de soufre aura les conséquences écologiques les plus catastrophiques. Mais, selon Alexandre Koldobski, le danger provient moins du soufre que du gasoil provenant de l'épave du Volnogorsk, car cette matière fait partie des substances légères. En ce qui concerne le soufre, premièrement, il se trouve, comme on le sait, dans des conteneurs étanches, deuxièmement, selon le scientifique, "même si le soufre s'échappe, il n'entrera pas obligatoirement en réaction avec l'eau de la mer. Et même s'il entre en réaction avec l'eau, il ne faut pas oublier que le soufre se rapporte aux subtances difficilement solubles. Qui plus est, le volume de cette cargaison est sans commune mesure avec la masse de l'eau de la mer, par conséquent, il est peu probable que son contact provoque des conséquences écologiques désastreuses".

Pour l'instant, on se garde de faire des prévisions sur les conséquences de ces accidents, en invoquant la quantité inconnue de gasoil entre autres raisons. Dans des conditions de tempête, les mécanismes de formation de différentes substances dans la pellicule recouvrant la surface de l'eau sont très complexes, de même que les processus d'échanges "mer-atmosphère".

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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