Iskander vs ABM

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Par Piotr Gontcharov, RIA Novosti

Par Piotr Gontcharov, RIA Novosti

Des livraisons de systèmes de missiles opérationnels tactiques russes Iskander à la Biélorussie représentent une des variantes possibles de réponse asymétrique de la Russie au déploiement d'éléments de la défense antimissile américaine (ABM) en Europe. "Dans les conditions actuelles et compte tenu de la position adoptée par la Biélorussie, pourquoi pas? Toute action provoque obligatoirement une réaction", estime le général Vladimir Zaritski, commandant des Troupes de missiles et d'artillerie des forces armées russes.

Il s'agit certainement d'une réaction naturelle du responsable militaire russe face aux questions des journalistes sur les caractéristiques opérationnelles des missiles Iskander. De plus, il a eu raison de souligner que cela se ferait sous réserve que des conditions appropriées soient réunies et en fonction de la position adoptée par la Biélorussie.

De quelles conditions s'agit-il? Le fait est que la portée du missile Iskander-E, version destinée à l'exportation et qu'on s'apprête à livrer à la Biélorussie, ne dépasse pas 280 km. Comme l'a déclaré Minsk, la brigade de missiles qui en sera dotée est stationnée dans la région de Moguilev, limitrophe avec la Russie, par conséquent, une portée de 280 km ne suffira pas pour atteindre les intercepteurs américains déployés en Pologne. Cette portée sera insuffisante même si les missiles Iskander sont redéployés dans la région de Brest, frontalière de la Pologne.

Il en serait autrement si la Biélorussie recevait une version modernisée du système de missiles Iskander, dont la portée dépasserait les 500 km, limite mentionnée dans le Traité sur l'élimination des missiles à portée intermédiaire et à plus courte portée (FNI). Mais l'apparition d'une telle version d'Iskander signifierait la résiliation du traité FNI par la Russie.

Cette possibilité reste cependant envisageable, entre autres, en raison de la création par les Etats-Unis en Europe de la troisième zone de positionnement de l'ABM américain. Le déploiement du bouclier antimissile à proximité de la Russie irrite en effet beaucoup Moscou, d'autant que cela ressemble bien à une provocation à l'égard de la Russie.

Selon Alexeï Arbatov, directeur du Centre de la sécurité internationale de l'Institut de l'économie mondiale et des relations internationales, le déploiement du bouclier antimissile américain en Europe ne doit pas être négligé, malgré son potentiel insignifiant par rapport aux forces russes de dissuasion nucléaire. Tout d'abord, parce que, comme le reconnaissent eux-mêmes les experts américains, il s'agit d'un programme de défense antimissile qui va être poursuivi. Cela signifie que ni les Etats-Unis, ni leurs alliés ne peuvent garantir que tout cela se bornera à un radar en République tchèque et une base avec 10 intercepteurs de missiles en Pologne. Autrement dit, Washington ne garantit pas que le nombre de ses missiles ne sera pas 10, 15 ou 100 fois plus grand. Cependant, Alexeï Arbatov juge nécessaire d'analyser minutieusement tous les "pour" et les "contre" de la résiliation du FNI par la Russie et de prendre en considération les éventuelles conséquences militaires stratégiques, financières, économiques et politiques. Selon l'expert, la Russie dispose actuellement de moyens efficaces pour faire face à la défense antimissile américaine en Europe. Moscou pourrait déployer à moindres frais plusieurs régiments supplémentaires de missiles balistiques intercontinentaux (ICBM) Topol-M sans dépasser le cadre du FNI.

Alexeï Arbatov admet qu'en réponse à un déploiement de missiles russes à portée intermédiaire, les Etats-Unis reprendraient leur programme de missiles à portée intermédiaire Pershing-2, de missiles de croisière basés en mer, et qu'ils créeraient de nouveaux systèmes, perfectionnés, de missiles de portée moyenne qu'ils déploieraient en Europe.

Ce scénario décrit par Alexeï Arbatov est tout à fait réaliste compte tenu de la déclaration du commandant des Troupes russes de missiles selon laquelle "toute action provoque une réaction".

Il est incontestable que le missile opérationnel tactique Iskander est un bon moyen de frapper efficacement des cibles de petites dimensions et occupant de petites surfaces telles que les missiles et les intercepteurs de missiles, par exemple, ceux du bouclier américain installés en Pologne. Il est également incontestable que le Traité FNI signé par l'URSS et les Etats-Unis en 1987 lèse aujourd'hui les intérêts nationaux de la Russie, en particulier sur le plan de sa sécurité. En fait, ce document n'est jamais devenu universel: aucun autre pays ne l'a rejoint, bien que la Chine, par exemple, possède des missiles de portée comparable. Mais un autre point reste évident: le FNI est un des principaux traités dans le domaine du désarmement nucléaire, ce qui donne à réfléchir.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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