Hugo Chavez: le pacificateur arrosé

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Par Elena Chesternina, RIA Novosti
Par Elena Chesternina, RIA Novosti

Hugo Chavez a à peine eu le temps de se remettre du scandale diplomatique avec le roi d'Espagne Juan Carlos au sommet ibéro-américain qu'un nouveau scandale a éclaté, cette foi-ci, avec les autorités colombiennes. Le président Alvaro Uribe a renoncé à la médiation du président vénézuélien dans ses pourparlers avec les insurgés des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC). A présent, les chances de sauver les milliers d'otages retenus par les "révolutionnaires" sont plus que douteuses.

Il y a quelques jours, Hugo Chavez se prenait encore pour le principal pacificateur de la planète, ou peu s'en faut. Afin de renforcer cette image, il s'est rendu en France pour s'entretenir avec Nicolas Sarkozy sur les conditions de la libération d'Ingrid Betancourt, ancienne candidate à la présidence en Colombie prise en otage lors de l'un de ses voyages électoraux à travers le pays en 2002. On reste sans nouvelles de la franco-colombienne depuis 2003, lorsque les insurgés avaient diffusé une cassette vidéo attestant qu'elle était toujours vivante. Depuis, aucune information à son sujet n'a filtré. Hugo Chavez a promis d'en obtenir "à la source", c'est-à-dire des dirigeants des FARC eux-mêmes, avec lesquels il négocie depuis septembre sur la libération d'Ingrid Betancourt et de trois militaires américains capturés il y a quatre ans. La libération des étrangers est certainement une tâche prioritaire, mais elle est loin d'être la seule. Les insurgés retiennent une quarantaine de hauts fonctionnaires colombiens, dont d'anciens gouverneurs et députés, sans parler d'environ trois mille "simples mortels".

A Paris, Hugo Chavez a promis aux parents d'Ingrid Betancourt de faire tout son possible pour que la Française revienne dans son pays, affirmant que les chances étaient, soi-disant, grandes.

A présent, elles se sont certainement amenuisées en raison de la décision inattendue des dirigeants colombiens, qui avaient pourtant émis, il y a quelques jours, des avis très flatteurs sur le Vénézuélien. Les autorités colombiennes avaient même été jusqu'à affirmer qu'Hugo Chavez était le seul à pouvoir sauver les otages. Les idées des membres de l'organisation d'extrême-gauche sont proches de celles de Chavez: l'édification du socialisme en Amérique latine. Ceux qui ont été détenus par les révolutionnaires marxistes affirment que les insurgés écoutent attentivement toutes les allocutions publiques du président vénézuélien.

"Le président Hugo Chavez est le seul homme qui jouisse du respect des FARC et qui puisse libérer les otages. Ils ne les remettront ni à l'église, ni à l'ONU, ni à la France. Voyons s'ils les livreront à Hugo Chavez", a notamment déclaré Alvaro Uribe.

Même Washington ne s'est pas opposé à la participation de Chavez aux pourparlers avec l'organisation, considérée dans le monde entier comme terroriste. Cependant, trois agents des services secrets américains ont été faits prisonniers par pur hasard: leur avion a dû se poser in extremis dans la zone contrôlée par les insurgés.

Bref, l'éloignement d'Hugo Chavez des pourparlers a été pour le moins inattendu. Bien que les raisons n'en aient pas été mentionnées dans la déclaration officielle, on peut facilement les deviner. Hugo Chavez a manifestement dépassé les limites: dans son discours prononcé à Paris, il a affirmé que le président colombien était prêt à entrer en contact avec les insurgés. Il est vrai, Hugo Chavez n'a pas précisé quand cela aurait lieu: soit après la libération d'un premier groupe d'otages, soit après la libération de la totalité d'entre eux. Mais ce n'est pas là l'essentiel. Même si Alvaro Uribe a évoqué avec Hugo Chavez la possibilité de négocier avec les terroristes, ce n'est certainement pas pour que le monde entier le sache. Uribe n'est pas prêt à reconnaître publiquement sa volonté de rencontrer les insurgés qui avaient tué son père il y a 20 ans.

Bref, la verbosité d'Hugo Chavez lui a de nouveau joué un mauvais tour. Le scandale espagnol n'a pas suffi au président vénézuélien. A propos, il se poursuit. Le président offensé promet de survoler le palais du roi d'Espagne "à basse altitude" et dans l'avion de Fidel Castro. Il accuse Juan Carlos de nationalisme en affirmant que le monarque ne peut se résigner au fait que des Indiens deviennent présidents des anciennes colonies espagnoles, d'où le ton choisi: le roi recommande publiquement à Hugo Chavez de "se taire".

D'ailleurs, Juan Carlos et Alvaro Uribe ne sont pas les seuls à rendre le président vénézuélien de mauvaise humeur. Il se heurte à des problèmes très difficiles dans son pays où se succèdent des meetings rassemblant des milliers de personnes exigeant l'annulation du référendum sur la réforme constitutionnelle qui consacrera de fait le droit d'Hugo Chavez à être président à vie. On saura bientôt si ces actions déboucheront ou non sur des problèmes insolubles. Le vote est prévu pour le 2 décembre.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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