L'industrie d'armement en 2008: le problème complexe de la commande de l'Etat

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Par Nikita Petrov, pour RIA Novosti

Par Nikita Petrov, pour RIA Novosti

L'année qui se termine a été marquée par de nombreux succès dans les secteurs militaires de l'industrie russe, mais elle a aussi mis en évidence une série d'importants problèmes. S'ils ne sont pas réglés, il est peu probable que le programme d'Etat des armements, échelonné sur une période allant jusqu'à 2015, soit appliqué. En ce qui concerne les succès, on peut assurément citer le groupe de missiles stratégiques mobiles Topol-M mis en service dans la division des forces des missiles stratégiques de Teikovo dans la région d'Ivanovo, située au nord-est de Moscou. A présent, cette division dispose d'un régiment de missiles Topol-M qui contribuera au renforcement du potentiel des forces stratégiques russe de dissuasion. On vient de procéder aux essais du nouveau missile stratégique RS-24 à ogives MIRV qui pourrait à long terme remplacer les systèmes stratégiques, dont le délai de service opérationnel s'est achevé.

L'une des brigades de missiles de la Région militaire du Caucase du Nord a été équipée d'un groupe de missiles opérationnels tactiques Iskander-M. Les forces aériennes ont reçu des chasseurs polyvalents modernisés Su-27SMK, des avions d'assaut Su-24 et de nouveaux bombardiers tactiques Su-34. Le nouveau système de missiles de DCA S-400 est devenu opérationnel dans les environs de Moscou. La liste est longue. Mais un problème saute aux yeux.

L'armée devait s'équiper fin 2005 d'un groupe de missiles opérationnels tactiques Iskander-M. Quant aux bombardiers tactiques Su-34, les unités militaires devaient en recevoir non pas deux, comme aujourd'hui, mais six comme cela avait été promis fin 2006 par les dirigeants de l'usine aéronautique de Novossibirsk. La mise en service du système S-400 a également été reportée à l'année d'après. Et même en 2007, sa mise en service opérationnel avait tout d'abord été promise en mars, ensuite en juin, mais ce n'est qu'au mois d'août qu'elle a finalement eu lieu. La mise en service du Système global de navigation par satellite (GLONASS) ne correspond pas non plus au calendrier établi. Quelles en sont les raisons?

Certaines d'entre elles ont été citées par le premier vice-premier ministre russe Sergueï Ivanov lors de la dernière réunion de la Commission militaro-industrielle qu'il dirige. Ce sont la pénurie de cadres qualifiés, le vieillissement des capacités technologiques et la baisse de la qualité du matériel de guerre fabriqué. Bien que les entreprises du complexe militaro-industriel aient augmenté leur production de 14,1% au cours de ces derniers mois - la production militaire, de 19,1% et la production civile, de 7,6 % - certaines d'entre elles ne peuvent exécuter la commande de l'Etat. Bien plus, elles ne peuvent utiliser entièrement les sommes allouées, bien que le budget ne soit pas avare à leur égard. Ainsi, 800 milliards de roubles ont été alloués au règlement des problèmes militaires pour 2008, 900 milliards pour 2009, 1.100 milliards de roubles pour 2010. Mais rien ne garantit qu'ils soient entièrement utilisés.

Il est presque impossible de rénover le parc technologique des entreprises d'armements. Le problème ne réside pas seulement dans le prix exorbitant des machines-outils modernes à découper les métaux et des chaînes de fabrication automatique. Les entreprises russes ne fournissent pas toutes les pièces, il est donc nécessaire de beaucoup acheter à l'étranger. Les achats entraînent le paiement de taxes douanières élevées qui ne peuvent être ni baissées, ni annulées. Malgré les propositions réitérées des entreprises et le soutien du gouvernement, le problème reste au point mort. Il faut y ajouter l'augmentation incessante du coût des pièces auxiliaires, des matériaux premiers, des combustibles, de l'électricité, etc. Il est évident que les fonds budgétaires alloués, par exemple, pour l'achat de dix véhicules militaires ne suffiront que pour six ou sept au maximum.

On peut également y ajouter le décalage qui existe entre les prix réels et "dictés" ainsi que la nécessité d'entretenir les capacités mobilisées qui ont cessé d'être utilisées. Tout cela a pour résultat que seuls 36% des entreprises militaires stratégiques restent solvables tandis que 23% d'entre elles sont au bord de la faillite.

La main-d'oeuvre pose également un problème dans l'industrie d'armement. L'âge moyen des cadres hautement qualifiés des usines et des Instituts de recherche s'approche de celui de la retraite. Les jeunes diplômés des Instituts et des collèges techniques ne se pressent pas de rejoindre leurs rangs. Les raisons en sont compréhensibles: les salaires bas et la promotion trop longue à venir. Tout le monde n'y est pas prêt, loin s'en faut. Sans cadres hautement qualifiés, sans rénovation du parc des machines-outils, il est impossible de fournir des produits de bonne qualité à l'armée russe et pour l'exportation. D'ailleurs, cela a déjà été confirmé par des réclamations provenant d'Inde, d'Algérie et d'autres pays.

Il existe d'autres obstacles encore, dont le plus important est l'absence de règlement du problème des droits du propriétaire. Certaines entreprises du complexe militaro-industriel se trouvent depuis longtemps dans le secteur privé, d'autres appartiennent toujours à l'Etat. Il y a des entreprises qui possèdent une forme de propriété mixte. La création de holdings d'armements, qui pourraient aider à sortir de cette situation complexe, est retardée car on ne parvient pas à leur trouver une forme adéquate. "Seulement 16 des 37 structures intégrées prévues pour la fin de cette année ont été entièrement formées, a expliqué le premier vice-premier ministre Sergueï Ivanov au cours de la dernière réunion du complexe militaro-industriel. Il fallait soumettre au gouvernement avant le 1er janvier les documents concernant les 21 autres structures, mais seules les données concernant la moitié d'entre elles ont été soumises. Il est question de la responsabilité des dirigeants des ministères et des départements pour l'accomplissement de la consigne du président".

Mais même les holdings déjà créés n'arrivent pas à régler les problèmes de restructuration de la production, d'élimination des excédents industriels, du choix de la voie optimale de développement et des produits prometteurs qui seront nécessaires au pays et à l'armée dans les prochaines années. Pourtant, les besoins des forces armées sont connus depuis longtemps. Ils sont cités dans le programme d'Etat des armements pour 2007-2015. Hélas, il n'est pas encore appliqué intégralement.

Cela arrive régulièrement à la commande militaire de l'Etat. Ces quinze dernières années, aucune commande n'a été entièrement exécutée, ni livrée dans les délais prévus. Il faut être naïf pour espérer que des problèmes qui persistent depuis de nombreuses années puissent disparaître au bout de deux ans et qu'une grande percée puisse être effectuée dans la nouvelle année 2008. Il faut rester patient et travailler. L'essentiel étant de ne pas abandonner la voie choisie.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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