Cachemire: 60 ans de conflit indo-pakistanais

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Par Piotr Gontcharov, RIA Novosti
Par Piotr Gontcharov, RIA Novosti

Aujourd'hui, 21 avril 2008, 60 ans se sont écoulés depuis la première grande résolution du Conseil de sécurité de l'ONU sur le Cachemire, "éternel" problème de l'Inde et du Pakistan contemporains, qui remonte à la fondation de ces Etats.

Quelle est son essence? Islamabad estime que la position des musulmans du Cachemire n'a pas été prise en considération lors la partition en 1947 de l'Inde britannique en Pakistan et en Inde contemporaine.

Cette partition avait été effectuée selon le principe religieux: les territoires à population majoritairement musulmane avaient été rattachés au Pakistan, ceux à population hindoue, à l'Inde. La population du Cachemire d'alors était constituée à 80% de musulmans, par conséquent, son sort était, semblait-il, scellé. Mais le maharajah Hari Singh qui dirigeait la principauté du Jammu-et-Cachemire, et qui était hindou, avait refusé d'organiser un référendum et rattaché le Jammu et le Cachemire à l'Inde. Le Pakistan ne réussit à récupérer que les Territoires du Nord du Cachemire.

Depuis 60 ans que dure le conflit indo-pakistanais, Islamabad et New Delhi n'ont pas trouvé de moyens d'assurer un règlement pacifique du problème. Trois guerres - 1947-1948, 1965 et 1971 - n'ont pas non plus permis de régler la question. Les deux parties n'ont réussi qu'à s'entendre en 1972 à Simla (Inde) pour respecter la Ligne de démarcation tracée par les observateurs de l'ONU en décembre 1971 et pour régler les problèmes litigieux par la voie des négociations uniquement sur une base bilatérale.

Cette approche a été confirmée au cours de chacun des sommets bilatéraux qui ont suivi, mais les parties n'ont toujours pas progressé. D'autant que, depuis les accords de Simla, les nouvelles réalités qui sont apparues autour du Cachemire ne contribuent nullement à stabiliser la situation, bien au contraire. On peut citer, parmi ces réalités, l'apparition d'un facteur aussi déstabilisant que les combattants talibans et d'Al-Qaïda. Selon New Delhi, le Pakistan s'appuierait sur ce facteur pour servir ses intérêts dans le confit au Cachemire.

En outre, l'apparition d'armes nucléaires dans les deux Etats n'est pas devenue un facteur de dissuasion, comme c'était le cas dans les rapports entre l'URSS et les Etats-Unis. Au contraire, la communauté mondiale tressaille à chaque fois que la tension entre Islamabad et New Delhi au Cachemire conduit à un affrontement militaire ou les place au bord d'une guerre, comme par exemple en 1999 au cours du conflit militaire de Kargil (localité située sur le territoire indien du Cachemire, à 10 km au sud de la Ligne de démarcation, lieu d'affrontements périodiques entre les deux parties). Il en a été de même au cours de la confrontation militaire et politique de 2001-2002, lorsque l'Inde et le Pakistan se sont retrouvés plus proches d'une guerre que jamais depuis les événements de Kargil. Il suffit de rappeler que l'Inde avait alors envoyé à la frontière les trois quarts de ses troupes terrestres et le Pakistan, pratiquement toutes ses forces terrestres. La communauté internationale, principalement la Russie et les Etats-Unis, a dû déployer d'immenses efforts pour réussir à faire baisser la tension.

Qu'en est-il à présent?

Les résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU (celles des années 1948 et 1949) invitaient l'Inde et le Pakistan à retirer leurs troupes des territoires litigieux et à y organiser un référendum. Islamabad qui a soutenu cette idée dès le début estime toujours que c'est l'unique moyen de régler le problème.

New Delhi qui était d'abord favorable à cette variante l'a ensuite refusée, entre autres, selon l'expert russe Vladimir Moskalenko, "à cause de l'alliance militaire du Pakistan avec les Etats-Unis". Puisque l'Assemblée constituante élue par la communauté indienne du Cachemire a voté en 1954 en faveur du rattachement de ce territoire à l'Inde en tant que l'un de ses Etats, New Delhi estime que le problème du Cachemire est, "en principe, réglé" et qu'il ne peut être question maintenant que de libérer la partie occupée du territoire des troupes pakistanaises et des organes du pouvoir pakistanais.

New Delhi et Islamabad s'en tiennent jusqu'à présent à ces positions et ces approches politiques. Le Cachemire reste donc divisé par la Ligne de démarcation entre deux Etats qui ne reconnaissent pas la frontière officielle qui les y sépare. La situation dépend entièrement de deux choses: à savoir si New Delhi n'exigera pas une nouvelle fois la libération de la partie du territoire "illégalement occupée" par le Pakistan, et si les partisans d'un règlement militaire du problème du Cachemire ne prendront pas le dessus à Islamabad.

En ce qui concerne le Pakistan, beaucoup dépend, sinon tout, de l'élite politique qui détient le pouvoir réel. Ainsi, l'actuel président Pervez Musharraf s'en tient à une position plus souple. Lui et son équipe sont certains que le problème du Cachemire est aujourd'hui, en premier lieu, un problème humanitaire, qui nécessite avant tout le règlement des problèmes sociaux des habitants de la région, et ensuite seulement celui des contentieux territoriaux.

Quant aux opposants de Pervez Musharraf, la coalition victorieuse des partis de Benazir Bhutto et de Nawaz Sharif qui détient la majorité absolue des postes au gouvernement et au parlement du pays, ils occupent une position plus traditionnelle orientée en premier lieu sur l'organisation du référendum. New Delhi suit d'ailleurs avec beaucoup d'attention toutes les déclarations du nouveau premier ministre pakistanais Youssouf Raza Gilani, qui a annoncé que l'un des objectifs de son gouvernement était de réduire au maximum les pouvoirs de Pervez Musharraf.

Comme le relèvent un certain nombre d'experts russes, il n'y a pas de réelles percées dans le règlement de ce conflit, ce qui, malgré des concessions significatives de la part du Pakistan, est dans une grande mesure le résultat de la position ferme de l'Inde, qui ressemble de plus en plus à une pression sur Islamabad. Qui plus est, New Delhi est forcément conscient que les concessions pakistanaises ne valent, dans une grande mesure, que dans le cadre de la présidence Musharraf.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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