Le milliardaire russe Roman Abramovitch continue d'investir dans la production d'or. Le 13 mai, il a ajouté à son principal actif, la quatrième compagnie d'extraction d'or de Russie Highland Gold, deux importants gisements de la Tchoukotka, dont il est gouverneur à ses heures. On peut comprendre l'oligarque: le cours du métal précieux par excellence ne cesse de grimper. De plus, la ressource administrative lui permet d'acquérir des gisements d'or à des prix relativement peu élevés.
Des enchères se sont déroulées le 13 mai dans la Tchoukotka, avec pour objet la vente de deux gisements de minerai d'or (mélangé avec d'autres métaux précieux), ainsi qu'un gisement d'étain. En l'absence de concurrents sérieux, les trois licences ont été achetées, pour une somme dépassant modestement les prix de départ, par des structures contrôlées par Millhouse Capital, la compagnie mère de Roman Abramovitch et de ses partenaires.
Le plus prometteur des trois gisements tombés dans l'escarcelle de Millhouse est celui de Baïmskoïe, acquis pour la modique somme de 1,078 milliards de roubles (un peu plus de 45 millions de dollars). Ses réserves sont évaluées à 85 tonnes d'or et 5,95 millions de tonnes de cuivre. Le gisement compte également du molybdène, de l'argent, du titane, du nickel, du mercure et d'autres métaux. Pour le gisement de Vodorazdelnoïe, Millhouse a déboursé 14,3 millions de roubles (0,6 millions de dollars). Ses réserves sont évaluées à 65 tonnes d'or et 3.780 tonnes d'argent. Enfin, pour 495 millions de roubles (près de 21 millions de dollars), Millhouse a ajouté dans son panier le gisement d'étain de Chtokverkovoïe, avec des réserves d'environ 200.000 tonnes d'étain et 10.000 tonnes de trioxyde de tungstène.
Dans un premier temps, la première compagnie russe d'extraction d'or, Polyus Zoloto, s'apprêtait à faire une offre pour Baïmskoïe, mais elle a retiré sa demande de participation en avril. Selon certaines rumeurs, ce retrait serait le résultat d'une pression administrative de la part de Rosprirodnadzor (Service fédéral de contrôle de l'exploitation des ressources naturelles). La veille même des enchères, la compagnie d'extraction minière Sibir, autre concurrent sérieux, s'est retirée quant à elle de la lutte pour le gisement Vodorazdelnoïe.
Millhouse a donc finalement acquis ces importants gisements à un prix très intéressant. Cependant, leur mise en valeur nécessitera des investissements massifs, en raison de leur inaccessibilité mais aussi parce que l'extraction simultanée de différents métaux est un processus technologique compliqué et onéreux. Par conséquent, l'arrivée dans le projet de partenaires, même étrangers, n'est pas exclue. Cela est parfaitement possible en ce qui concerne notamment Chtokverkovoïe, dans la mesure où l'on s'intéresse de près au tungstène russe en Chine.
Roman Abramovitch avait commencé à investir dans des actifs d'extraction d'or dès l'été 2007, en s'offrant le gisement Dvoïnoïe, qui se trouve lui aussi, par un étrange concours de circonstances, dans le district autonome de la Tchoukotka dont le milliardaire a la charge.
Mais la perle de sa collection en la matière est sans aucun doute Highland Gold, numéro quatre de l'extraction d'or en Russie, dont Millhouse a racheté 40% des parts fin 2007 pour 400 millions de dollars, devenant ainsi l'actionnaire principal de la compagnie. Les principaux actifs de Highland Gold sont situés dans la région de Tchita (territoire de Khabarovsk) et dans la Tchoukotka. C'est apparemment autour de cette entreprise qu'Abramovitch s'apprête à construire son empire de l'or.
Highland Gold, qui est enregistrée en Grande-Bretagne, a reçu avec cet influent actionnaire russe de nouveaux moyens financiers, mais également une puissante ressource administrative pour obtenir un accès à d'autres gisements en Russie.
Il n'est pas exclu que Highland Gold s'attaque même au gisement d'or de Soukhoï Log (région d'Irkoutsk), le plus grand d'Eurasie. Ses réserves sont évaluées à environ 3.000 tonnes d'or et plus de 1.500 tonnes d'argent. Celui-ci se trouve pour l'instant dans le giron de l'Etat mais, comme on l'a annoncé le 13 mai à l'Agence fédérale pour l'exploitation du sous-sol (Rosnedra), les conditions du concours pour sa mise en valeur devraient être élaborées d'ici la fin de l'année.
Soukhoï Log, il est vrai, devrait attirer un nombre plus que suffisant de candidats sérieux. Polyus Zoloto a déjà fait part de son intérêt pour ce gisement exceptionnel, tout comme Polymetal, numéro trois russe de l'extraction d'or, Alrosa, monopole russe du diamant, et BasEl, la compagnie mère de l'homme le plus riche de Russie selon Forbes, Oleg Deripaska. Le magnat de l'acier Alexeï Mordachov pourrait aussi se joindre à cette liste. Son entreprise Severstal s'est rapidement installée parmi les cinq plus grandes compagnies d'extraction d'or du pays en rachetant Celtic Resources, qui produit de l'or au Kazakhstan et exploite des gisements dans la région de Tchita ainsi qu'en Iakoutie.
Pourquoi donc les oligarques russes se sont-ils soudain intéressés à l'extraction d'or? La réponse est évidente. Dans un contexte d'instabilité des marchés financiers, le cours de l'or ne fait que grimper. Son prix moyen en 2007 avoisine les 700 dollars l'once, alors qu'il est aujourd'hui à 880, ayant effacé le record absolu de 1980 (850 dollars l'once). Selon les prévisions des plus grands spécialistes mondiaux, la valeur de l'or devrait continuer à monter au cours des prochaines années: dès 2008, son cours devrait dépasser les 900 dollars l'once, et poursuivre son ascension au moins jusqu'à la fin de la décennie en cours.
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