La femme dans l'espace

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Par Iouri Zaïtsev, expert de l'Institut d'études spatiales, pour RIA Novosti

Par Iouri Zaïtsev, expert de l'Institut d'études spatiales, pour RIA Novosti

Le 16 juin 1963, Valentina Terechkova fut la première femme à partir dans l'espace. Sa mission spatiale dura deux jours et demi.

Lorsqu'on demanda à Sergueï Korolev (le père de l'astronautique soviétique) d'organiser un nouveau show spatial, cette fois sous la devise "chez nous, tous sont égaux", il fut loin de sauter de joie. Il fallut inventer une justification scientifique qui puisse rendre plus attrayante "l'expérience féminine". On se proposa donc d'étudier l'influence des divers facteurs du vol spatial sur l'organisme féminin.

Cinq candidatures furent choisies sur un millier de demandes. Après un examen d'Etat de formation spatiale générale, le détachement de femmes fut présenté au Constructeur général Sergueï Korolev. Il demanda à toutes les prétendantes de parler d'elles, et d'expliquer leur désir de voler dans l'espace. A la fin de l'entretien, il était maussade. Ensuite, en privé, il exprima son insatisfaction quant à la composition du groupe. D'après lui, tous les membres du détachement étaient très éloignés du domaine des fusées spatiales.

Selon la tradition établie, le nom de la personne qui devait voler en premier dans l'espace fut annoncé juste avant le départ pour le cosmodrome. A ce moment-là, tout le monde connaissait la décision prise, mais chaque femme attendait un miracle... Bref, deux femmes en scaphandres - Valentina Terechkova et sa doublure Irina Solovieva - montèrent sur la rampe de lancement.

Valentina Terechkova supporta mal ce vol. Ne se sentant pas très bien, elle n'accomplit pas tous les objectifs de sa mission. Mais elle se montra courageuse et demanda même à ce que son vol soit prolongé. "Pourvu qu'on arrive à la faire atterrir sans problème...", répétait Sergueï Korolev.

A l'époque, l'astronautique habitée était en plein développement: le nouveau vaisseau Soyouz était en cours de conception, la série des cinq vaisseaux Voskhod allait entrer en exploitation, et l'on envisageait de travailler en même temps sur plusieurs vaisseaux Vostok. Il était prévu d'effectuer neuf vols en 1966, quatorze en 1967 et 21 en 1968. Mais la participation de femmes-cosmonautes à ces vols n'était pas prévue. Sergueï Korolev déclara qu'il n'avait pas besoin de détachement féminin, que les femmes n'avaient pas fait leurs preuves et qu'un seul vol féminin lui suffisait. Il est vrai, l'idée de lancer un équipage purement féminin fut émise deux fois, et l'on forma même des équipes pour cela.

Il était prévu, entre autres, qu'un équipage féminin volerait à bord du vaisseau Voskhod durant 15 jours et qu'il effectuerait une sortie dans l'espace. Valentina Ponomareva devait être chef d'équipage, la sortie extravéhiculaire devait être effectuée par Irina Solovieva. Janna Erkina et Tatiana Kouznetsova constituaient l'équipage secondaire. Les entraînements, effectués sans trop de zèle, se bornèrent à des exercices basiques. Après la mort de Sergueï Korolev, le programme Voskhod fut arrêté.

En 1969, toutes les femmes, sauf Valentina Terechkova, furent exclues du détachement des cosmonautes "en raison de la dissolution du groupe féminin".

Les vols de femmes dans l'espace ne recommencèrent en Union soviétique que dans les années 1980 en réponse au programme américain analogue. En 1982, Svetlana Savitskaïa effectua un vol à bord du vaisseau Soyouz et de la station orbitale Saliout-7. Deux ans plus tard, au cours d'un deuxième vol, elle devint la première femme-cosmonaute à effectuer une sortie extravéhiculaire.

Une autre Russe, Elena Kondakova, vola dans l'espace douze ans plus tard: dans un premier temps à bord de Soyouz, ensuite, à bord d'une navette américaine. Elle travailla 169 jours à bord du complexe orbital Mir, battant le record de séjour dans l'espace pour une femme.

A présent, il n'y a plus de représentantes du beau sexe parmi les astronautes russes. Nadejda Koujelnaïa fut la dernière d'entre elles: sans avoir jamais volé, elle quitta le détachement qu'elle avait intégré en 1994.

Selon une règle établie dans l'astronautique soviétique, si un cosmonaute est désigné et s'il s'entraîne en tant que doublure, la fois suivante, il doit être membre de l'équipage principal. Nadejda Koujelnaïa devait voler en qualité d'ingénieur de bord de l'équipage principal de la première mission russe sur la Station spatiale internationale (ISS), mais, soudain, sans raisons évidentes, elle fut transférée dans un autre groupe de cosmonautes. Ensuite, elle fut la doublure de la Française Claudie Haigneré, qui avait déjà travaillé à bord de la station Mir et put voler par la suite vers l'ISS. Nadejda, elle, eut moins de chance: elle ne travailla jamais en orbite.

Au total, dans l'histoire de l'astronautique russe, 17 femmes ont suivi des entraînements en vue de voler dans l'espace, mais seules trois d'entre elles ont effectué des vols spatiaux.

En Amérique, un premier groupe de femmes-pilotes fut choisi dans ce but dès le début de 1961. Les médecins furent étonnés de constater que les résultats des femmes s'étaient avérés meilleurs que ceux des hommes. Mais la NASA annonça qu'elle n'avait pas besoin de femmes-astronautes. Les personnalités officielles de l'agence expliquèrent leur décision par la consigne donnée dès 1959 par le président Dwight Eisenhower de choisir des astronautes uniquement parmi les militaires. (C'est, peut-être, la raison pour laquelle le grade de sous-lieutenant fut attribué aux candidates russes aux vols spatiaux, bien avant le vol effectué par Valentina Terechkova). En 1983, Sally Ride devint la première Américaine dans l'espace.

Actuellement, le monde compte déjà une cinquantaine de femmes-astronautes, originaires entre autres de Grande-Bretagne, du Canada, de France, du Japon, de Corée, etc.

Il y a deux ans, les dirigeants du programme spatial chinois proposèrent de constituer un détachement de femmes-astronautes en sélectionnant des candidates parmi les étudiantes des établissements d'enseignement supérieur. Cela fut annoncé à la veille de la Fête des femmes célébrée le 8 mars. Il est vrai, cela s'est révélé être une plaisanterie...

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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